Politique

Pour Attal et Darmanin, premier duel à l’Assemblée pour le leadership en Macronie

POLITIQUE – En décidant de la dissolution, Emmanuel Macron pensait avoir jeté une « grenade dégoupillée » aux pieds de ses opposants. Il s’avère que la manœuvre agit également comme une bombe à fragmentation dans son propre camp. L’élection du nouveau président du groupe Renaissance à l’Assemblée nationale en a offert une nouvelle preuve éclatante.

Ce jeudi 11 juillet, une guerre interne s’est ouverte entre le Premier ministre, Gabriel Attal, et le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin avec Élisabeth Borne en arbitre. Le premier a subi la dissolution. Le second l’a souhaitée et encouragée. A la fin de la journée, il n’y a eu qu’un gagnant.

Gabriel Attal, qui a incarné le camp présidentiel lors de la campagne, n’a pas tremblé au second tour sur les contours du barrage républicain face au RN, permettant à de nombreux députés sortants de sauver leur peau. Gérald Darmanin a quant à lui joué la musique du ni-LFI ni-RN, fragilisant le message du chef du gouvernement et donnant du grain à moudre aux candidats macronistes qui ont refusé de se désister lors de triangulaires défavorables, offrant au passage quelques sièges à l’extrême droite.

« Ça va être sanglant »

Le locataire de Matignon entend discuter avec la gauche, écologistes et communistes inclus. Moins son subordonné de la Place Beauvau, qui pense que le salut du camp présidentiel passera essentiellement par la droite, même s’il n’écarte pas l’idée de travailler avec le PS et les communistes en fonction des projets. Si on devait résumer : les deux n’ont plus grand-chose en commun, si ce n’est la conviction du rôle prépondérant que jouera l’Assemblée dans l’année à venir et la nécessité d’y jouer un rôle central.

Résultat : les deux étaient en lice pour la présidence du groupe. « Ça va être sanglant », soupirait par avance un macroniste historique, alors que ce duel entre l’ancien socialiste et l’ex-UMP se déroule avec 2027 en ligne de mire. Car obtenir la présidence du groupe signifie non seulement s’inviter à la table de ceux qui s’imaginent un destin présidentiel, entre Marine Le Pen pour le RN et Laurent Wauquiez pour « La Droite Républicaine », mais également régner en maître sur ce qui subsistera de Renaissance une fois le mandat du chef de l’État clos.

Une position centrale pour qui envisage de jouer des coudes avec Édouard Philippe et François Bayrou pour récupérer l’espace ouvert en 2017 par Emmanuel Macron. Dans ce duel fratricide, Gérald Darmanin disposait d’un atout. Ou d’un boulet selon comme on voit les choses : l’onction d’Emmanuel Macron, hostile à l’idée que ce soit Gabriel Attal (qui a pris ses distances à l’égard du chef de l’État ces dernières semaines) qui prenne les rênes. Il faut aussi dire que le locataire de l’Élysée partage avec son ministre de l’Intérieur cette hasardeuse aventure de la dissolution, qui a coûté (très) cher à la macronie et nourrit nombre de rancœurs en interne.

Élisabeth Borne, l’obstacle imprévu

À l’inverse, Gabriel Attal est perçu comme celui qui a relevé le gant. « Sa force, c’est d’avoir sauvé un paquet de sièges avec sa stratégie d’entre deux-tours. Grâce à lui, on est passés de 14 % le 30 juin à 31 % le 7 juillet. Et beaucoup de députés, qui ont eu une campagne difficile, en sont conscients », loue auprès du HuffPost l’un de ses soutiens, affirmant que le camp présidentiel exprime le besoin d’un « changement de méthode » en interne, tout comme la nécessité de confier la clé à une personne capable de rassembler.

Ce qui pourrait jouer en faveur du plus jeune Premier ministre de la Ve République, jugé moins clivant que le premier flic de France. Car si Emmanuel Macron a demandé au groupe Renaissance de prendre le temps avant de désigner son chef de file dans l’espoir de temporiser l’option Attal, c’est bien en raison de la popularité du député des Hauts-de-Seine au sein des troupes macronistes. Or, au sein d’une famille politique qui s’émancipe de son créateur, cette cote est un atout indéniable. Assez pour assurer l’élection de Gabriel Attal à la tête du groupe ? Possible. À moins qu’un obstacle de taille (et imprévu) s’érige en travers de sa route. Comme, par exemple, Élisabeth Borne.

Selon Le Figaro, l’ex-Première ministre envisage elle aussi de présider le groupe Renaissance. Dans cette entreprise, elle bénéficierait même du retrait de Gérald Darmanin en sa faveur, lequel jetterait finalement son dévolu sur la présidence du parti qui sera remise en jeu à l’automne. Si elle aboutit, et compte tenu du profil consensuel de l’ancienne cheffe du gouvernement, cette entente de circonstance entre les deux adversaires de l’été 2023 pourrait mettre un coup d’arrêt aux ambitions de Gabriel Attal.

Toutefois ce jeudi soir, l’entourage d’Élisabeth Borne a déclaré à franceinfo ainsi au Parisien a affirmé que la députée du Calvados ne briguait finalement pas le poste. Après une discussion avec son successeur à Matignon en fin de journée, elle aurait décidé de ne pas concourir afin de « maintenir unité de la famille et ne pas rajouter des divisions ». Juste après elle, ce sont les proches de Gérald Darmanin qui ont mis les points sur les « i » : le ministre de l’Intérieur ne brigue pas le poste et ne l’a jamais voulu. De quoi ouvrir un boulevard pour Attal.

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