L’embarras de l’extrême droite pour rendre hommage à un pape « trop woke »
POLITIQUE – Le pape est mort, vive le pape ? Humaniste, écologiste, ardent défenseur du sort des migrants… À une large majorité, les élus français ont rendu hommage au pape François décédé ce lundi 21 avril à l’âge de 88 ans au Vatican, et qui laisse derrière lui un bilan jugé plutôt réformiste, en dépit évidemment de ses positions réfractaires sur l’IVG et l’homosexualité.
Au-delà de ses prises de parole régulières pour défendre le sort des Palestiniens de Gaza, ou de la publication d’une exhortation apostolique sur la crise climatique, le Saint-Père avait choisi de mettre au cœur de son pontificat « les périphéries » et les jeunes, ainsi que l’expliquait en décembre dernier au HuffPost, François Mabille, chercheur au CNRS.
C’est en ce sens d’ailleurs que le Pape François avait dit se rendre à Marseille mais « pas en France ». Et c’est là où le premier bat blesse pour une partie de l’extrême droite française, arc-boutée sur l’idée d’une France fille aînée de l’Église.
Un pape trop « woke »
En témoigne la réaction de Philippe de Villiers au micro de Pascal Praud sur Europe 1 à la mi-journée. Tout en se disant attristé par le décès de la figure religieuse, le Vendéen a fustigé un pontife « woke » qui « a toisé la France » et « a persécuté les chrétiens de la tradition de l’Église de notre enfance ». Quelques heures avant, c’est déjà Pascal Praud qui, annonçant la mort du souverain pontife en direct sur CNews d’un ton quasi lasse, évoquait un Pape « woke » et de « gauche ».
Ce n’est donc pas un hasard si ce lundi matin, c’est surtout à gauche qu’on a d’abord vu se multiplier les messages nourris en l’honneur de celui qui appelait à ce « que la Méditerranée ne soit plus un cimetière mais un visage de fraternité et de paix ». Les mots de Marine Le Pen et Jordan Bardella ne sont arrivés que quelques heures après, et sous la forme d’ailleurs d’un service minimum pour adresser leurs « condoléances aux catholiques ».
Même sobriété accompagnée d’un cliché en noir et blanc chez Marion Maréchal, laquelle pourtant n’avait pas hésité l’année dernière à se dire « dérangée » par les propos de François sur les migrants : « le Souverain pontife ne prend pas en compte les conséquences dramatiques de l’immigration pour les Français et les Européens ». Marine Le Pen avait aussi régulièrement tiqué sur les positions pontificales en matière d’immigration. « Le pape se mêle de ce qui ne le regarde pas », jugeait sévèrement en pleine campagne présidentielle 2022, celle qui lui préférait son prédécesseur Benoit XVI.
Si d’autres hommages émanant d’élus du RN et alliés, sont plus éloquents ce lundi, jamais il n’est fait mention de l’engagement papal en faveur des migrants. Pour son tout premier déplacement après sa nomination, en juillet 2013, François avait très symboliquement choisi de se rendre sur l’île de Lampedusa – la même île sur laquelle Marion Maréchal s’était autorisée dix ans plus tard une opération de com’.
Sphère réactionnaire
Quant à Éric Zemmour, il n’a pas attendu le début du conclave pour espérer un successeur de François plus « éclairé ». Et tout en ayant l’air de pas y toucher – « les polémiques doivent se taire » – le patron de Reconquête a tancé un pontificat qui « pour certains catholiques (…) fut une épreuve dans leur foi dans l’Église ».
Déjà en amont de la visite papale à Marseille, en septembre 2023, les troupes zemmouristes, dont faisait encore partie Marion Maréchal, fustigeaient un pape « trop politique ». « L’Évangile nous invite à aimer notre prochain mais il n’est nullement précisé qu’on doit l’aimer chez nous, en France », vitupérait avant la visite marseillaise Stéphane Ravier. Et le sénateur d’extrême droite qui a depuis quitté Reconquête d’ajouter : « Au lieu de nous culpabiliser, j’invite le pape François lorsqu’il sera à Marseille à passer la troisième vitesse de sa papamobile pour aller du Prado à l’avenue de Saint-Louis, de Saint-Antoine, de Sainte-Marthe, où il verra qu’une population de confession musulmane a effacé les saints ».
L’inimitié semblait réciproque. François lui-même mettait en garde juste avant le second tour des élections européennes en juin dernier contre « les tentations idéologiques et populistes », visant au passage « la culture du rejet ». Urbi et oubli pour certains.
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