Le risque d’un « bilan catastrophique » en cas de cyclone à Mayotte était pointé dans ce rapport
POLITIQUE – Qui aurait pu prédire qu’un cyclone d’une intensité exceptionnelle provoquerait des dégâts monumentaux et causerait la mort de dizaines, voire de centaines de personnes à Mayotte ? En quelques heures, des milliers de familles ont tout perdu. Et cela n’a rien à voir avec la fatalité, mais plutôt avec une accélération du réchauffement climatique d’origine humaine, aggravé par la pauvreté extrême existant sur l’archipel.
En mars 2024, un groupe de députés s’était penché sur la gestion des risques naturels dans les territoires d’outre‑mer. Emmenés par l’ex-député LR de Mayotte Mansour Kamardine, ils avaient particulièrement insisté dans leur rapport sur la situation dans l’archipel de l’océan indien, qui concentre toutes les difficultés. Département le plus pauvre de France, c’est aussi celui d’outre-mer avec la densité de population la plus élevée. 815 personnes y vivent au kilomètre carré, contre 14 pour la Nouvelle-Calédonie et 3 pour la Guyane par exemple.
Auditionné dans le cadre de ce rapport, le directeur général de l’Autorité régionale de Santé (ARS) de Mayotte Olivier Brahic avait appelé que l’archipel est « exposé aux risques sismique et cyclonique ». « Compte tenu de l’étendue de l’habitat informel sur l’île (comprendre les bidonvilles, ndlr), le bilan victimaire d’un cyclone serait catastrophique, alertait-il. En outre, le système de santé, déjà très déficitaire, aurait le plus grand mal à faire face à un événement majeur, d’autant plus dans la période de crise actuelle. »
« Le bilan pourrait être très lourd »
Des mots qui résonnent étrangement aujourd’hui, alors que la situation sur place avait été décrite avec précision il y a plusieurs mois déjà. Olivier Brahic avait notamment insisté sur le fait « qu’habituellement, un cyclone fait peu de blessés relevant de la traumatologie ». Mais à Mayotte, « il en irait très différemment, prédisait-il avec une précision terrible. Le bilan victimaire pourrait être très lourd dans ce qu’on appelle les bangas, dans les bidonvilles, où les tôles qui s’envolent pourraient causer de très gros dégâts ».
Et en effet, ce sont ces quartiers pauvres qui ont le plus durement été touchés par le passage du cyclone. Selon les autorités, 100 000 personnes vivement dans ces habitations précaires faites de toile, de tôle et de bois.
La situation d’extrême vulnérabilité du 101e département français n’est pas seulement due à des raisons géographiques ou géologiques, mais bien à un manque aigu de prévention et de moyens mis sur la table par Paris pour y remédier. « La difficulté tient, en cas de cyclone, à l’absence totale de préparation de la population, contrairement à La Réunion et aux Antilles, soulignait Olivier Brahic en mars. À Mayotte, il n’y a aucune culture du risque sur le territoire ».
« Des mises à l’abri insuffisantes »
« La question du financement est réelle », confirmait la directrice outre-mer de la Croix-Rouge française Gaëlle Nebard. Avec un exemple à l’appui : le dispositif Maore dzi pangue, qui faisait de la prévention dans les écoles de l’archipel, mais qui a été contraint de s’arrêter il y a deux ans, faute de moyens. Les programmes de formation aux aléas climatiques ont eux aussi souffert de l’incurie. Le spécialiste Jean-Christophe Komorowski, auditionné pour les besoins du rapport, insistait de son côté sur la nécessité de « développer les formations universitaires scientifiques à Mayotte pour que les Mahorais, une fois formés aux métiers de la recherche ou de la technologie, puissent contribuer à la sécurité de leur territoire ».
« En outre, précisait encore Olivier Brahic, les capacités de mise à l’abri sont largement insuffisantes : les centres de vie, qui sont identifiés dans chaque commune, pourraient accueillir 30 000 personnes alors que la population est estimée entre 300 000 et 400 000 habitants ».
Si Mayotte est aujourd’hui au centre de toutes les attentions, d’autres départements ultramarins pourraient être touchés dans un futur proche par les mêmes phénomènes extrêmes. Dans le rapport, l’ingénieur Gonéri Le Cozannet se montrait particulièrement inquiet : « En l’espace de deux ans, il s’est passé à Mayotte ce qui va se passer dans tous les autres territoires d’outre-mer dans les trente prochaines années : une élévation du niveau marin de 20 centimètres ». Et avec elle, de possibles dégâts à craindre.
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