Politique

Pour son interrogatoire au tribunal, Marine Le Pen ne pourra pas miser sur ce précédent

POLITIQUE – Les choses sérieuses commencent pour Marine Le Pen. Mise en examen pour détournement de fonds publics, la députée du Pas-de-Calais est auditionnée ce lundi 14 octobre dans le cadre du procès des assistants parlementaires du RN. Un dossier tentaculaire dans lequel elle est soupçonnée d’avoir élaboré un vaste système d’emplois fictifs et de détournement de fonds européens au profit du parti, et qui donne des sueurs froides en interne. Le rendez-vous est décisif pour la cheffe du groupe RN à l’Assemblée, qui le prépare de longue date.

« Elle est concentrée là-dessus, ça lui prend beaucoup de temps », confiait au HuffPost mi-septembre un député lepéniste, expliquant la rentrée discrète de son parti par le travail de défense entrepris par la fille de Jean-Marie Le Pen. Alors que le procès s’est ouvert le 30 septembre, Marine Le Pen jongle entre l’Assemblée et la justice, consciente que son destin politique se joue (aussi) dans l’enceinte du tribunal judiciaire de Paris. Et pour cause, elle encourt, en plus d’une peine d’emprisonnement, jusqu’à cinq ans d’inéligibilité, ce qui pourrait stopper net ses ambitions pour la présidentielle.

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Raison pour laquelle elle suit les débats avec attention, quitte à mettre la pression dans les médias. « Cette première semaine m’a un peu refroidie. J’ai perçu de la part de la présidente (du tribunal) une tonalité de partialité », a-t-elle dénoncé lors d’un entretien accordé au Point, s’orientant donc vers une défense très politique.

« Jurisprudence Bayrou »

Sur le plan strictement judiciaire, le parti d’extrême droite s’accroche à la relaxe accordée à François Bayrou au mois de février. Mis en examen dans un dossier proche, le président du MoDem a été relaxé « au bénéfice du doute ». Sans attendre, les lieutenants de Marine Le Pen, à l’image de Jean-Philippe Tanguy, prédisaient une issue similaire pour la députée du Pas-de-Calais. « Ce jugement montre que c’était une mascarade montée par les technocrates et nos adversaires de l’Union européenne qui ne supportent aucune forme d’opposition de l’époque », avait-il estimé. « Pour nous, il y aura une jurisprudence Bayrou. On regardera ce qui ressortira de son procès, puisque les dossiers sont proches sur le fond », affirmait de son côté le vice-président du RN, Louis Aliot.

Pourtant, la situation du fondateur du MoDem est très différente de celle de Marine Le Pen, et à plusieurs égards. Première différence de taille, François Bayrou n’était pas eurodéputé au moment des faits, à l’inverse de la députée du Pas-de-Calais. Un détail qui a son importance, puisque plusieurs ex-eurodéputés MoDem ont été condamnés. Élu au Parlement européen et ancien vice-président du parti centriste, Jean-Luc Bennahmias a ainsi été reconnu coupable de détournement de fonds publics et condamné à 12 mois de prison avec sursis, 30 000 euros d’amende et deux ans d’inéligibilité avec sursis.

Au mois de septembre 2023, Marine Le Pen a remboursé la somme de 330 000 euros au Parlement européen pour éviter une saisie forcée, puisque les services de l’institution avaient enclenché l’article 100 du règlement financier, contraignant l’ex-eurodéputée à régler la somme réclamée. Si l’avocat de la triple candidate à la présidentielle a fait savoir à Mediapart que ce règlement « ne constitue en aucune façon une reconnaissance explicite ou implicite des prétentions du Parlement européen », aucune procédure du genre n’avait été déclenchée à l’encontre de François Bayrou. Autre donnée à prendre en compte, le montant du préjudice : 350 000 euros pour le MoDem contre plus de six millions pour le RN, dont les ramifications révélées notamment par Mediapart semblent bien plus denses que ce qui a été reproché au MoDem. Ce qui, hypothétiquement, engage Marine Le Pen à deux titres : en tant qu’ancienne eurodéputée et au titre de présidente de parti.

Le « doute » bénéficie à Bayrou, mais pour Le Pen ?

Car, relaxé « au bénéfice du doute », François Bayrou a toujours indiqué qu’il n’avait, en tant que président de parti, jamais eu à se pencher sur le travail, effectif ou supposé, des assistants parlementaires de ses élus. Le tribunal a effectivement reconnu qu’aucune preuve ne permettait d’établir qu’il avait été mis au courant de ce système. Or, le contenu de plusieurs mails révélés dans la presse à la suite des perquisitions menées en 2016 et 2017 par l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) montre que l’ex-présidente FN a bien été informée de la situation de collaborateurs rémunérés par le Parlement européen mais travaillant pour le siège du parti.

Parmi ces messages, cet avertissement envoyé en 2014 par l’eurodéputé FN Jean-Luc Schaffhauser à Wallerand de Saint-Just, alors trésorier du parti : « Ce que Marine nous demande équivaut qu’on signe pour des emplois fictifs… Et c’est le député qui est responsable pénalement ». Preuve que les deux situations sont bien différentes, la défense du RN envisage déjà le scénario d’une condamnation. Au point que, selon Le Monde, le parti d’extrême droite a déjà planifié des recours, anticipant une décision en appel qui interviendrait fin 2026, en pleine précampagne pour l’Élysée. Quant à une décision en cassation (ultime recours avant une condamnation définitive), pas avant 2028. Après l’élection présidentielle.

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