Politique

L’inscription de l’IVG dans la Constitution arrive au Sénat et le plus dur reste à faire

POLITIQUE – Étape décisive. Le Sénat examine ce mercredi 28 février le projet de loi pour inscrire l’interruption volontaire de grossesse dans la Constitution. Le texte, soutenu par le gouvernement, a déjà été adopté à l’Assemblée nationale fin janvier. Mais un mois plus tard, les sénateurs pourraient bien y mettre un sérieux coup de frein.

Le 30 janvier, les députés ont adopté avec une très large majorité le texte qui consacre la « liberté garantie » aux femmes de recourir à l’avortement. Au Palais Bourbon, le soutien à la constitutionnalisation de ce droit ne fait aucun doute. Il en va tout autrement au Palais du Luxembourg où Les Républicains sont le groupe le plus puissant et comptent dans leurs rangs de farouches opposants. Le président du Sénat Gérard Larcher est le premier d’entre eux. Sur franceinfo le 23 janvier, il a redit son opposition globale au projet de loi car « l’IVG n’est pas menacée » en France.

Ce positionnement partagé par une partie de ses pairs n’a pas empêché, le 14 février dernier, l’adoption en commission des lois du projet de loi. Mais la contre-attaque n’a pas tardé. Le 26 février, le président du groupe LR Bruno Retailleau et le sénateur LR Philippe Bas ont déposé un amendement pour modifier le texte déjà validé par l’Assemblée nationale… et susceptible de tout bouleverser en cas d’adoption.

Un mot en plus et rien ne va plus

Il y a un an, en février 2023, seule la réécriture par Philippe Bas d’un premier texte adopté à l’Assemblée avait permis son adoption. Alors que la proposition des députés consacrait le « droit » à l’IVG, les sénateurs ont eux voté pour « la liberté » d’y recourir – une avancée moindre du point de vue des associations de lutte pour les droits des femmes. Même modifié de la sorte, 152 sénateurs avaient voté contre et le texte n’avait été adopté qu’à une courte majorité de 166 voix.

Le projet de loi constitutionnel porté par le Garde des Sceaux est lui formulé comme suit : « La loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté garantie à la femme d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse ». Le 24 janvier, devant les députés, Éric Dupond-Moretti a défendu une formulation qui « va dans le même sens » que le texte du Sénat. « Le Conseil d’État y a mis sa patte, et nous ajoutons un mot, un seul ! », a-t-il fait valoir.

La précision du ministre s’adressait directement aux parlementaires de droite. Car la voie choisie pour une révision constitutionnelle nécessite que les deux chambres adoptent le même texte, faute de quoi le Congrès ne pourra pas être réuni. Or au Sénat, l’ajout du mot « garantie » est vécu par certains LR comme une véritable rupture avec la version en février 2023. « Pour un certain nombre, la liberté garantie, ça veut dire un droit. Et ce n’est pas du tout le sens de ce qui avait été discuté il y a quelques mois », a mis en garde sur Public Sénat le 23 janvier Bruno Retailleau, président du groupe Les Républicains et personnellement opposé à la constitutionnalisation de l’avortement.

L’amendement déposé le 26 février vise donc à « supprimer le terme ’garantie’ ajouté par le gouvernement afin de rétablir la version adoptée par le Sénat il y a un an ». Si le texte est voté en ces termes au Sénat, l’Assemblée nationale devra donc à nouveau se prononcer sur le projet de loi, retardant de fait le calendrier envisagé par le gouvernement.

Le calendrier de la discorde

Ce point calendrier n’est pas totalement anecdotique. Fin décembre, la ministre des Solidarités Aurore Bergé a annoncé que le Congrès se réunirait le 5 mars afin de statuer sur le projet de loi. Colère chez LR. « On voit bien que le gouvernement, en plaçant le Congrès début mars possiblement alors que l’examen du Sénat sera à la fin du mois de février, postule qu’il y aurait un alignement docile du Sénat sur l’Assemblée nationale » grinçait Bruno Retailleau au micro de Public Sénat. Sous entendu : un feu vert n’est pas garanti et le gouvernement ferait bien de ne pas s’avancer. Et le Vendéen de souligner que « le Sénat est à égalité en termes de pouvoirs, de droits, vis-à-vis de l’Assemblée nationale. »

Face aux députés le 24 janvier, le Garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti a donc tenté de déminer le terrain. « Je sais l’émoi qu’a provoqué la pseudo-annonce d’une date de Congrès, avant même que les chambres ne se soient prononcées. Cela a été perçu par certains comme un manque de respect à l’égard du Parlement », a-t-il déclaré, avant de se montrer rassurant. Le 5 mars n’est qu’une « possibilité » et « nous prendrons le temps qu’il faut pour aller au bout de cette révision », a-t-il promis.

Toutefois, selon une information de LCP, la date du 4 mars a bien été évoquée par le président des députés Renaissance Sylvain Maillard ce 27 février en réunion de groupe, en cas de vote favorable des sénateurs. De quoi remettre de l’huile sur le feu au Palais du Luxembourg qui ne goûte guère d’être mis sous pression.

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