Pourquoi Elon Musk n’a pas (encore) soutenu Marine Le Pen
POLITIQUE – Les fusées d’Elon Musk n’ont cette fois pas atterri sur Mars, mais en Allemagne et au Royaume-Uni. Le richissime chef d’entreprise américain, propriétaire de Tesla et de X, a opéré une OPA sur le continent européen en apportant son soutien à plusieurs formations d’extrême droite. Le 10 janvier, à la veille des élections législatives allemandes, l’homme le plus riche du monde a prévu de discuter avec la dirigeante du parti xénophobe AfD, Alice Weidel.
Emmanuel Macron a beau dénoncer une « internationale réactionnaire » à l’œuvre selon lui, Elon Musk multiplie les provocations et les ingérences dans les débats nationaux. « Il attaque ouvertement nos institutions, incite à la haine et appelle à soutenir les héritiers du nazisme en Allemagne lors des prochaines élections », s’est indigné le Premier ministre espagnol Pedro Sánchez.
Il arrive aussi à l’homme d’affaires et conseiller de Donald Trump de retourner sa veste, comme avec le leader de l’extrême droite britannique Nigel Farage, qu’il a soutenu puis lâché. Voire de se désintéresser complètement d’une figure pourtant majeure. En France, Marine Le Pen et le Rassemblement national ne font pas l’objet des mêmes convoitises.
Pas un mot, pas un soutien, pas un tweet à l’égard de la fille de Jean-Marie Le Pen, pourtant très populaire et pas loin d’accéder aux portes du pouvoir. À en croire plusieurs sources, aucun contact n’existe entre Elon Musk et le RN. Comment expliquer cette distance ?
Discours ultralibéral
D’abord par des raisons idéologiques. Elon Musk, biberonné au discours ultralibéral, s’est construit « à l’américaine ». Dans un tweet publié en janvier 2023, le propriétaire de SpaceX défendait la réforme des retraites. « C’est difficile, mais Macron fait ce qu’il faut. L’âge de la retraite à 62 ans a été fixé à une époque où l’espérance de vie était bien plus courte, écrivait-il. Il est impossible qu’un petit nombre de travailleurs puisse subvenir aux besoins d’un grand nombre de retraités ». Soucieux de ne pas se couper d’une base électorale pour partie issue des classes populaires, Marine Le Pen et le RN sont, eux, vigoureusement opposés au départ à la retraite à 64 ans.
Celui que l’on pourrait définir comme libertarien a eu tendance à progressivement évoluer vers des idées conservatrices. Il n’y a pas si longtemps, Elon Musk se faisait le chantre de l’immigration, dont il rappelait avec fierté être issue. Désormais, il est une figure de proue de la lutte contre « le wokisme », défend des options transphobes et homophobes et se fait le porte-voix de mesures technosolutionnistes pour régler le problème du changement climatique.
Un positionnement dont semble ne pas vouloir s’approcher Marine Le Pen, du moins en surface. Le maire de Perpignan et proche de l’ex-patronne du RN Louis Aliot ne tarit pourtant pas d’éloges à l’égard du chef d’affaires américain : « Je perçois Elon Musk comme tous les génies : particulier et décalé. Sa réussite est extraordinaire », explique-t-il dans l’Opinion.
Surtout, la question se pose de savoir si Marine Le Pen a véritablement besoin du soutien de l’homme le plus riche de la planète. Son ascension politique et ses scores électoraux ne se suffisent-ils pas à eux-mêmes ? Même son soutien à Donald Trump, depuis 2016, est timoré. La députée du Pas-de-Calais sait trop bien qu’une éventuelle proximité avec une personnalité aussi sulfureuse que celle d’Elon Musk peut lui jouer des tours. N’a-t-elle pas plus à y perdre qu’à y gagner ? Par le passé, ses affinités avec l’extrême droite autrichienne, hongroise ou italienne lui sont revenues en boomerang.
Des accointances plus radicales
Finalement, les représentants du RN se veulent prudents et se contentent de décrire Elon Musk comme « un intellectuel hors-cadre et un peu effrayant » (Sébastien Chenu dans l’Opinion), capable « d’influer à lui seul sur le cours d’une guerre interétatique, en désactivant des réseaux satellitaires hors de tout contrôle public » (Marine Le Pen en meeting en 2023).
L’AfD, que soutient activement le patron de X, représente aux yeux de nombreux Allemands un parti post-fasciste, qui entretient des liens étroits avec des groupuscules nazis, et a récemment mené une campagne en faveur de la « rémigration » (en fait l’expulsion de millions de personnes). Pas un hasard si le RN s’en est écarté lors des élections européennes.
Au Royaume-Uni, Elon Musk soutient l’activiste Tommy Robinson, ex-membre du Parti national britannique, créé par des admirateurs d’Hitler et des nostalgiques du Troisième Reich. Un profil très radical, qui tranche avec le ripolinage qu’essaye d’opérer Marine Le Pen depuis plusieurs années sur son mouvement en France.
« Elle a compris que la différence de culture entre l’extrême droite française et américaine était trop forte. Chez les nationalistes français, les États-Unis n’ont pas trop la côte », analyse le politologue Jean-Yves Camus dans 20 minutes. Reste que si rien n’est encore fixé, des représentants du RN devraient s’envoler pour Washington le 20 janvier pour assister à la cérémonie d’investiture de Donald Trump. Louis Aliot, qui avait accompagné la cheffe du FN à la Trump Tower en 2017, devrait être de la partie. Et Marine Le Pen ?
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