Ni-ni ou barrage républicain, la macronie hésite encore à deux jours du premier tour
POLITIQUE – « Vous m’avez élu pour faire barrage à l’extrême droite. Ce vote m’oblige » Cette déclaration d’Emmanuel Macron, le soir de sa réélection le 24 avril 2022, lui revient comme un boomerang à deux jours du premier tour des législatives. Alors que le Rassemblement national est en tête des intentions de vote, le camp présidentiel hésite sur la conduite à tenir en cas de duel entre le Nouveau Front Populaire et le parti d’extrême droite au second tour.
Ce vendredi 28 juin, le rappel est venu d’un proche d’Emmanuel Macron, Philippe Grangeon, cofondateur d’En Marche et ancien conseiller du président de la République. « Gardons en mémoire qu’à deux reprises, en 2017 et en 2022, l’ensemble des forces politiques républicaines a appelé à voter en faveur d’Emmanuel Macron ou à faire barrage à Marine Le Pen », écrit l’homme, d’ordinaire en retrait de la vie politique, dans une tribune à L’Express.
Pour « éviter le pire », il appelle son camp à donner une « consigne claire », « sans barguiner » face à l’« adversaire principal » qu’est l’extrême droite. « Je veux alerter ma famille politique contre la tentation périlleuse du ’ni-ni’ » appliqué au RN et à LFI et qui pourrait « dans la dynamique actuelle, favoriser l’accession du Rassemblement national au pouvoir », souligne ce macroniste historique.
La Macronie pressée de choisir vite (et bien)
Philippe Grangeon rejoint ainsi la liste de ceux qui, au sein du camp présidentiel, appellent ouvertement à faire barrage au RN. Le 25 juin dans Le Monde, les ex-ministres Clément Beaune, Barbara Pompili, Joël Giraud, l’eurodéputé Bernard Guetta ou encore la ministre déléguée à l’Agriculture Agnès Pannier-Runacher ont cosigné une tribune pour appeler au désistement des candidats « les moins bien placés » en cas de triangulaire susceptible de tourner à l’avantage du RN.
« Pour accélérer la mobilisation citoyenne face au RN, ce choix devrait être affiché clairement dès maintenant, sans attendre le 30 juin, par les responsables de toutes les forces démocratiques, qu’elles appartiennent au Nouveau Front populaire, à la majorité sortante ou à la droite républicaine », plaidaient-ils.
Sans effet jusqu’à présent. Difficile en effet pour les ténors de la majorité d’appeler à soutenir (ou même de se désister) un candidat insoumis, après des mois passés à présenter le mouvement de Jean-Luc Mélenchon et « ceux qui les suivent » comme aussi dangereux que l’extrême droite. Sans oublier les débats sur le fameux « arc républicain », concept que le couple exécutif a toujours été bien en peine de définir.
C’est d’ailleurs cette même expression qu’a utilisée Emmanuel Macron jeudi 27 juin dans la soirée en marge d’un sommet européen à Bruxelles, dans une déclaration qui a semblé nuancer la stratégie « des extrêmes » jusqu’alors assumée. « J’ai eu l’occasion de dire qu’à l’extrême gauche des gens avaient tenu des propos sur l’antisémitisme ou la violence, sur l’antiparlementarisme que je désapprouvais, qui sortaient de l’arc républicain, mais je ne fais pas une confusion générale », a-t-il assuré.
Trop tard ? Au moins un cadre de la majorité s’est déjà décidé. « Nous ne voterons ni pour un candidat du Rassemblement national, ni pour un candidat LFI », a expliqué François Bayrou, le patron du MoDem sur France 5 le 26 juin. Une position en accord avec le mot d’ordre qui semblait émerger d’une réunion la veille entre le chef de l’État et les cadres de sa majorité. Un participant a toutefois assuré que le président n’avait pas « tranché. »
« Avant l’heure, c’est pas l’heure »
À Horizons, l’autre parti allié, on ne se prononce pas pour l’instant. Sur France Inter le 26 juin, son patron Édouard Philippe a expliqué qu’il donnera sa consigne de vote « le moment venu » mais qu’à ce stade il se « bat » pour éviter des duels LFI/RN dans « un maximum de circonscriptions ».
Le même jour, son successeur éloigné à Matignon balayait aussi : « Il n’y a pas eu encore de premier tour donc, par définition, il n’y a pas de doctrine », déclarait Gabriel Attal, en marge d’un déplacement à Parçay-Meslay (Indre-et-Loire). « Ma grand-mère me disait, ’avant l’heure, ce n’est pas l’heure’. Après l’heure, ce n’est plus l’heure, c’est vrai, mais donc on verra dimanche soir et lundi matin », répète ce vendredi 28 juin sur franceinfo le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin.
À gauche, où des consignes de barrages claires ont été passées, la position du camp présidentiel ulcère. L’eurodéputé Raphaël Glucksmann a dénoncé « une stratégie de premier tour pour essayer de limiter la casse » dimanche en affaiblissant la gauche mais qui s’avère « extrêmement dangereuse pour la suite » : « Avec toute cette propagande, il y a un risque fondamental qui est l’incapacité à faire barrage au RN dans quelques jours », a-t-il craint jeudi, lors d’un déplacement dans les Yvelines.
Depuis Bruxelles, Emmanuel Macron a promis « une grande clarté » dans les consignes de vote pour le second tour. Mais sans dire quand elles seraient passées. Et avec le risque, en cas de victoire du RN, de se prendre de plein fouet cette citation de Sartre : « Ne pas choisir, c’est encore choisir ».
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