On a comparé les motions de censure de LFI et du RN, voici les différences
POLITIQUE – Deux textes, un seul objectif : faire tomber Sébastien Lecornu. Le Premier ministre fait face, ce jeudi 16 octobre à partir de 9 heures, à ses premières motions de censure à l’Assemblée nationale ; elles ont été déposées par le Rassemblement national et la France insoumise aussitôt son premier gouvernement formé et avant même sa déclaration de politique générale.
Si chacune des deux motions fera l’objet d’un vote séparé, la discussion sera commune même si le contenu des textes n’a rien à voir. Lors du premier Conseil des ministres du gouvernement Lecornu II, le président de la République Emmanuel Macron a fustigé des « motions de dissolution (qui) doivent être vues comme telles ».
C’est en effet le cas de celle déposée par Marine Le Pen, Éric Ciotti et une cinquantaine de leurs députés, et ils ne s’en cachent pas. Le texte de la motion, très court, ne s’embarrasse pas de détails, évoquant en un petit paragraphe « les crises sécuritaire, migratoire, économique et budgétaire », auxquelles s’ajoute « depuis le début du mois de septembre, une crise politique sans précédent sous la Ve République ».
Pourquoi le RN veut une dissolution
L’extrême droite en vient très rapidement à son véritable objectif : le « retour au peuple » via l’activation de l’article 12 de la Constitution qui permet au président de la République de dissoudre l’Assemblée nationale. C’est « le moyen le plus efficace et le plus démocratique pour sortir notre pays de l’impasse » écrivent les signataires, pour qui « le nouveau gouvernement nommé par le président de la République n’est, lui, pas en capacité de le faire. »
La demande de dissolution du RN est motivée par une double arrière-pensée très politique. La première : gagner le maximum de sièges possibles au Palais Bourbon, voire une majorité. La seconde et la plus importante : profiter de législatives anticipées pour faire annuler par le Conseil constitutionnel la peine d’inéligibilité de Marine Le Pen. Même si la stratégie fonctionne (ce qui n’est pas assuré) la députée du Pas-de-Calais a très peu de chance de retrouver son siège à l’Assemblée nationale. Mais si son inéligibilité est cassée, elle sera apte à se présenter à la présidentielle de 2027. Raison pour laquelle l’extrême droite appelle à une dissolution et surtout pas pour l’instant à une destitution ou une démission anticipée du président de la République.
La France insoumise s’en prend à Macron
Tout l’inverse de la France insoumise. Dans leur motion, les élus insoumis appuyés de quelques membres des groupes GDR (communiste) et écologiste rappellent « le coup de force contre la démocratie que représente le maintien à Matignon » de Sébastien Lecornu, « illégitime » au vu du résultat des législatives de juin 2024. Ils fustigent également le projet de loi de finance, pas encore officiellement présenté en conseil des ministres au moment du dépôt de la motion, mais qui, anticipent-ils, « n’est rien d’autre que le budget “Bayrou-Lecornu”. » « Le débat ouvert sur un éventuel décalage de la réforme des retraites est un leurre, comme l’avait été avant lui le “conclave” de François Bayrou », ajoutent-ils.
Depuis la rédaction de cette motion, Sébastien Lecornu a effectivement annoncé la suspension jusqu’à la prochaine présidentielle. Sans convaincre les mélenchonistes qui réclament son abrogation. Le geste consenti par le Premier ministre n’est qu’ « une temporisation puisque la proposition du Premier Ministre revient à inscrire dans la loi le redémarrage de la réforme Borne au 1er janvier 2028 », a dénoncé Manuel Bompard. Et le coordinateur de la France insoumise d’en revenir toujours au même point, clairement énoncé comme l’objectif final dans la motion de censure : « la démission ou la destitution d’Emmanuel Macron, seules solutions pour offrir une issue démocratique claire au chaos actuel. »
Vers une non-censure
Dissolution pour l’un, démission pour l’autre mais dans les deux cas, très peu de chances d’aboutir. Car depuis que le Parti socialiste a fait savoir qu’il ne censurera pas avant le débat budgétaire, l’arithmétique joue en faveur de Sébastien Lecornu.
La motion du Rassemblement national n’a aucune chance d’atteindre la majorité, privée comme toujours des voix de la gauche. Celle de la France insoumise agrégera les voix de l’extrême droite et des groupes GDR et Écologistes. Si tous votent comme un seul homme, il ne manquerait plus que 25 députés à convaincre pour faire tomber le gouvernement.
Mais sans les voix du PS, l’objectif semble difficile à atteindre, d’autant plus que des décisions individuelles ne sont pas exclues. Dans un communiqué, la députée écologiste des Deux-Sèvres Delphine Batho a ainsi dit « refuser la politique du pire de la censure », à rebours de la position de son groupe. À l’inverse, le socialiste Paul Christophle a annoncé son intention de voter pour. D’autres voix favorables à la chute du gouvernement Lecornu viendront sans doute des députés LIOT aux positions toujours hétéroclites, des non-inscrits voire de quelques frondeurs Les Républicains. Sans garantie que cela suffise à atteindre la majorité de 289 voix.



