« Monsieur le Président, nous vous demandons de retirer sa légion d’honneur à Nicolas Sarkozy »
TRIBUNE – Monsieur le président de la République, grand maître de l’ordre de la Légion d’honneur, nous vous écrivons en notre qualité de citoyens, légionnaires, enfants et petits enfants de chevaliers et officiers de la Légion d’honneur, la plus élevée des distinctions nationales, pour vous demander de retirer sa décoration à l’ancien président de la République Nicolas Sarkozy.
Cette décoration est la récompense de mérites éminents acquis au service de la Nation soit à titre civil, soit sous les armes. Son fonctionnement est régi par le Code de la Légion d’honneur, de la Médaille militaire et de l’ordre national du Mérite.
Au chapitre peines disciplinaires (Articles R89 à 97), ce Code dispose :
Article 89 : Les peines disciplinaires sont :
Puis Article 91 : Sont exclues de l’ordre :
En l’espèce, Monsieur Sarkozy a été condamné à trois ans de prison, dont un an ferme, pour corruption et trafic d’influence. La formulation des articles 89 et 91 est impérative, explicite et limpide et n’autorise aucune marge de manœuvre.
Pourtant, interrogé sur le possible retrait de la Légion d’honneur de Nicolas Sarkozy, vous avez déclaré le 24 avril : « Je pense que ça ne serait pas une bonne décision » puis « C’est quelque chose d’avoir été président de la France. Ce n’est pas une décision de justice dont je vous parle. C’est une question de respect ».
Ainsi ce serait manquer de respect à la fonction que d’appliquer la loi. C’est oublier que le seul qui a manqué à la fonction de Président c’est Nicolas Sarkozy lui-même qui a précisément été condamné dans l’affaire Bismuth pour avoir abusé de son statut d’ancien Président. Non, Monsieur le Président, ce n’est pas manquer de respect à la fonction que d’appliquer la loi.
« Lui retirer la légion d’honneur, c’est la protéger »
A-t-on manqué de respect à la fonction de ministre de l’intérieur quand Monsieur Guéant a été dégradé suite à sa condamnation pénale définitive dans l’affaire dite « des primes de cabinet ». Non. La loi a été appliquée.
En vous exprimant ainsi, en vous prononçant contre cette dégradation, vous ne contrevenez pas seulement au respect de la légalité, vous portez atteinte aux institutions dont vous êtes censé être le garant. Ainsi, retirer la Légion d’honneur et l’ordre national du Mérite à l’ancien Président de la République Nicolas Sarkozy n’est pas manquer de respect à la fonction de Président, c’est bien la protéger. Car laisser un ancien Président condamné porter cette décoration, c’est bien sûr porter atteinte à la crédibilité et au prestige de cette distinction honorifique. Qu’on ne vienne plus nous parler d’honneur…
Mais c’est bien pire encore : ne pas sanctionner un ancien Président pour des faits commis hors mandat, c’est assumer que la justice ne s’appliquerait pas à lui comme au commun des mortels. Comme le disait Nicolas Sarkozy lui-même, en 2012 alors qu’il était Président et candidat à sa réélection : « La non-exécution des peines, c’est l’impunité ».
Ne pas sanctionner un ancien Président pour des faits commis hors mandat, c’est assumer que la justice ne s’appliquerait pas à lui comme au commun des mortels
« Je suis citoyen français, je ne peux pas imaginer que la loi ne s’applique pas », a affirmé le général François Lecointre, grand chancelier de la Légion d’honneur en conférence de presse. Il a raison. Refuser que la loi s’applique, c’est non pas permettre, mais assumer et objectivement promouvoir l’idée que dans notre République, derrière le frontispice des mairies et écoles proclamant l’égalité, c’est en réalité le deux poids deux mesures qui fleurit.
Vous expliquiez d’ailleurs en 2017 que « le principal danger pour la démocratie est la persistance de manquements à la probité parmi des responsables politiques », évoquant alors la nécessité de mettre en place ce que vous appeliez une « République exemplaire ». Et vous aviez raison. Par conséquent, Monsieur le Président, vous devez prononcer l’exclusion de Monsieur Sarkozy de la Légion d’honneur et de l’ordre national du Mérite. Nous vous prions de bien vouloir agréer, Monsieur le Président, l’expression de notre haute considération.
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