Loi énergie et fin du conclave : ce double front qui menace François Bayrou
POLITIQUE – Pas de bougie bougie. Alors que les ministres fêtent leurs six mois aux responsabilités ce mardi 24 juin, les nuages s’accumulent au-dessus de François Bayrou. Les oppositions qui peuvent le faire tomber, les socialistes et le Rassemblement national, agitent de nouveau la menace d’une motion de censure.
Pour le locataire de Matignon, le péril se joue sur deux fronts. Le premier, redouté depuis plusieurs mois, concerne la fin du conclave sur la réforme des retraites et l’échec des discussions entre partenaires sociaux, malgré les nombreuses concessions des syndicats. Une issue prévisible qui réveille les envies de chamboule-tout au PS.
« Si le Parlement n’est pas saisi (…) nous irons vers la censure », a déjà prévenu Olivier Faure ce mardi sur BFMTV, quelques minutes après la prise de parole du Premier ministre réclamant aux aurores un nouveau délai pour les discussions. Le deuxième front, lui, est plus soudain. Il se trouve dans la proposition de loi sur l’énergie, devenue bourbier après l’ajout d’un moratoire sur les énergies renouvelables. Là aussi, la menace est électrique sur Matignon.
Bayrou en surchauffe sur l’énergie ?
Contrairement au dossier de la réforme des retraites, où le Parti socialiste tient les rênes, c’est le Rassemblement national qui est à la manœuvre sur le texte qui touche à la politique énergétique de la France. Le parti de Marine Le Pen et Jordan Bardella, qui en fait une de ses marottes ces derniers mois, est à l’initiative de ces discussions au Parlement.
Le gouvernement souhaitait effectivement publier son décret sur la programmation pluriannuelle de l’énergie bien avant l’été, sans forcément demander son avis au Parlement. Mais les premières menaces venues du parti à la flamme ont poussé François Bayrou à ouvrir ce débat. Avant que le piège se referme : le texte qui sert de bases aux discussions (la loi dite Gremillet) a été profondément remanié par une alliance de circonstances entre Les Républicains et le Rassemblement national.
Ainsi, droite et extrême droite ont réussi à introduire en fin de semaine dernière un moratoire sur les énergies renouvelables, profitant de la démobilisation des macronistes dans l’hémicycle et une faible présence à gauche. En clair, si ce dispositif allait à son terme, tout nouveau projet éolien ou solaire en France serait suspendu. Impossible pour le gouvernement, qui parle « d’aberration » depuis ce coup de bambou.
« Ce moratoire a des effets potentiellement dévastateurs pour des milliers d’emplois industriels dans la filière éolienne, mais aussi dans la filière solaire », a encore expliqué le ministre de l’Industrie, le macroniste Marc Ferracci, lundi avant un vote solennel à hauts risques à l’Assemblée. Les députés sont effectivement appelés à se prononcer sur l’ensemble du texte ce mardi dans l’après-midi. Pour quelle issue ? Si la macronie vote un rejet massif, comme prévu, alors le texte sera retoqué et partira au Sénat pour une deuxième lecture début juillet. De quoi éclaircir le ciel au-dessus de François Bayrou ?
Un scénario cauchemar
Pas forcément. Le parti d’extrême droite, ragaillardi par plusieurs victoires anti-écologie à l’Assemblée nationale ces derniers temps (sur les dispositifs anti-bétonisation ou anti-émission) fait du sujet de l’énergie un « casus belli. » En d’autres termes, un motif de censure, s’il n’est pas entendu.
Le Premier ministre aura donc plusieurs options sur la table. Toutes périlleuses. Il pourra effectivement outrepasser les discussions qui s’enlisent pour publier son décret, comme prévu, avant l’été. Au risque d’attiser le courroux des députés du Rassemblement national. Autre option, il pourrait attendre la fin des débats au Parlement, sans doute après la pause estivale, pour prendre sa décision. Au risque, ici, de faire patienter encore les industriels en attente d’orientation pour, in fine, doucher les espoirs de l’extrême droite.
Dans ce contexte périlleux, François Bayrou peut malgré tout compter sur un avantage de circonstances. Les deux partis qui ont la possibilité de le faire chuter ne souhaitent pas forcément le faire sur les mêmes enjeux. Sur les retraites, le Rassemblement national temporise tandis qu’on imagine difficilement le PS faire chuter le gouvernement pour imposer les vues de l’extrême droite sur l’énergie.
Reste malgré cela un scénario cauchemar : que les deux fronts finissent par ne faire qu’un. Le parti d’extrême droite pourrait ainsi ajouter ses voix à celles de la gauche réunie sur une motion de censure portant, au hasard, sur la réforme des retraites. C’est déjà cet attelage qui avait fait tomber Michel Barnier en décembre 2024. Après l’hiver, l’été sera chaud.