Où est passée la menace de censure ? Le PS croit encore à un « chemin possible » sur le budget
POLITIQUE – Pari gagné ou pari perdu ? Alors que l’Assemblée nationale s’apprête à faire une pause dans l’examen du budget de l’État pour débattre à partir de ce mardi 4 novembre de celui de la Sécurité sociale les socialistes font le bilan de leur stratégie. Leur choix de rechercher un « compromis » avec le gouvernement est loin d’avoir été couronné de succès. Et leur menace de censure, brandie avec force au début de l’examen, est en passe de leur revenir tel un boomerang.
Ce lundi 3 novembre, au moins deux réunions étaient prévues à l’agenda des socialistes. La première, prévue au ministère des Relations avec le Parlement en présence de tous les groupes parlementaires, a été boycottée par l’ensemble de la gauche en raison de la présence du RN. La seconde est interne au parti et plus précisément aux députés : convoquée par Boris Vallaud, elle doit permettre de « faire l’analyse précise de la situation », explique-t-il dans La Tribune Dimanche.
Le président du groupe ne le dit pas ainsi, mais c’est bel et bien la question de la stratégie à adopter qui sera posée. Elle tient en un mot : censure ou pas censure ?
Un ultimatum qui fait pschit
Une semaine auparavant, les cadres du parti ont posé un ultimatum au Premier ministre : « Si (…) en gros jusqu’à lundi prochain, il n’y avait pas d’évolution sensible sur le texte, il n’y aurait aucune marge de manœuvre accordée sur le PLF et le PLFSS. Et donc, ce serait terminé », plantait Olivier Faure le 24 octobre. Après l’obtention d’un amendement gouvernemental pour suspendre la réforme des retraites, ce coup de pression visait à obtenir des mesures de justice fiscale, dont la taxe Zucman devenue un étendard. Mais cinq jours de débat plus tard, le couperet est tombé. L’Assemblée nationale a rejeté la proposition de l’économiste, ainsi que la version allégée des socialistes.
À la tribune, Boris Vallaud laisse entendre sa colère : « Vous faites, par votre intransigeance je le crains, le mauvais chemin », tonne-t-il à l’attention de Sébastien Lecornu. Mais le parti ne dégaine pas pour autant sa carte censure. Le 2 novembre dans La Tribune Dimanche, le chef de file à l’Assemblée ne prononce pas le mot une seule fois et, lorsqu’il est directement interrogé dessus, dit « ne pas perdre de vue les raisons » qui ont poussé son parti à « accepter la recherche d’un compromis ». Le lendemain dans la matinale de France Inter, Olivier Faure botte aussi en touche : « Si nous n’obtenions pas gain de cause, nous commencerions par voter contre ce projet de budget. Si nous votons contre, ce budget ne passera pas puisqu’il faut l’abstention des socialistes, des écologistes et des communistes pour qu’il passe », fait-il valoir.
Le PS face au risque des divergences internes
Le premier secrétaire du PS assure que sa position n’a pas varié. Taxe Zucman ou pas, l’important est de dégager suffisamment de « marges de manœuvre » dans le volet recettes du PLF pour faire disparaître « toutes ces horreurs qui sont contenues dans le projet de budget et de budget de la Sécurité sociale ». Et d’assurer : « Nous sommes sur une voie de passage étroite mais je pense qu’elle existe, ça supposera la vigilance des parlementaires. »
Légère dissonance ? Dans la Tribune Dimanche, Boris Vallaud se montrait un peu moins optimiste sur l’adoption finale d’un budget. Mais Olivier Faure balaye : « Ce n’est pas parce que pour l’instant nous ne sommes pas satisfaits qu’il n’y a pas un chemin », assure-t-il. Pour le Premier secrétaire, jouer l’unité est crucial. Dimanche soir, une tendance minoritaire a réclamé « l’organisation d’un vote militant sur la censure dans les plus brefs délais » estimant qu’il faillait « savoir dire stop ». Le courant ne pèse que trois députés à l’Assemblée, bien trop peu pour inquiéter en haut lieu. Les réunions de ce lundi seront l’occasion de clarifier la ligne, mais selon Politico, une majorité des élus est favorable à poursuivre les discussions.
Mais les apparences comptent, surtout pour PS est déjà esseulé et mis sous pression sur sa gauche pour avoir refusé la censure dès la déclaration de politique générale. S’y ajoute l’arrivée imminente dans l’hémicycle du budget de la Sécurité sociale, avec en son sein la suspension de la réforme des retraites. Le PS sera en première ligne pour la défendre, alors qu’en commission, la France insoumise a voté contre et que les écologistes et communistes se sont abstenus.
« C’est au gouvernement de prendre conscience »
À l’heure du bilan et à défaut d’avoir réussi sur la taxe Zucman, les socialistes tentent donc de mettre en avant leurs petites victoires. Par exemple la modification de l’impôt sur la fortune immobilière, votée via un amendement du MoDem soutenu par le PS et le RN. La mesure a été dézinguée par la France insoumise et Olivier Faure a consacré de longues minutes à justifier le vote de son camp en ce lundi matin. Le patron du PS évoque aussi l’année blanche, qui doit encore être corrigée pour satisfaire les socialistes mais a perdu de sa substance depuis que Sébastien Lecornu s’est dit favorable au dégel des minima sociaux et des pensions de retraite. Quant à la taxation des grandes fortunes, le chef des socialistes veut croire que « ce débat-là n’est pas totalement achevé. » À défaut de créer de nouvelles taxes, Olivier Faure réclame qu’« on mette sur la table le débat sur ces fameuses aides aux entreprises de 211 milliards par an ».
Des lots de consolations qui restent maigres, puisqu’en cas de rejet du texte, toutes ces victoires symboliques finiront aux oubliettes. « L’histoire n’est pas terminée, c’est au gouvernement de prendre conscience », martèle Olivier Faure. Comprendre : de continuer à faire des gestes pour trouver d’autres sources de recettes mais aussi pousser ses troupes à sortir de leur « intransigeance ». « Peut-être que le Premier ministre devrait expliquer, venir devant les parlementaires et dire “Voilà quelle est la copie finale à laquelle je pense et par rapport à laquelle chacun pourrait se positionner, la droite comme la gauche, et dire ce qu’il en est pour que chacun comprenne où nous allons” », développe le chef des socialistes sur France Inter. Une façon pour le PS de garder la main, mais aussi en cas d’échec, de préparer le renvoi de la balle dans le camp du gouvernement.


