Marine Le Pen a du mal à assumer le changement de doctrine du RN sur le déficit
POLITIQUE – C’est une (véritable) révolution en terres lepénistes. Et que Marine Le Pen a manifestement du mal à intégrer, tant elle bouleverse le logiciel économique et politique du Rassemblement national. Mercredi 11 juin, le député RN de la Somme, Jean-Philippe Tanguy, a annoncé que le parti d’extrême droite entamait « une réflexion interne » sur « une règle d’or » budgétaire permettant de « respecter les 3 % » de déficit public.
Soit précisément la limite fixée par l’Union européenne dans le cadre du Pacte budgétaire européen, et qui a été décrite durant des années au RN comme une norme inacceptable fixée par des technocrates bruxellois et dépossédant les pays membres de l’UE de la capacité de se doter souverainement d’un budget. Au point que Marine Le Pen jugeait en 2012 que cette règle constituait un « viol démocratique », ni plus ni moins.
Or, à l’heure où le parti présidé par Jordan Bardella cherche à rassurer les élites économiques, le parti revendiqué « anti-système » retourne sa veste. Si Jean-Philippe Tanguy assure que cet aggiornamento n’est pas « pour faire plaisir à Bruxelles », mais pour convaincre les marchés financiers attachés à cette règle, il juge toutefois qu’il s’agit d’un « outil particulièrement efficace » pour « débattre sereinement de la différence entre ce qui prépare l’avenir et ce qui obère l’avenir ».
Changement de pied
Invitée ce jeudi 12 juin sur France inter, Marine Le Pen a réfuté toute conversion contrainte à la rigueur budgétaire telle que prônée par l’UE. « 3 %, ça a été décidé sur un coin de table, ça peut être 4 % », a-t-elle relativisé, affirmant que le sujet s’impose par le dérapage du déficit. Ce même dérapage du déficit public qui ne l’a pourtant pas empêché de censurer Michel Barnier pour cause de budget trop amer. « Ce que nous disons, c’est que nous devons peut-être réfléchir à une règle d’or qui permettrait d’équilibrer les dépenses de fonctionnement pour préserver les dépenses d’investissement », a-t-elle expliqué, indiquant vouloir agir via une « baisse des mauvaises dépenses ».
Une réponse de pure forme qui a l’avantage d’esquiver le fond et tente de masquer un véritable changement de pied sur le plan politique, et même philosophique. Puisque cette règle d’or, constituant l’un des piliers des critères Maastricht honnis durant des décennies au Front national puis au RN, était perçue comme une laisse mise au cou de la représentation nationale chargée de décider du budget de la nation. Or, avec cette règle alignée sur les standards de l’UE, Marine Le Pen accepte de soustraire aux parlementaires (et donc au peuple) une part de ses arbitrages budgétaires. Un revirement d’autant plus impressionnant que la présidente du groupe RN a prononcé une lourde charge contre Bruxelles ce lundi 9 juin, à l’occasion de la réunion des nationalistes européens dans le Loiret.