Menacé de censure et poussé à revoir son budget, Barnier en opération déminage risquée
POLITIQUE – Y aura-t-il un gouvernement à Noël ? Voilà, en substance, la question que pourrait poser Michel Barnier à Marine Le Pen ce lundi 25 novembre à Matignon, où il la reçoit à partir de 8 heures 30, pour ce qui ressemble à tout sauf un petit déjeuner en paix.
Alors que l’examen du budget de l’État et de la Sécurité sociale progresse désormais au Sénat, le chef du gouvernement débute une série d’entretiens avec tous les chefs de groupe parlementaire d’opposition. Après la députée d’extrême droite, ce sera au tour de Mathilde Panot (LFI) et Éric Ciotti (UDR) lundi après-midi, puis Boris Vallaud (PS) et Cyrielle Chatelain (écologiste) jeudi, avant André Chassaigne (PCF) vendredi.
Le but de cet enchaînement de col pour le Savoyard Michel Barnier ? Essayer de dégager une voie de passage, toujours plus réduite, pour ses textes budgétaires. Dit plus franchement, tenter de sauver sa peau et celle de son gouvernement, à l’heure où les menaces de censure se font plus précises pour la fin décembre.
La menace RN
À n’en pas douter, le rendez-vous avec Marine Le Pen est le plus déterminant de tous. Après des semaines de relative mansuétude à l’égard du Premier ministre, quand elle refusait de le renverser « a priori » pour mieux influer sur ses choix, la cheffe du groupe RN au Palais Bourbon fait monter la pression avec ses lieutenants depuis quelques jours. Pour cause, elle n’a obtenu aucune victoire à présenter à ses électeurs et a vu plusieurs de ses lignes rouges être franchies par l’exécutif.
Dans ce contexte, la règle arithmétique est simple : si ses troupes (avec celles d’Éric Ciotti) votent en faveur de la motion de censure promise par les groupes du Nouveau Front populaire en cas d’usage (très probable) de l’article 49.3 en fin de course sur le budget, le gouvernement tombe. Bluff ou non, la triple candidate à donc beau jeu de garnir sa liste de revendication avant un couperet prévu vers la mi-décembre.
Dans la hotte, on trouve par exemple la désindexation des « retraites, les sept heures travaillées gratuitement, la hausse de l’électricité, la hausse de la contribution de la France à l’Union européenne », ou « le malus automobile, l’augmentation des frais de notaire », selon l’énumération faite par le vice-président du mouvement Sébastien Chenu dimanche sur LCI. Autant de mesures décriées par l’électorat lepéniste, toujours plus enclin selon les sondages à voir le gouvernement perdre la bataille du budget, et donc difficiles à assumer pour les élus du parti d’extrême droite.
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« Nous n’accepterons pas que le pouvoir d’achat des Français soit encore amputé. C’est une ligne rouge, a résumé Marine Le Pen, jeudi matin sur RTL, et si elle est dépassée, nous voterons la censure. » « « Jusqu’à aujourd’hui, Michel Barnier crée les conditions » de cette défiance a encore insisté Sébastien Chenu, à la veille de la rencontre à Matignon. Le chef du gouvernement est prévenu.
Barnier peut-il encore reculer ?
Charge donc à cet expert de la diplomatie – c’est lui qui conduisait les négociations sur le Brexit pour l’Union européenne – de convaincre Marine Le Pen de choisir « la stabilité » au « chaos » qu’il dit anticiper. Mais cet argument suffira-t-il ? Depuis plusieurs jours, les ministres et dirigeants du « socle commun » mettent en avant « le désordre et la chienlit » ou la « crise financière », c’est selon, qui adviendra si le gouvernement est renversé. Un discours alarmiste qui cache mal la position très inconfortable de Michel Barnier.
En réalité, toute concession accordée à l’extrême droite sera coûteuse, sur un plan politique. Une partie de son camp, issu jadis des rangs de la gauche, refuse quelconque traitement de faveur au Rassemblement national, et verrait d’un bien mauvais œil un geste sur l’immigration ou la contribution à l’Union européenne. Mais également sur le versant budgétaire, à l’heure où l’exécutif cherche à renflouer les caisses.
Le Premier ministre a désormais très peu de marges de manœuvre après avoir lâché du lest sur les économies demandées aux collectivités locales, aux retraités (pour satisfaire notamment Laurent Wauquiez) et aux entreprises (pour amadouer les macronistes). Sans parler des ministres qui ont obtenu des rallonges de crédits, à la Justice ou la Culture.
« L’objectif est d’arriver à un équilibre entre les ambitions des groupes parlementaires et les impératifs de rigueur » budgétaire, martèle encore Matignon, alors que le déficit public est attendu à 6,1 % du PIB fin 2024. Mais plusieurs experts et institutions indépendantes doutent déjà des trajectoires affichées par le gouvernement. Outre les interrogations sur la croissance, la Commission européenne voit par exemple le déficit diminuer à 5,3 % du PIB en 2025, mais remonter l’année suivante. Pas de quoi armer Michel Barnier pour son opération déminage.
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