Politique

L’encombrant Retailleau peut-il gêner Macron dans son opération réconciliation au Maroc ?

POLITIQUE – Rabat-joie ? Le président de la République Emmanuel Macron arrive au Maroc ce lundi 28 octobre pour une visite d’État de trois jours destinée à donner un nouveau lustre à la relation bilatérale après trois années de crise aiguë. Elle « vise à marquer une nouvelle ambition pour les 30 ans à venir », se félicite l’Élysée.

Les deux pays, forts d’un « partenariat enraciné et solide », ont une « volonté commune » de « raffermir les liens » qui les unissent, renchérit le cabinet royal. Un ton résolument optimiste qui tranche avec la mésentente au sommet observée trois ans durant, ponctuée alors de campagnes contre la France dans les médias proches du pouvoir marocain.

Bientôt plus qu’un mauvais souvenir, escompte-t-on à Paris. Au programme de ces trois jours : des moments protocolaires, avec cérémonies officielles ou dîner d’État, et des rendez-vous plus politiques, avec un discours au Parlement mardi. Une visite fastueuse, donc, mais aux enjeux majeurs et potentiellement délicats. Parmi eux, la lutte contre l’immigration illégale, pomme de discorde traditionnelle entre les deux pays.

Quand Retailleau ciblait le Maroc

Dans ce contexte, Bruno Retailleau jouera-t-il le trouble-fête ? Le ministre de l’Intérieur, très offensif depuis son arrivée Place Beauvau, est de la délégation qui accompagne le chef de l’État, avec les ministres des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot ou de la Culture Rachida Dati.

Or, l’ancien patron des sénateurs Les Républicains a déjà visé le Maroc, il y a peu, quand il évoquait son souhait notamment de conditionner la politique de visas à la délivrance des laissez-passer consulaires, documents indispensables pour renvoyer des étrangers dans leur pays d’origine. Début octobre, il expliquait ainsi que 238.000 visas ont été accordés aux ressortissants marocains pour seulement 1.680 retours forcés sur leur sol.

« Si vous ne nous délivrez pas plus de laissez-passer consulaires pour expulser vos ressortissants délinquants, de notre côté, nous délivrerons moins de visas à l’ensemble de vos ressortissants », lançait-il aux pays concernés, dans un entretien sur RTL.

Une stratégie déjà employée à l’automne 2021 par son prédécesseur Gérald Darmanin, qui avait décidé de réduire de moitié l’octroi de visas pour les Marocains, Algériens et Tunisiens. La décision avait alors empoisonné les relations diplomatiques entre France et Maghreb. Le Maroc avait dénoncé une mesure « injustifiée ». Les ONG l’avaient jugée « humiliante ».

Les milieux francophones marocains avaient été particulièrement affectés. Au point que Paris avait fait machine arrière, la cheffe de la diplomatie de l’époque Catherine Colonna s’était rendue à Rabat pour annoncer en personne la fin de cette restriction et tenter de renouer avec le Royaume. Même méthode, même brouilles, trois ans plus tard ? Sans doute pas.

Barrot appelle à « tirer les leçons des erreurs du passé »

D’une part, Bruno Retailleau a quelque peu adouci sa position à l’approche de la visite d’État présidentielle au Maroc. Jeudi 24 octobre, le ministre de l’Intérieur a ainsi annoncé la nomination d’un « missi dominici qui aura cette obsession de faire avec des pays tiers, des pays d’origine, des pays de transit, des accords bilatéraux ». Il a également pris le soin, sur France Inter, de citer le Royaume, mais cette fois-ci comme « un grand pays sûr », « ami », où l’on peut « accélérer un certain nombre de réadmissions ».

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Signe de ce changement de ton, le ministère des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot, qui sera aussi du voyage, appelle pour sa part à « tirer les leçons des erreurs du passé. » « Il faut aborder cette question (migratoire) dans le cadre d’un partenariat durable et d’un dialogue global » et non « sous l’angle de la transaction », plaide-t-il dans un entretien à la Tribune Dimanche, comme pour finir de déminer le terrain.

Ensuite, la relation bilatérale est avant tout vue à l’aune de la position de Paris sur le Sahara occidental, un territoire considéré comme « non autonome » par l’ONU, qui oppose depuis un demi-siècle le Maroc aux indépendantistes sahraouis du Front Polisario, soutenus par Alger. Et cet été, la France, après des décennies d’hésitations, s’est finalement positionnée en faveur de Rabat, partisan d’une autonomie du territoire sous sa souveraineté.

Dans une lettre adressée fin juillet au roi du Maroc Mohammed VI, le président de la République Emmanuel Macron affirmait que « le présent et l’avenir du Sahara occidental s’inscrivent dans le cadre de la souveraineté marocaine ». Or, « pour Rabat, c’est le seul critère qui compte aujourd’hui dans sa politique étrangère avec la France », selon Hasni Abidi, directeur du Centre d’études sur le monde arabe et méditerranéen à Genève, cité par l’AFP.

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