Politique

Mélenchon et Le Pen sont (déjà) en campagne, loin de la quête de compromis sur le Budget

POLITIQUE – Il y a des détails qui ne trompent pas. Ce vendredi 10 octobre, pendant que les partis ne promettant pas une censure automatique au futur exécutif seront reçus à l’Élysée par Emmanuel Macron, Marine Le Pen sera au Mans. Pas pour manger des rillettes mais pour participer au Congrès national des sapeurs-pompiers.

Une destination qui a tout du déplacement de campagne tant la cheffe de file du Rassemblement national sait que sa cote est à la hausse chez ceux qui portent l’uniforme, même si ce corps est (beaucoup) moins homogène que les policiers et les militaires.

La députée du Pas-de-Calais était d’ailleurs venue apporter son soutien en 2019 aux pompiers qui manifestaient devant l’Assemblée nationale pour fustiger l’abandon qu’ils dénonçaient. Alors que le corps des soldats du feu est composé à près de 80 % de volontaires, habitant dans les zones géographiques où perce le RN, on comprend bien l’intérêt de Marine Le Pen de venir enchaîner les selfies auprès de ces héros du quotidien, quand les chefs à plumes du « parti unique » donnent l’impression de se disputer des miettes de pouvoir autour du chef de l’État.

« Choc des images »

Il y a deux jours, c’est auprès d’une autre profession à très fort caractère symbolique que la candidate (pour le moment empêchée) à la présidentielle s’est déplacée : les agriculteurs, à l’occasion du Sommet de l’élevage à Cournon-d’Auvergne dans le Puy-de-Dôme. La dimension électorale n’est même pas dissimulée. « Je censure tout », a-t-elle déclaré sur place, expliquant vouloir contraindre Emmanuel Macron à dissoudre l’Assemblée et organiser de nouvelles élections législatives. Sur les réseaux sociaux, ses lieutenants se régalent de l’image renvoyée au milieu du marasme politique.

« Le choc des images dans cette interminable journée de déni. D’un côté, PS et LR qui se vautrent dans le macronisme finissant pour sauver leurs mandats. De l’autre, Marine Le Pen aux côtés des Français », se félicite la députée du Var Laure Lavalette sur le réseau social X. Au-delà de la distance géographique, Marine Le Pen a lâché sa posture dite « constructive » pour se positionner parmi ceux qui ne veulent plus entendre de compromis : la dissolution ou rien. Ce qui lui permet de prendre de l’avance sur la campagne à venir en cas de (possible) retour aux urnes, et lui offrira l’argument de la constance le moment venu.

C’est, à l’autre bout du spectre, un positionnement partagé par Jean-Luc Mélenchon. Ce vendredi, le leader insoumis a convoqué la presse au QG de son parti pour une déclaration solennelle au cours de laquelle il a (encore) réclamé l’organisation d’une élection présidentielle anticipée. « Il faut qu’Emmanuel Macron s’en aille pour que le peuple et le pays soient libérés de l’entrave qu’il représente à sa dignité », a-t-il répété, derrière un pupitre où seul son nom figurait autour des couleurs du drapeau français, et sans logo de son mouvement. Surtout, l’insoumis en chef a répété que lui et les siens ne sauraient être tenus pour responsables du spectacle offert aux Français.

Installation d’un duel

« Au contraire de tous les autres partis, nous n’avons participé à aucun des nombreux conciliabules avec M. Lecornu depuis sa nomination (…) nous ne sommes engagés par aucun des arrangements qui s’y sont distingués », a déclaré Jean-Luc Mélenchon. « On pensera ce qu’on veut des insoumis mais la vie a montré qu’ils ne sont ni changeants d’avis à la première bourrasque, ni compromis dans les tractations folkloriques de ces derniers jours », a encore affirmé cet adepte de la campagne permanente dans l’optique de la présidentielle.

À la différence de Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon ne souhaite pas une dissolution. Au-delà des seules considérations électorales (LFI pourrait en souffrir selon les sondages), le triple candidat à l’élection présidentielle juge que cela reviendrait à priver le vainqueur d’une présidentielle anticipée du pouvoir de dissoudre. À l’inverse, et en raison de son inéligibilité, Marine Le Pen ne veut pas d’une élection présidentielle à laquelle elle ne pourrait pas se présenter avant son procès en appel.

Une position qui offre un angle d’attaque à la France insoumise, qui l’accuse d’avoir sauvé Emmanuel Macron en bloquant au bureau de l’Assemblée l’examen de la motion de destitution visant le président de la République. Ou comment profiter du champ libre laissé par les forces politiques essayant de sauver le budget pour installer un duel.