Politique

« LFI devrait mettre son seum de côté » : la non-censure de Lecornu ravive la guerre avec le PS

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POLITIQUE – Sébastien Lecornu peut souffler, il a donc échappé à la censure. À 18 voix près, le Premier ministre reste à Matignon, d’où il pourra admirer le spectacle offert par une gauche qui se déchire (encore). Élus sous la même bannière à l’été 2024, celle du Nouveau Front populaire, socialistes et insoumis sont à couteaux tirés depuis de nombreux mois. Procès en trahison d’un côté, accusations de non-respect de la parole donnée de l’autre. De vieilles querelles qui ont refait surface ce jeudi 16 octobre.

Dès l’annonce par Yaël Braun-Pivet du rejet de la motion de censure, Mathilde Panot s’est précipitée sous la nuée de caméras et de micros pour lancer « un appel solennel ». Une sorte de cri du cœur à destination des « militants et électeurs socialistes » qui seraient « dégoûtés » par le refus du Parti socialiste de faire tomber le gouvernement. « Rompez les rangs ! Refusez d’être entraînés dans une alliance avec la macronie ! », a insisté la cheffe des députés de La France insoumise. Une sortie (très) calculée : en creux, Mathilde Panot appelle les socialistes déçus à rejoindre son mouvement et se pose par là même en voie de recours de la « vraie gauche ».

Jean-Luc Mélenchon a aussi salué l’unité du bloc « LFI, PCF, EELV et Génération.s », pour mieux fustiger en retour ce qu’il appelle « le pacte Macron-Faure ». Il est d’ailleurs fort probable que le triple candidat à l’élection présidentielle se réjouisse de cette non-censure du PS, qui le laisse maître de la gauche de gauche, celle qui « n’abdique pas » face au chef de l’État. Mécaniquement, tandis que les socialistes se rapprochent d’Emmanuel Macron, un espace politique s’ouvre… sur lequel espère surfer l’ex-député des Bouches-du-Rhône. Ce n’est pas un hasard s’il en appelle à « la résistance populaire », deux termes qui renvoient à un passé glorieux.

Ces invitations, plus ou moins sincères, aux socialistes déçus ne semblent pas franchement fonctionner. « Merci de reconnaître la force politique que nous représentons. En revanche, nous ne partirons pas de notre parti », ont ainsi répondu les Jeunes socialistes des Bouches-du-Rhône, pourtant fervents défenseurs de la censure. Même fin de non-recevoir adressée par le secrétaire de la section PS de Charente Arsène Dehec, pour qui « l’appel à la censure ne vaut pas allégeance à LFI ».

Le PS fera tout pour infléchir le cap budgétaire

Les socialistes n’ont peut-être pas dit leur dernier mot. Car s’ils décrochent effectivement la suspension de la réforme des retraites, ils ne manqueront pas de rappeler qu’ils en sont les initiateurs. Et surtout, contre vents et marées, ils promettent d’infléchir le cap budgétaire promis par le gouvernement. L’adoption de mesures qui iraient vers plus de justice sociale et fiscale n’est pas impossible. Ce serait de nouvelles victoires engrangées, à présenter devant leurs électeurs, qu’importe la méfiance des insoumis.

L’une des cadres nationales du PS, Ninuwé Descamps, a ainsi rappelé à Éric Coquerel, le président LFI de la commission des Finances de l’Assemblée, qu’il proposait l’an dernier de faire adopter « un budget NFP-compatible », incluant notamment la suppression de la hausse de la taxe sur l’électricité. En 2024, La France insoumise entendait aller au bout du budget et jouer le jeu du débat parlementaire pour tenter d’y imposer le maximum de mesures de gauche. « Pourquoi ce qui était possible au budget de l’année dernière ne le serait plus pour le budget de cette année ? », interroge Ninuwé Descamps. « Comme les insoumis il y a un an, nous disons : “Un autre budget est possible” », sourit un socialiste auprès du HuffPost.

« Le PS ment », accuse LFI

Le coordinateur du mouvement, Manuel Bompard, affirme avoir « bien l’intention » de mener la bataille parlementaire cette année encore, mais pointe un risque : celui d’un budget contre-nature qui sortirait de la CMP (réunion de 7 députés et autant de sénateurs qui aura le dernier mot sur le texte), où la droite et la macronie sont majoritaires. « La CMP avait rétabli l’an dernier le budget dans sa version initiale. Le travail des députés avait donc été effacé, avant que ce budget soit ensuite imposé par 49-3 », déplore le bras droit de Jean-Luc Mélenchon. Avant de lâcher : « Plutôt que de mentir, le PS ferait donc mieux de réviser un peu les règles constitutionnelles ». « Les insoumis devraient mettre leur seum de côté et se concentrer sur le débat budgétaire, afin que l’on modifie le PLF et le PLFSS ensemble », souffle un cadre socialiste auprès du HuffPost, reprochant aux troupes de Jean-Luc Mélenchon d’agiter « un écran de fumée afin de minorer l’annonce de Lecornu sur la suspension de la réforme des retraites ».

Les discussions qui s’ouvrent sur le budget devraient charrier leur lot de désaccords et d’affrontements, mais aussi de convergences. Car sur le fond (taxe Zucman, revalorisation des petites pensions, mise à contribution des grandes entreprises, refus de l’année blanche ou du gel du barème de l’impôt sur le revenu…), le Parti socialiste et La France insoumise partagent de nombreux combats. Ils ont parfois tendance à l’oublier.