Politique

Pourquoi la victoire de Retailleau est loin d’avoir réglé tous les problèmes de la droite

POLITIQUE – Les lendemains qui chantent. Désormais président incontesté du parti les Républicains, Bruno Retailleau ne perd pas de temps pour installer sa nouvelle direction. Il a nommé Michel Barnier ce mardi 20 mai, soit moins de 48 heures après son triomphe sur Laurent Wauquiez, à la tête du conseil national du parti, récompensant ainsi le Premier ministre qui l’a fait entrer au gouvernement.

Dans les jours à venir, François-Xavier Bellamy et Othman Nasrou, deux de ses proches, devraient être intronisés comme vice-président délégué et secrétaire général. Le ministre de l’Intérieur a également profité de ce deuxième jour comme nouvel homme fort de la droite pour apaiser les tensions avec son ancien rival, en participant à la réunion de groupe des députés Les Républicains à l’Assemblée. En somme, le soleil brille de ce côté-ci de l’échiquier.

Mais pour combien de temps ? La victoire de Bruno Retailleau, sans appel, ne règle pas tous les problèmes du parti jadis de Nicolas Sarkozy en vue des prochaines échéances électorales. Elle ouvre, au contraire, une série de questions difficiles, dont la résolution promet quelques remous. Tant sur le fond, que sur la stratégie pour 2027.

Réunir les tendances, proposer des idées

Ainsi, le premier chantier évoqué par Bruno Retailleau est aussi l’un des plus périlleux : celui des idées, dans une formation qui n’en a pas produit énormément depuis la présidence de Nicolas Sarkozy (2007-2012) ou la campagne malheureuse de François Fillon en 2017.

Pour le ministre de l’Intérieur, la priorité est donc d’œuvrer à un « projet de rupture, sur une ligne claire » et pour les « honnêtes gens. » « Il y a un gros travail (à faire) », a-t-il reconnu, lundi sur CNews et Europe 1, avant d’ajouter : « Je ne peux pas dire que la politique ce sont des idées, sans me consacrer totalement à ce combat d’idées et à reformuler un projet pour la France. Le plus dur commence. »

La lecture de ce contenu est susceptible d’entraîner un dépôt de cookies de la part de l’opérateur tiers qui l’héberge. Compte-tenu des choix que vous avez exprimés en matière de dépôt de cookies, nous avons bloqué l’affichage de ce contenu. Si vous souhaitez y accéder, vous devez accepter la catégorie de cookies “Contenus tiers” en cliquant sur le bouton ci-dessous.

La tâche apparaît d’autant plus immense que le corpus idéologique des Républicains semble se rétrécir à chaque scrutin, interne ou non, comme en témoigne cette course printanière centrée exclusivement sur les sujets d’immigration et d’identité. Une compétition où les deux candidats se sont avant tout dit « contre » : contre la gauche, contre les impôts, contre l’accueil des réfugiés ou contre le wokisme. Vaste programme…

Charge donc au nouveau chef, et à la direction du parti, de préparer un projet « pour. » Mais pour ce faire, le Vendéen – et sa ligne conservatrice / libérale, encore marginale dans son camp il y a 10 ans – va devoir ménager différentes sensibilités sur tous les aspects d’un programme présidentiel. En clair : réunir l’aile sociale (incarnée par Xavier Bertrand notamment) et celle plus libérale (portée par David Lisnard), pour ne parler que de ces deux tendances, autour d’un même projet. Et ce, sur les finances, le nouvel ordre mondial, le travail, ou les retraites.

Alliance et leadership ?

Une tâche difficile, qui en cache d’autres. Car en parallèle du travail de fond promis par Bruno Retailleau, d’autres questions sensibles vont irriguer le parti les Républicains dans les prochains mois : celles de l’incarnation pour la future grande élection, et des alliances électorales potentielles. Ces trois enjeux étant sans doute parfaitement liés.

Effectivement, le ministre de l’Intérieur a pris une longueur d’avance évidente (avec son score à 75 %) sur ses potentiels concurrents dans son camp au vu de la présidentielle 2027. Il dissimule d’ailleurs de moins en moins ses ambitions élyséennes, admettant sur CNews/Europe 1 qu’il était désormais « difficile d’imaginer » qu’il ne songe pas à l’élection présidentielle. Reste que les potentiels prétendants à l’investiture LR ne sont pas près de désarmer.

Xavier Bertrand et David Lisnard, sans doute échaudés par le score ronflant du nouveau chef, n’ont pas perdu de temps pour rappeler qu’ils sont plus ou moins dans la course – bien qu’ils aient soutenu l’ancien sénateur face à Laurent Wauquiez. « Ne faisons pas dire à ce scrutin ce qu’il n’a pas dit. Cette élection a permis de désigner le président du parti, pas notre candidat à l’élection présidentielle », souligne par exemple le président de la région Hauts-de-France dans les colonnes des Échos, ce mardi. Soit peu ou prou le même avertissement que le maire de Cannes, la veille, sur France 2.

En creux, c’est aussi la question du positionnement des Républicains sur l’échiquier politique qui ne manquera pas de se poser, à l’heure où il est de plus en plus difficile de distinguer les propositions du parti de droite de celles du Rassemblement national, notamment sur les questions migratoires. Ainsi, Bruno Retailleau promet une indépendance totale et la désignation du candidat LR par les seuls adhérents, quand d’autres préfèrent un processus ouvert, soit en lorgnant du côté des zemmouristes (Laurent Wauquiez)… Soit davantage vers le bloc central (Michel Barnier, par exemple).

Ce qui immanquablement, finira par poser la question de la participation de son parti au « socle commun » soutenant le gouvernement. Une question d’autant plus difficile à solder que c’est bien sa présence au sein de l’attelage formé par François Bayrou qui lui a permis d’attirer la lumière médiatique, et de gagner la bataille face à Laurent Wauquiez. Bruno Retailleau va rapidement faire face à un double défi : ménager à la fois ses idées propres et celles de l’aile sociale de son parti, tout en rendant son action place Beauvau compatible avec le virage identitaire que tente de négocier le président du groupe LR à l’Assemblée, à l’heure où certains dans son propre camp enterrent déjà le macronisme qui lui a permis devenir le premier flic de France. Attention au grand écart, et à la menace de lendemains qui (dé)chantent.

À voir également sur Le HuffPost :

La lecture de ce contenu est susceptible d’entraîner un dépôt de cookies de la part de l’opérateur tiers qui l’héberge. Compte-tenu des choix que vous avez exprimés en matière de dépôt de cookies, nous avons bloqué l’affichage de ce contenu. Si vous souhaitez y accéder, vous devez accepter la catégorie de cookies “Contenus tiers” en cliquant sur le bouton ci-dessous.