Politique

Le scénario envisagé par Lecornu en cas d’impasse sur le budget n’arrange pas que lui

Le plan B comme Budget est prêt. Alors qu’il ne reste que trois jours à l’Assemblée nationale pour se prononcer sur le projet de loi de finances 2026 (un vote est envisagé dès ce vendredi 21 novembre dans la soirée) et que le Sénat n’envisage pas de vote avant le 15 décembre au plus tôt, le gouvernement assure ses arrières. Si le Parlement ne parvient pas à se prononcer dans les délais impartis par la Constitution, Sébastien Lecornu passera par une loi spéciale.

« Dans l’hypothèse où nous n’y arriverions pas, pour des raisons tant calendaires que politiques (…) il faudra évidemment que le gouvernement présente au Parlement un projet de loi spéciale », a indiqué aux sénateurs le ministre des Relations avec le Parlement Laurent Panifous. La loi spéciale, temporaire, permet à l’État de percevoir les impôts existants, accompagnée d’un décret gelant les dépenses. Une fois la paralysie évitée, les parlementaires reprennent les discussions, le plus souvent là où l’examen s’était arrêté – même si le dépôt d’un nouveau texte reste possible, notamment en cas de changement de Premier ministre.

Coup double pour le gouvernement

La loi spéciale offre deux avantages au gouvernement. Primo : écarter (au moins dans un premier temps) le recours aux ordonnances, que le Premier ministre « ne souhaite pas », a insisté Laurent Panifous. La manœuvre permet au gouvernement de battre en brèche le récit de la France insoumise et du Rassemblement national, qui accusent le gouvernement de préparer un « passage en force » par cette voie. Et d’engranger un point sur le plan politique.

Le deuxième gain est d’ordre stratégique. Le recours à une loi spéciale offre en effet du temps supplémentaire au Parlement pour arriver à un budget « votable » que le gouvernement appelle de ses vœux. Ce n’est pour l’instant pas le cas et le Premier ministre mise d’ailleurs sur un rejet dans un premier temps (ce qui arrivera à l’Assemblée nationale) afin d’arriver à une seconde lecture, le « moment de vérité » selon ses termes. Qui dit plus de temps, dit plus de négociations possibles et donc peut-être plus d’espoir d’arriver à des compromis.

Indirectement, ce choix met aussi sous pression au moins deux camps à l’Assemblée nationale : le Parti socialiste et les groupes du camp gouvernemental qui, bien qu’ils aient acté leur non-soutien à la partie « recettes », continuent à dire leur souhait d’arriver au compromis.

La balle est dans le camp des députés (qui le veulent bien)

Les socialistes ont justifié leur décision car « nous sommes loin du compte du fait de l’incapacité du socle commun à rompre avec ses totems. » Mais du temps supplémentaire pourrait-il favoriser et décrisper de futurs échanges ? La question est aussi valable pour les députés macronistes. Ce 21 novembre, le député EPR Paul Midy, chef de file de son groupe sur le budget s’est montré optimiste sur la possibilité d’un atterrissage. « C’est possible, on va y arriver. Nous ferons tout pour », a-t-il confié aux Échos, évoquant « des signaux positifs comme le vote favorable de la deuxième partie du budget de la Sécurité sociale ». « À quoi sert-il de faire des compromis si les forces avec lesquelles on les fait ne votent pas le budget ? » conclut-il, dans un tacle aux socialistes. Question de réciprocité.

La loi spéciale repousse aussi indirectement le spectre de la dissolution car elle écarte pour quelque temps au moins la possibilité que le PS vote une motion de censure. Sans risque de censure, le spectre de la dissolution pâlit ce qui n’est pas pour déplaire aux formations macronistes, au PS et aux Républicains. Et d’autant plus fortement qu’en 2026, les municipales sont susceptibles de faire pencher la balance présidentielle contre de nouvelles élections anticipées dans un laps de temps aussi court. La tenue des deux scrutins en même temps est légalement possible, mais le risque politique pour les partis à la peine dans l’opinion publique (au hasard, celui d’Emmanuel Macron) est élevé.

In fine ? Seuls deux camps vont devoir prendre leur mal en patience à cause de la loi spéciale : le Rassemblement national, qui souhaite une dissolution aussi vite que possible et la France insoumise qui réclame la démission d’Emmanuel Macron. Exclue par l’intéressé, à de multiples reprises.