« Ma mission est terminée » : les non-réponses de Sébastien Lecornu après 48h de consultations
POLITIQUE – Sa parole était attendue. Affairé depuis 48 heures à consulter les forces politiques pour tenter de construire un embryon de compromis, Sébastien Lecornu en a présenté les conclusions sur le plateau du 20h de France 2. « Je pense que la dissolution s’éloigne. La situation permet de nommer un Premier ministre dans les 48 heures », a-t-il affirmé ce mercredi 8 octobre, assurant que sa mission était « terminée ».
Le Premier ministre démissionnaire ne compte pas jouer les prolongations et, s’il continue de gérer les affaires courantes, promet qu’il « ne court pas après le job ». Presque trois jours après sa démission surprise, l’ex-ministre des Armées était attendu au tournant. Non seulement pour rembobiner le film des derniers jours et des dernières heures, mais surtout pour dresser des perspectives pour la suite. Et sur ce point, il est resté bien laconique.
Faut-il nommer un Premier ministre de gauche ? « Cela appartient au chef de l’État ». Et un gouvernement technique ? « Je suis très respectueux de la Constitution ». Manière de dire que la décision ne lui revient pas. De fait, Sébastien Lecornu n’avait pas beaucoup de réponses à apporter, cultivant une forme de discrétion et de respect pour les prérogatives de chacun. Sa mission désormais arrivée à son terme, tout cela ne le concerne plus vraiment. Tout juste s’est-il senti libre de donner son sentiment sur l’impossibilité de construire, en France, « une coalition à l’allemande », qui réunirait au sein d’un même gouvernement la gauche et la droite. Personne n’imagine Olivier Faure et Bruno Retailleau siéger côte à côte au conseil des ministres.
Et puisqu’Emmanuel Macron a promis, en fin de soirée, de nommer un Premier ministre d’ici 48 heures, écartant de fait l’hypothèse de la dissolution, c’est bien de ce côté-là que se trouve l’issue à la crise. Une phrase, prononcée au milieu de l’interview, a révélé le fond de la pensée de Sébastien Lecornu. « Au terme de ces 48 heures, il y a 210 députés qui veulent une plate-forme de stabilité et plus ou moins la même chose sur le budget. Vous avez quelque chose qui converge et constitue l’endroit dans lequel le Président de la République peut nommer. Et après, vous avez aussi la gauche, que le Président peut choisir », a-t-il déclaré. On comprend là très bien que sa préférence va, pour la quatrième fois en un an, à un gouvernement issu de l’ex-« socle commun », qui regroupait Renaissance, Horizons, le MoDem et LR. La gauche, Parti socialiste en tête, qui revendique encore d’être nommée à Matignon, appréciera d’être ainsi reléguée en deuxième ou troisième option.
Les retraites ? « Un dossier bloquant »
Convaincu « qu’une majorité absolue à l’Assemblée refuse la dissolution », l’Eurois se réjouit de voir la perspective d’élections législatives anticipées se dissiper. Les appels à un retour aux urnes ont beau se multiplier, il ne croit pas que cela puisse dénouer le blocage politique. À l’entendre, c’est donc bien le centre et la droite qui doivent de nouveau être appelés à gouverner, pourquoi pas avec une non-censure du Parti socialiste, qui permettrait à l’attelage de tenir.
D’ailleurs, Sébastien Lecornu a une carotte pour les socialistes : un débat sur la réforme des retraites. « C’est l’un des dossiers les plus bloquants et difficiles », a-t-il concédé, alors que le texte, toujours rejeté par une majorité écrasante de Français, est un marqueur du second mandat d’Emmanuel Macron et que la gauche n’entend pas lâcher sur sa demande de l’abandonner. « On a plusieurs problèmes à régler. On n’est pas dans un déni démographique. Si on se compare avec les autres pays européens, c’est compliqué. Mais il faut quand même être sourd pour ne pas entendre les Français qui ont le sentiment qu’il n’y a pas eu de vote. C’est une source de blocage au Parlement », a concédé le Premier ministre démissionnaire, ouvert à l’idée qu’un débat ait lieu à l’Assemblée. Une brèche s’est ouverte, et une partie de la gauche pourrait s’y engouffrer. Suffisant pour assurer la stabilité du prochain gouvernement ? Sébastien Lecornu précise aussitôt qu’un tel pas vers le Parti socialiste coûte cher ; « pas moins de 3 milliards d’euros en 2027 ». Des compromis d’accord, mais pas à n’importe quel prix.
Pas fan des « appétits partisans »
Quant à une éventuelle hausse de la fiscalité, notamment sur les plus riches comme le demande la gauche, Sébastien Lecornu semble avoir mis (un peu) d’eau dans son vin. S’il assurait fin septembre ne vouloir ni de la taxe Zucman ni d’un retour de l’ISF, il ne se dit plus fermé à certaines hausses d’impôts, si elles s’accompagnent de certaines baisses ciblées sur les plus modestes. « Pourquoi quand on est sur une courbe, il y a un tassement qui donne l’impression qu’au fond la fiscalité n’est pas également répartie ? », interroge-t-il, conscient que la justice fiscale est une demande forte des Français.
Pour Sébastien Lecornu, cette interview ressemblait en tout cas fortement à un dernier tour de piste. Se présentant comme un « moine soldat », qui « ne court pas après le job », il a semblé tirer sa révérence avec un mot pour « les appétits partisans », convaincu que c’est ce qui lui a coûté son poste. « J’ai forcément raté plusieurs choses, mais j’ai désormais l’intime conviction que l’équipe qui me succédera devra être complètement déconnectée des ambitions présidentielles pour 2027 ». Vaste ambition, à un an et demi de l’élection reine sous la Ve République.



