Où en est-on de la loi contre le narcotrafic tout juste promulguée ?
POLITIQUE – « Il n’y a pas de retard » sur la mise en application de la loi contre le narcotrafic. Après deux drames tragiques en quelques jours, à Grenoble et à Marseille, sur fond de trafic de drogue, Emmanuel Macron a convoqué ce mardi 18 novembre une réunion avec les principaux ministres afin d’intensifier la mise en œuvre de la loi promulguée en juin. Auprès du HuffPost, l’un de ses instigateurs, l’ex-sénateur socialiste Jérôme Durain, juge que « les choses avancent ».
Le ministre de l’Intérieur Laurent Nuñez, interrogé à la sortie de l’Élysée, est du même avis. « Certaines mesures sont déjà en place, notamment l’état-major de lutte contre la criminalité organisée », a-t-il expliqué. L’instance basée à Paris a été inaugurée en mai par le chef de l’État lui-même. Son rôle est de faciliter les échanges entre « tous les services de renseignements (et) judiciaires, de manière à pouvoir mieux détecter des ramifications de réseaux ailleurs que sur le territoire d’investigation », a détaillé le ministre. L’ouverture de prisons de haute sécurité, une mesure phare de la loi, a aussi été concrétisée.
Contacté par nos soins, Jérôme Durain, désormais président de la région Bourgogne-Franche-Comté, souligne aussi « les expulsions, les interdictions de paraître, les fermetures administratives de commerces qui font le blanchiment d’argent ». « Tout ça, c’est en place et ça produit déjà des effets », estime-t-il.
Un nouveau parquet dédié en janvier 2026
Le parquet national anticriminalité organisée (Pnaco) verra le jour en janvier 2026, comme prévu dans la loi. Ce nouveau parquet sera compétent sur les dossiers les plus graves et complexes en matière de crime organisé, sur le modèle du parquet national antiterroriste (Pnat) et du parquet national financier (PNF). Le ministre de la Justice Gérald Darmanin a proposé de nommer la magistrate Vanessa Perrée à sa tête. En parallèle, « un certain nombre de mesures vont se mettre en place à compter de cette date » comme la procédure administrative pour geler les fonds des narcotrafiquants, a indiqué Laurent Nuñez.
Quid de la réforme pour élargir le statut de repenti, qui permet aux membres d’un réseau d’obtenir par exemple une réduction de peine contre des informations ? Contacté par Le HuffPost pour connaître les chiffres de son application, le ministère de la Justice n’avait pas répondu à nos sollicitations à l’heure où nous écrivons ces lignes. En avril 2024 toutefois, l’ex-Garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti déplorait que, dix ans après sa mise en place, la première version du texte n’eût été utilisée que « vingt fois ».
La loi narcotrafic prévoit également de nouvelles techniques d’enquête, dont la création d’un « dossier coffre », qui permet de verrouiller une partie de la procédure lancée contre une personne pour empêcher la divulgation d’informations sensibles dans les cercles de la criminalité organisée – un point en partie retoqué par le Conseil constitutionnel au nom du respect des droits de la défense.
Sans travail de prévention, « on aura raté quelque chose »
« C’est une loi déjà riche de beaucoup d’éléments », fait valoir Jérôme Durain. « Peut-être faut-il accélérer » dans sa mise en place mais, souligne-t-il, « il y a aussi une question de moyens ». Notamment ceux alloués à l’investigation. « Lutter contre les trafiquants sans enquêteurs, c’est quand même compliqué. Ça fait partie des moyens complémentaires dont on a besoin », pointe le président de région, pour qui la question n’est pas tant législative que budgétaire.
Autre axe d’amélioration évoqué par les ministres : la lutte à l’international contre l’import-export des substances illicites. « Le président de la République nous a demandé d’accélérer la mise en place des dispositifs de détection des flux aux ports et aéroports », a détaillé Laurent Nuñez, ce qui peut passer par la multiplication des dispositifs de détection. « Il y a aussi la question des coopérations, notamment judiciaires, avec d’autres États, sur lesquelles nous allons poursuivre le travail engagé », a développé le locataire de Beauvau.
Jérôme Durain appuie, mais estime qu’en l’état, « la loi semble déjà permettre des moyens d’agir ». En tout cas sur l’aspect répressif. Car l’ex-sénateur insiste en parallèle sur le volet préventif, indispensable selon lui à une lutte efficace contre le narcotrafic. « Il faut s’attaquer à la demande, avec un travail de prévention, d’accompagnement et de soin. Sinon, on aura raté quelque chose », plaide-t-il. Devant la presse, Laurent Nuñez s’est contenté de souligner que « s’il n’y avait pas de consommateurs il n’y aurait pas tous ces drames, tous ces crimes et tous ces trafics ».
Un rendez-vous pour faire un point sur l’état d’avancement de la loi, prévu jeudi, a été repoussé au vu des drames récents. Emmanuel Macron réunira de nouveau les acteurs de la lutte contre les trafics de drogue « mi-décembre » à l’Élysée puis se « rendra lui-même sur place à Marseille ».



