Marine Le Pen revendique cette idée (sans intérêt) que Bruno Retailleau promeut contre l’islamisme
POLITIQUE – Ce n’est pas une nouveauté. Depuis plusieurs années, Bruno Retailleau adopte sans distance le vocabulaire que l’extrême droite impose dans le débat public. Une routine que l’ancien sénateur a conservée avec vigueur depuis sa nomination Place Beauvau. Illustration ce lundi 26 mai avec la présentation de ses pistes de travail visant à « s’attaquer aux écosystèmes islamistes » dans la lignée de la présentation du rapport consacré aux Frères musulmans.
Parmi les outils que le ministre de l’Intérieur compte dans son « arsenal », une révision de la Constitution pour y inscrire la phrase suivante : « nul ne peut se prévaloir de sa religion, de ses croyances, de ses origines pour échapper à la règle commune ». Une mesure -surtout symbolique- que Bruno Retailleau cite comme un objectif à atteindre à l’avenir, dans la mesure où une révision constitutionnelle implique une adoption à la majorité des 3/5 du Parlement.
Ce qui, au regard du morcellement de l’Assemblée nationale, s’avère impossible en l’état. Il n’empêche, l’annonce (qui n’en est pas vraiment une) fait son petit effet. Ce qui n’a pas manqué de faire réagir Marine Le Pen. Car il se trouve que la formulation avancée par le ministre de l’Intérieur reprend mot pour mot l’un de ses textes. Au mois d’avril 2018, celle qui était alors présidente du Front national avait déposé une proposition de loi constitutionnelle visant à inscrire cette fameuse phrase dans la Constitution.
« Copier-coller »
« L’article 3 de la présente proposition de loi constitutionnelle insère dans le titre Ier de la Constitution un nouvel article 2–2 qui interdit désormais expressément le communautarisme et en tire les conséquences : nul individu, nul groupe ne peut se prévaloir de son origine ou de sa religion pour s’exonérer ou être exonéré du respect de la règle commune », prévoyait cette PPL, reprise quasi in extenso par le ministre de l’Intérieur. « Bruno Retailleau ne se contente plus de reprendre nos idées (pour ne jamais les appliquer), il fait désormais directement du copier-coller », a raillé dans un tweet la présidente du groupe RN à l’Assemblée.
À noter que ce n’est pas la première fois que le parti lepéniste dénonce la récupération de cette mesure par le parti de droite. En 2020, le sénateur LR Philippe Bas (par ailleurs président de la Commission des Lois de la Chambre haute) avait déposé une proposition de loi de révision constitutionnelle similaire à celle de Marine Le Pen. Alors président du groupe LR au Sénat, Bruno Retailleau avait (déjà) appuyé cette initiative… que le RN s’empressait (déjà) de revendiquer dans un communiqué. « Les présidents au Sénat du groupe Les Républicains, celui du groupe UDI et celui de la Commission des Lois reconnaissent ainsi le sérieux du travail et la pertinence des propositions de Marine Le Pen », se félicitait le parti d’extrême droite.
Une mesure inutile ?
Pour rappel, la loi de 1905, dite « de séparation des Églises et de l’État », est pourtant particulièrement claire à ce sujet. « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte », peut-on lire à son article 2, toujours en vigueur. Ce qui signifie que la loi de la République s’applique de la même façon à tous les citoyens, quelle que soit leur religion réelle ou supposée. Ce principe de laïcité est déjà consacré dans la Constitution, notamment dans son article 2 : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances ».
Alors, comme le RN avant lui, Bruno Retailleau propose-t-il ici quelque chose de complètement inutile ? Tout à fait. Du moins si l’on se réfère à la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Dans sa décision n° 2004-505 DC du 19 novembre 2004, l’institution avait écrit noir sur blanc que nul ne peut « se prévaloir de ses croyances religieuses pour s’affranchir des règles communes régissant les relations entre collectivités publiques et particuliers ». En résumé, le ministre de l’Intérieur propose une révision impossible à réaliser en l’état du paysage politique actuel, copié sur le RN et dont le but recherché s’applique déjà avec les textes en vigueur. Une certaine idée de la communication.