Macron condamné à commenter le délitement de son bilan écologique
POLITIQUE – Les raisons de sa colère. Emmanuel Macron n’a pas de mot assez rude ces derniers jours pour critiquer les décisions du gouvernement ou les votes de l’Assemblée nationale sur les enjeux environnementaux. Alors qu’il enchaîne les rendez-vous diplomatiques, au chevet des océans notamment, le président dénonce les « erreurs historiques » des politiques français.
De fait, la période est noire pour les défenseurs de l’écologie. Reprise du chantier de l’A69, suspension de « ma prime renov’ », fin des zones à faibles émissions (ZFE), qui restreignent la circulation des véhicules très polluants, retour envisagé à l’usage de pesticides dangereux, révision significative du « zéro artificialisation nette » (ZAN) : Tout un pan du bilan environnemental d’Emmanuel Macron est parti en fumée, en quelques jours.
À l’Élysée, l’agacement est donc palpable. Dimanche, dans la presse locale, Emmanuel Macron a ciblé une sphère politique, gouvernement et Parlement, qui « cède à la facilité » et verse dans le « brainwasher. » Lavage de cerveau, en français. Quelques jours plus tôt, il dénonçait les « discours » qui prônent « retour en arrière » et « détricotage », expliquant être « énervé au plus haut point » par cette situation.
Quand Macron montrait la voie
Autant de rodomontades que le président de la République devrait marteler, de nouveau, ce mardi 10 juin sur France 2. Il participe à partir de 21 heures à une émission événement présentée par Léa Salamé et Hugo Clément sur les océans, en marge de la 3e Conférence des Nations unies sur cet enjeu crucial.
L’occasion, aussi, de procéder à un mea-culpa ? Ou de s’inclure dans sa colère ? Pour cause : si le chef de l’État n’a semble-t-il pas su « prédire » ce phénomène, pour reprendre une phrase qui avait fait bondir les écologistes en 2022 quand il parlait de la crise climatique, il est en partie responsable de ce qui se joue aujourd’hui. Avant même la dissolution de l’Assemblée nationale, qui a grippé le jeu politique et permit le retour en grâce des Républicains c’est le chef de l’État lui-même qui a ouvert la voie à certains reculs majeurs.
Ainsi, Emmanuel Macron avait encore les mains libres (et une majorité relative) quand il réclamait une « pause » dans les nouvelles réglementations environnementales européennes en mai 2023. Quelques mois plus tard, il pouvait toujours compter sur un socle solide au Parlement quand son Premier ministre Gabriel Attal actait de nombreux reculs écolos pour répondre à la colère des agriculteurs. Sur les haies, les bassines, l’obligation de laisser des terres en jachère, ou encore le gazole non-routier.
Sans parler du « secrétariat général à la planification écologique », dont l’action a été mise en sommeil dès le début du second quinquennat. Symbole d’une ambition largement revue à la baisse par rapport à ses discours volontaristes pendant la campagne présidentielle 2022.
LR coupable ?
Depuis, la dissolution de l’Assemblée nationale est bien sûr passée par là. Mais le chef de l’État peut-il s’exonérer pour autant des conséquences nées de cette décision brutale et incomprise ? Pas si simple. Emmanuel Macron semble payer, aussi, les virages successifs de son camp vers la droite (qu’il a contribué à nourrir), et une entente de circonstances devenue inévitable avec Les Républicains pour garder un semblant de pouvoir.
En clair, avec Bruno Retailleau comme tête d’affiche du gouvernement et président de parti, et Annie Genevard comme ministre de l’Agriculture, l’exécutif peut s’offrir le luxe de résister aux assauts de la gauche et à la remise en cause, notamment, du bilan économique macroniste. Mais, au prix d’un changement de cap inéluctable sur les enjeux environnementaux, entre autres, Les Républicains ayant abandonné depuis des années toute ambition sur le sujet.
Ainsi, le choix de mettre le Sénat au cœur du jeu parlementaire, une chambre plus stable que l’Assemblée mais où la droite jouit de coudées franches, accentue le phénomène de retour en arrière. Ce n’est donc pas un hasard si la loi agricole récente, honnie par les défenseurs du climat – et par le chef de l’État – pour ses nombreux reculs, émane d’un sénateur Les Républicains de Haute-Loire, Laurent Duplomb.
Dans ce contexte, Emmanuel Macron a beau fustiger les responsables qui « préfèrent brainwasher, opérer un lavage de cerveau, NDLD, sur l’invasion du pays et les derniers faits divers » (suivez son regard jusqu’à Beauvau), il n’a plus guère de marge de manœuvre pour éviter ces détricotages. Ses troupes, bien qu’engagées pour défendre son héritage, ne pèsent plus assez au Parlement. Restent donc les commentaires, et la colère. Ceci, pour le coup, le président de la République aurait pu le prédire.