Pour se défendre à la barre du tribunal, Marine Le Pen tente une leçon de politique
JUSTICE – « Alors, c’est le grand oral aujourd’hui ? » Sur le banc des prévenus avant le début de l’audience, Marine Le Pen relève furtivement la tête de ses notes. Ce lundi 14 octobre, elle est arrivée vingt minutes en avance dans la salle 2.01 du tribunal de Paris, où les journalistes se serrent déjà. Après avoir rongé son frein lors des précédentes audiences, voilà la leader du RN enfin à la barre pour entamer la troisième semaine de ce procès hors norme.
Dans ses mains, une ribambelle de dossiers colorés. Des post-it dépassent des feuilles volantes, et attestent des longues heures de travail qui ont précédé cette journée singulière qui s’ouvre pour elle. Signe de nervosité, ou empressement d’en découdre, l’audience n’est pas encore ouverte que Marine Le Pen commence à disposer ses feuilles sur le pupitre… avant de finalement tout ranger.
L’ancienne eurodéputée est jugée aux côtés de 24 autres prévenus pour des soupçons de détournement de fonds publics au détriment du Parlement européen entre 2004 et 2016. Celle qui était alors, depuis 2011, présidente du Front national (actuel Rassemblement national) est accusée d’avoir sciemment utilisé l’argent du Parlement européen pour rémunérer des assistants parlementaires qui travaillaient en fait pour le parti, à Paris.
Marine Le Pen s’avance devant son pupitre, pour faire face à la présidente de la 11e chambre correctionnelle, Bénédicte de Perthuis, dont elle a fustigé « la partialité » dans un entretien avec le journal Le Point quelques jours plus tôt. Aujourd’hui, elle est venue se défendre : « Je n’ai absolument pas le sentiment d’avoir commis la moindre irrégularité, la moindre illégalité », déclare-t-elle.
« Il peut travailler au bénéfice de son parti »
Et tout l’après-midi sa ligne ne bouge pas d’un iota : le mandat de député européen – et celui d’assistant parlementaire – est indissociable de la politique, et donc de son parti. « Un assistant travaille pour son député et il peut travailler pour lui, au bénéfice de son parti et à l’élargissement de ses élus », assure-t-elle, tout en convenant que « d’autres ont un avis divergent. » « Nous sommes radicalement opposés à la manière dont fonctionne le parlement européen », ajoute-t-elle.
La triple candidate d’extrême droite à la présidentielle explique mettre d’ailleurs un point d’honneur à ce que les eurodéputés ne travaillent pas qu’au Parlement… qu’elle compare à un « blob ». « Le Parlement fonctionne d’une telle manière qu’il engloutit les députés, on peut y dormir, y manger, on se fait coiffer… Tout est fait pour que le député européen vive en vase close (…) Il faut aller à l’extérieur, porter ce qu’on fait, aller voir nos électeurs ! », assure-t-elle en haussant le ton.
« Oui, mais il a un mandat », rappelle Patrick Maisonneuve, avocat du Parlement européen. « Oui, mais ce mandat il le doit aussi à un mouvement, aux bénévoles, s’agace Marine Le Pen. Il le doit à tout ce monde-là. Le mandat, vous voulez le voir juste sur l’axe du travail législatif. Non, ça n’est pas que cela. »
À quoi sert un assistant parlementaire ?
Alors que deux visions de la mission de l’eurodéputé et de son assistant parlementaire s’affrontent dans un dialogue de sourds, la présidente peine à obtenir davantage de précisions. La mémoire de Marine Le Pen se veut parfois brouillonne. « Vous ne vous souvenez pas de vos assistants parlementaires ? » lui demande-t-elle, lorsqu’elle aborde ses premières années d’eurodéputé. « Pourquoi vous dites ça ? » bredouille la députée du Pas de Calais avant de finalement lancer quelques noms.
Ce lundi, Marine Le Pen devait répondre de faits concernant l’embauche de Catherine Griset, assistante parlementaire de cette dernière entre 2010 et 2016, qui est aussi sur la même période assistante puis cheffe de cabinet de la présidente du RN à Paris. Mais lorsque le tribunal rentre finalement dans l’examen des faits, Marine Le Pen préfère disserter sur l’enquête interne du Parlement européen… Une diversion recadrée par la présidente. « Restons sur madame Griset », lui intime-t-elle.
Une chose est sûre, il faudra plus que des leçons de philosophie politique pour que Marine Le Pen puisse convaincre le tribunal de sa bonne foi, et de celle du Rassemblement national. La cheffe de file du parti d’extrême droite risque gros avec un procès qui pourrait bien compromettre ses ambitions politiques. Marine Le Pen encourt notamment une peine d’inéligibilité de cinq à dix ans.
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