Politique

« Le quinquennat de la trahison écologique »

TRIBUNE – Si le doute persistait encore, les derniers voiles sont désormais levés : le gouvernement a fait le choix du populisme en bafouant ses derniers restes d’ambition écologique. Abandonnant tout récemment deux piliers essentiels de la lutte contre le changement climatique et en faveur d’une agriculture durable, Emmanuel Macron a gravement compromis sa promesse de candidat à la présidentielle faite pendant l’entre-deux tours de 2022 : « mon prochain quinquennat sera écologique ou ne sera pas ».

Les actes ne trompent pas et le constat est sans appel : le récent abandon de la loi de programmation énergie et climat (LPEC) constitue un recul inexcusable, privant la France d’une feuille de route cruciale pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre et accélérer sa transition vers les énergies renouvelables. Cette décision irresponsable signifie non seulement plus d’un an de perdu dans la lutte contre le dérèglement climatique, mais elle témoigne également du mépris total et inquiétant du gouvernement envers le pouvoir législatif, censé être souverain sur les grandes orientations stratégiques en matière climatique et énergétique.

Sacrifices, reculs et renoncements

La très attendue Loi d’orientation agricole s’avère être une défection supplémentaire, favorisant de manière flagrante l’industrialisation de notre agriculture au détriment d’un modèle respectueux de l’environnement et allant à contresens de ses objectifs initiaux en matière de renouvellement des générations et de transition agroécologique. Sous l’influence de puissants lobbys agricoles, le gouvernement a fait le choix de sacrifier la santé des écosystèmes, des populations et des paysans en premier lieu, sans jamais s’attaquer aux causes profondes du mal-être paysan. En cédant aux manœuvres de la FNSEA, le gouvernement d’Emmanuel Macron compromet tout bonnement l’avenir des générations futures en perpétuant un modèle agricole insoutenable.

Le terrain agricole a été le lieu d’autres reculs catastrophiques, sur fond de crise, actant une politique réactionnaire qui aura des conséquences réelles sur la santé des agriculteurs et des consommateurs et pour l’avenir de notre agriculture : mise à l’arrêt du plan Ecophyto (qui visait à réduire de 50 % l’usage des pesticides d’ici à 2030) sous couvert de changement de son indicateur d’évaluation, placement sous tutelle des préfets des agents de l’Office français de la biodiversité, entrave aux recours juridique face aux projets de méga-bassine ou d’élevage industriel, rehaussement des seuils des élevages industriels pour réduire la quantité des fermes-usines soumises à une enquête d’évaluation systématique. C’est sans compter aussi sur le soutien du gouvernement à une procédure d’urgence européenne visant à réviser la Politique agricole commune pour la dépouiller de ses avancées environnementales. Au lieu de se pencher sur l’amélioration réelle et profonde des revenus des agriculteurs par la mise en place effective de prix planchers, de proposer un plan ambitieux de renouvellement des générations et un accompagnement fort vers la transition agroécologique, le gouvernement a acté des reculs historiques et gravissimes pour l’écologie.

Le gouvernement a fait le choix de sacrifier la santé des écosystèmes, des populations et des paysans, sans jamais s’attaquer aux causes profondes.

Comment ne pas mentionner également les multiples renoncements récents sur d’autres enjeux environnementaux, tout aussi scandaleux et inquiétants, que sont la baisse de 1 milliard d’euros sur les crédits alloués à MaPrimeRénov’, pilier indispensable pour la rénovation des logements, notamment des passoires énergétiques ; la suppression de 400 millions d’euros de crédits sur le fonds vert qui aurait permis aux collectivités territoriales de rénover leurs bâtiments publics ; ou encore de 340 millions dans les transports, mettant un frein au développement de transports publics en alternative à la voiture.

Enfin, c’est sans compter les annonces qui n’auront même pas eu le temps de voir le jour, comme l’abandon du Pass Rail qui aurait pu renforcer la démocratisation du train ou l’arrêt prématuré du dispositif de leasing social de véhicules électriques pour les populations les plus modestes. Sur les transports encore, l’un des secteurs qui tarde le plus à être décarboné suivant le dernier rapport du Citepa (le Centre interprofessionnel technique d’études de la pollution atmosphérique), comment justifier le démantèlement de Fret SNCF prévu pour décembre 2024, et l’abandon de 23 sillons parmi les plus rentables qui va conforter le transport routier de marchandises ?

Les Français sont prêts à en faire plus, sous réserve d’être accompagnés

Ces régressions sont une trahison de la parole politique. Il est facile de se défausser sur le manque d’acceptabilité sociale de la transition et de faire peser la responsabilité sur la population qui ne serait pas prête aux changements. Rien n’est plus faux et tous les sondages depuis des mois concordent : les Françaises et les Français font des efforts et sont prêts à en faire davantage, sous réserve qu’ils soient accompagnés pour le faire (financièrement mais aussi par la disponibilité d’infrastructures adaptées) et que les principaux responsables de la crise paient en premier la facture.

Fidèle à sa doctrine ultralibérale, le président s’obstine à les protéger et renvoie aux calendes grecques toutes mesures qui iraient vers plus de justice sociale : il balaie ainsi d’un revers de main la proposition d’ISF climatique pourtant soutenue de toutes parts, comme dans le rapport Pisani-Ferry Mahfouz, il renâcle à taxer les plus gros pollueurs comme TotalEnergies et cède aux injonctions de la FNSEA, chantre d’une agriculture industrielle, socialement et écologiquement délétère.

Faute de courage politique pour répartir de façon plus juste les efforts, le pouvoir trahit ses engagements et nourrit la montée du vote populiste.

Au lieu de construire une vision d’avenir porteuse d’espoir et d’amélioration du confort de vie que peut apporter la transition écologique, il ne cesse de conspuer les organisations environnementales en brandissant le spectre d’une écologie soi-disant « punitive » ou « brutale ». Alors que la France se réchauffe bien plus vite que la moyenne à l’échelle planétaire et que des inondations meurtrières se sont multipliées sur notre territoire, rappelons l’évidence : la brutalité est du côté du plus haut niveau de l’État qui a abandonné toute ambition réelle en matière écologique, toute volonté d’enclencher les transformations si nécessaires. Faute de courage politique pour répartir de façon plus juste les efforts et accompagner les plus vulnérables, le pouvoir non seulement trahit ses engagements mais nourrit incontestablement la montée du vote populiste ou l’abstention aux prochaines élections.

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