Macron, Matignon, Budget… Borne règle (un peu) ses comptes avec son camp
POLITIQUE – Borne to be wild ? L’ancienne Première ministre Élisabeth Borne publie un journal de bord, 20 mois à Matignon, mercredi 23 octobre prochain (aux éditions Flammarion). Sans attendre, les « bonnes feuilles » et la promotion médiatique qui les accompagne, laissent entrevoir un certain changement de ton du côté de la députée du Calvados.
Élève modèle de la Macronie — elle est l’une des rares ministres à avoir fait partie de toutes les aventures gouvernementales jusqu’à son remplacement par Gabriel Attal en janvier 2024 — l’ancienne cheffe du gouvernement éreinte les opposants au camp présidentiel, certes. Mais elle n’épargne pas non plus sa propre famille politique.
Dans un entretien, et des extraits publiés par Le Point, Élisabeth Borne raconte par exemple ses relations parfois difficiles avec un président de la République qu’elle juge (sans le dire) ingrat et blessant. Elle exprime également son incompréhension quant au dérapage budgétaire et n’oublie pas de régler ses comptes avec certaines pratiques dans son camp.
« Je n’aurai pas eu une once de légitimation »
Interrogée sur le choix d’Emmanuel Macron de la remercier en janvier 2024, Élisabeth Borne explique ne pas avoir « forcément compris sa décision. » « Je venais de rattraper un texte mal engagé (la loi immigration), et j’avais envie de continuer en portant des sujets qui me tenaient à cœur, comme la transition écologique ou l’égalité des chances », affirme-t-elle dans les colonnes de l’hebdomadaire.
Mais c’est dans son livre (et les extraits déjà publiés) que la désormais députée du Calvados s’épanche sur le chef de l’État. Elle regrette par exemple qu’il n’ait pas pris plus de champ, comme il lui aurait promis au moment de sa nomination. Elle juge également qu’il aurait pu davantage la soutenir : à Matignon, en acceptant sa démission après la défaite aux législatives 2022 pour mieux la conforter en la nommant à nouveau. Ou dans sa méthode au Parlement. « Je n’aurai pas eu une once de légitimation », écrit-elle.
Dans son récit, un exemple ressort parmi d’autres : quand le président de la République lui confiait la mission, lors d’une interview aux journaux de 13 heures en mars 2023, d’« élargir au maximum la majorité ». Et d’ajouter ces mots : « J’espère qu’elle y parviendra. » Une petite phrase qui avait fait tiquer la presse et certains observateurs, dans un contexte où les signes d’approbation venus de l’Élysée se faisaient rares.
Élisabeth Borne raconte : « Six mots qui ne me heurtent pas immédiatement, je reste concentrée sur la suite de l’entretien. Mais mon entourage me regarde, interrogatif : cette petite phrase gratte l’oreille. (…) Avec Emmanuel Macron, nous avons clairement une différence de tempérament. Il prend sans doute comme de la faiblesse ma conviction selon laquelle on n’a jamais intérêt à humilier qui que ce soit. Il est assez darwinien. Parfois, il me donne l’impression de considérer que la dissemblance de nos caractères représente une complémentarité intéressante, donc une force. Il lui arrive même, me semble-t-il, de croire en ma méthode, mais il prend rapidement ses distances pour pouvoir signifier aux Français, le cas échéant, qu’elle n’a pas fonctionné. »
Critiques politiques
Dans son livre, l’ancienne cheffe du gouvernement revient également sur « les rumeurs sur (sa) prétendue homosexualité. » « J’ai toutes les raisons de croire que mon propre camp politique les a lancées », écrit-elle, en ajoutant : « Des conseillers – dont certains se donnent de l’importance en laissant supposer qu’ils en savent plus que les autres, ou qui sont parfois téléguidés – et des personnalités de la majorité qui ne me connaissent pas bien ont dû se dire que ça rendrait mon ’personnage’ plus intéressant. »
L’ancienne Première ministre se confie aussi sur le sexisme dont elle a été l’objet tout au long de son bail à Matignon, ou sur la « violence inouïe » du 49.3 sur la réforme des retraites. Elle distille également quelques critiques laissant imaginer une mue plus politique pour celle qui brigue désormais la présidence de Renaissance – sans doute face à Gabriel Attal.
Elle estime par exemple que le ministère de l’Économie doit faire « son introspection » après le dérapage budgétaire (un déficit à 6,1 % du PIB contre 4,4 prévus initialement) constaté cet automne. « Comment est-il possible que Bercy ne sache plus estimer des recettes à partir d’une croissance donnée ? », interroge l’ancienne Première ministre qui « ne s’explique pas non plus le dérapage des dépenses publiques ces derniers mois. »
Enfin, Élisabeth Borne évoque son parcours personnel de pupille de la nation, fille d’un père déporté qui finit par se suicider. « L’expérience que j’ai pu avoir me permet aussi d’être plus en prise avec le quotidien », assure-t-elle dans son entretien au Point, avant d’ajouter : « Tout ça me donne une connaissance du pays, pas de quelques arrondissements parisiens ». Une petite remarque qui semble destinée au très parisien Gabriel Attal, dont l’essentiel du parcours se concentre à Paris intra-muros Dans le duel féroce qui s’annonce, rien n’est innocent.
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