Politique

Pour Édouard Philippe et Horizons, la stratégie très risquée aux allures de la ligne de crête jusqu’à 2027

POLITIQUE – « Oui c’est une ligne de crête, c’est vrai, c’est une expression que moi aussi j’utilise », confie au HuffPost un député Horizons sous le sceau de l’anonymat. Soldats loyaux et relativement discrets du deuxième mandat présidentiel, les troupes d’Édouard Philippe ont elles aussi dû s’adapter à la crise politique des dernières semaines et mettre leur souplesse à rude épreuve.

L’ancien Premier ministre, désormais candidat à l’Élysée, entend bien avant ses pions. Avant même la nomination de Sébastien Lecornu, l’idée d’un soutien sans participation au gouvernement avait émergé. C’est finalement la démission sonnante du Premier ministre puis la mission confiée par le chef de l’État à son « moine-soldat » qui avait poussé le maire du Havre à sortir du bois et à appeler à la démission préparée d’Emmanuel Macron.

De quoi marquer la rupture définitive avec le locataire de l’Élysée et jouer dans la foulée une partition assez singulière au sein du socle commun. Même Gabriel Attal qui ne fait plus semblant lorsqu’il s’agit d’évoquer le président, ou Les Républicains, ne sont pas allés jusque-là.

Philippe « ne doit rien » à Macron

Signe inquiétant de cette prise de position singulière, le coordinateur de la France insoumise Manuel Bompard n’a pas boudé son plaisir jeudi soir en appelant les élus Horizons à soutenir la motion de destitution que déposera LFI. Hors de question, répond notre député : « Eux, ils veulent sa tête au bout d’un pique, en 30 jours, le bordel et l’urgence, ce n’est pas du tout ce que prône Édouard Philippe ».

La nuance est d’importance pour les élus d’un parti qui se pose en chantre de la responsabilité politique mais elle reste faible dans un brouhaha politique saturé où la sortie de leur chef est comparée par des macronistes à Brutus trahissant César. « Je ne lui dois rien, il est venu me chercher », a tout de même cinglé Édouard Philippe jeudi soir sur France 2 alors que Maud Bregeon, nouvelle porte-parole du gouvernement a lancé le mot « traître ». « C’est un peu pénible d’entendre des gens qui remettent en cause notre loyauté, alors qu’il n’y a pas plus fiables et discrets que nous. On ne peut pas nous reprocher de dire parfois un peu plus fort ce qu’on pense », abonde-t-on chez Horizons.

Signe que la séquence a laissé des traces en interne, le parlementaire contacté reconnaît que la charge d’Édouard Philippe malgré son leadership naturel a pu susciter des réactions, tout comme la sortie de Christelle Morançais. La vice-présidente d’Horizons s’est, en solo, prononcée en faveur de la censure d’un « gouvernement qui brade l’avenir des Français sur l’autel d’intérêts partisans ». Un peu facile de laver son linge sale en public avec des « y a qu’à, faut qu’on » estime notre interlocuteur alors que le coût de l’instabilité aurait été bien plus important. D’autant qu’entre-temps, trois membres d’Horizons ont rejoint le gouvernement. « À titre personnel » assure la direction du parti au Parisien même si l’ancien Premier ministre avait été prévenu.

La « confiance » et « les doutes » de ses proches

Voilà pour l’équation fébrile : se démarquer du macronisme historique avant 2027 sans pour autant participer à l’instabilité politique, garder ses troupes en ordre resserré sans fliquer. Et, dans le même temps, défendre d’arrache-pied au parlement ses totems alors que le gouvernement qu’on n’a pas censuré a cédé aux socialistes sur la réforme des retraites.

La couleuvre est d’autant plus grosse à avaler que le Havrais a dévissé ces dernières semaines dans les sondages. « Ça fait un moment qu’on disait à Édouard de se démarquer, mais c’est difficile d’être un parti responsable et en même temps un parti qui fait du bruit », analyse-t-on dans le groupe parlementaire tout en jurant ne pas prêter attention aux études d’opinions. A-t-il bien fait de prendre son risque dans la perspective de 2027 dès maintenant ? S’est-il démarqué trop violemment de la figure repoussoir d’Emmanuel Macron ? La confiance demeure pleine et entière, jure l’élu.

En attendant, les débats budgétaires au Parlement sont appréhendés autant comme un moment de tempête et de combats, que l’occasion de continuer d’amadouer les Républicains. Alors qu’Édouard Philippe semble avoir retenu ses coups contre Bruno Retailleau jeudi soir, on prophétise à demi-mot l’implosion de Renaissance sous le leadership jugé vacillant de Gabriel Attal. Que restera-t-il du socle commun ? « On est un parti de droite (…) Il faut que le prochain Président de la République ait le plus de marge de manœuvre possible, donc il faut qu’on se ménage les marges de demain ».

D’ailleurs, pointe-t-il dans un sourire, n’est-ce pas le maire de LR de Meaux, Jean-François Copé, qui exhorte lui aussi Emmanuel Macron à organiser son départ ? Il y a deux manières de quitter quelqu’un après une quasi-décennie de relation, en douceur ou en arrachant le sparadrap d’un coup. Si le Havrais donne l’impression de faire les deux à la fois, il a tout en cas trouvé un nouveau partenaire de flirt.