L’extrême droite n’a qu’un seul mot en bouche après le docu de France 2 sur le racisme
POLITIQUE – Ce n’est pas que de la télé. France 2 a consacré sa soirée de ce mardi 17 juin à une grande émission sur nos préjugés et stéréotypes racistes, avec Lucien Jean-Baptiste et Marie Drucker. Alors que les chiffres, les études, et les témoignages des premiers concernés sont légion, le service public a demandé à une cinquantaine de volontaires de se soumettre à des tests et saynètes en conditions réelles.
De quoi illustrer de visu les données mentionnées ci-dessus. À cet égard la caméra cachée simulant un vol de vélo par un homme blanc, une femme blanche, et une personne maghrébine est frappante. Dans les deux premiers cas, les passants vont jusqu’à proposer leur aide, quand pour le dernier ils appellent la police.
Plusieurs personnalités d’extrême droite et notamment du Rassemblement national – dont des élus ont été épinglés pour leur présence dans des groupes Facebook où étaient tenus des propos homophobes, sexistes, racistes et antisémites – n’en ont pas perdu une miette. Pour s’indigner.
« Propagande » et « privatisation »
Le député RN du Pas-de-Calais Bruno Clavet s’est ainsi égosillé ce mercredi matin sur X contre une émission « stigmatisante, culpabilisante et ouvertement anti-blanc », qui « crache » au « visage des Français ». « Propagande », a frémi de son côté, l’eurodéputé RN Pierre-Romain Thionnet, pour qui l’émission « intime » aux Français de « changer de peuple (sic) ».
Plusieurs figures du parti qui n’a toujours pas réglé son problème de « brebis galeuses », ont surtout profité du documentaire pour réclamer, comme cela figure au programme du Rassemblement national, une privatisation de l’audiovisuel public français. « Si vous pensez qu’il y a trop d’immigration, le service public va se faire un plaisir de vous rééduquer. Souriez, c’est avec votre argent ! Vivement la privatisation de cet odieux service inique ! », attaque Julien Odoul. Le même qui qualifiait encore récemment L’Équipe de « journal d’extrême gauche ».
Attaques contre une chercheuse
Des élus d’extrême droite et leurs relais habituels, à l’instar du média réactionnaire Frontières, ciblent particulièrement la présence à l’écran de Maboula Soumahoro, maîtresse de conférences en civilisation américaine et accusée d’alimenter le « racisme anti-blancs ». « Nous avions réussi à déprogrammer Maboula Soumahoro tant ses propos étaient teintés de racisme anti-blanc. Et voilà que France TV la consulte pour son expertise sur le racisme ! En effet, on a là une experte du sujet… », tonne l’eurodéputée RN, Mathilde Androuët.
La chercheuse, qui a longuement travaillé sur la notion de « privilège blanc », avait effectivement déjà fait les frais des foudres de l’extrême droite en novembre dernier, quand Marion Maréchal, après moult pressions auprès de Roberta Metsola, avait obtenu l’annulation de sa conférence au Parlement européen. S’en était suivi une véritable campagne de haine, avec injures et menaces, contre Maboula Soumahoro, basée notamment sur des déclarations et des extraits tronqués comme l’a montré Mediapart dans cette enquête. Les proportions étaient telles que l’université de Tours, où elle enseigne, avait dû mettre en place une protection fonctionnelle.
Hasard du calendrier, l’émission de France 2 a été diffusée alors que la CNCDH publie ce mercredi une vaste enquête sur les biais racistes et les discriminations. Elle pointe notamment le racisme du quotidien aux effets délétères sur la santé mentale des personnes discriminées, mais aussi des mécanismes choquants comme celui du « syndrome méditerranéen » : un homme blanc a 50 % de chances de plus d’être évalué « en urgence vitale par rapport à une femme noire », les patients noirs étant « souvent soupçonnés d’exagérer leurs symptômes ». Une étude a côté de laquelle les troupes lepénistes sont en revanche mystérieusement passées à côté.