Politique

Pourquoi le débat sur l’Ukraine à l’Assemblée a tout de la première manche des européennes

POLITIQUE – Campagne à l’Assemblée. Les députés sont appelés à débattre du soutien de la France à l’Ukraine, ce mardi 12 mars, à l’Assemblée nationale. Ils vont discuter, après les traditionnelles questions au gouvernement, de l’accord de sécurité signé entre Emmanuel Macron et Volodymyr Zelensky mi-février à l’Élysée.

Dans le détail, ce pacte prévoit un appui durable de Paris à Kiev et une « aide militaire » supplémentaire pouvant atteindre 3 milliards d’euros en 2024. Au-delà de cette nouvelle enveloppe, sur laquelle l’Assemblée est amenée à se prononcer (pour un vote consultatif, donc symbolique avant tout), les discussions promettent d’être éruptives au Palais Bourbon.

Réclamé par le président de la République en vertu de l’article 50-1 de la Constitution, le débat a tout, en effet, pour se transformer en terrain d’affrontement politique et devenir ainsi la première manche de la campagne des élections européennes à moins de trois mois du scrutin.

La majorité fait de l’Ukraine (et la Russie) un enjeu clé

Cela fait plusieurs semaines que le camp présidentiel donne le ton. Depuis qu’Emmanuel Macron a replacé la question ukrainienne au cœur du débat politique français, en n’excluant pas l’envoi de troupes au sol (pas forcément combattantes), ses soutiens – le Premier ministre en tête – ne loupent pas une occasion de viser le Rassemblement national, ses liens avec la Russie, et sa mansuétude à l’égard de Vladimir Poutine.

Samedi dernier, encore, Gabriel Attal a livré un réquisitoire implacable du parti d’extrême droite lors du meeting de lancement de la majorité autour de Valérie Hayer à Lille. « Pour le RN face à la Russie, toutes les mollesses, toutes les faiblesses sont bonnes », a-t-il par exemple asséné depuis la tribune, en insistant sur le danger de la formation lepéniste, qui « danse avec des néonazis » et dit « niet » à l’Europe.

Quelques jours auparavant, il accusait Marine Le Pen et ses élus de constituer « les troupes de Poutine en France », depuis l’Assemblée. Même lieu, même ambiance ce mardi ? Le débat, assume-t-on au sein du camp présidentiel, doit en tout cas servir à débusquer de nouveau le Rassemblement national (largement en tête dans les sondages pour les européennes) et, plus globalement, pousser chaque parti à un « moment de vérité. »

« Les gens doivent savoir pour qui ils votent », résumait en ce sens le président macroniste de la commission des lois Sacha Houlié, lundi sur Sud Radio, en anticipant la position « exprimée mardi par le Rassemblement national sur l’accord de sécurité franco ukrainien », comme un signe supplémentaire de leur « participation au système d’ingérence russe. »

L’opposition cible la stratégie de Macron

Autant d’arguments qui laissent entrevoir des discussions houleuses au Palais Bourbon (et dans une moindre mesure au Sénat, le lendemain.) D’autant plus que les oppositions ne se privent pas en retour pour fustiger la stratégie du chef de l’État, concernant les élections européennes et l’Ukraine.

À droite, Éric Ciotti accuse Emmanuel Macron « d’exploiter » le conflit à des fins électorales en « installant un duel » avec le Rassemblement national. Une stratégie « honteuse, indigne et pitoyable », selon ses mots, dimanche 10 mars, sur les réseaux sociaux, que ses troupes ne manqueront pas de fustiger ce mardi à l’Assemblée.

À gauche, on reproche surtout au chef de l’État une posture « va-t’en guerre » dangereuse. Les chefs socialistes, insoumis, communistes et écologistes sont sortis courroucés de leur rendez-vous avec Emmanuel Macron jeudi dernier, lors duquel le président de la République a expliqué que le soutien à l’Ukraine devait se faire sans « aucune limite. » « Inquiétant » et « viriliste », jugeait par exemple la secrétaire nationale des écologistes Marine Tondelier au sortir de l’Élysée.

Dans ce contexte, le RN, LFI et le PCF ont exprimé des « lignes rouges » qui rendent difficilement envisageables leur soutien formel à la déclaration de Gabriel Attal. La « perspective de l’adhésion de l’Ukraine à l’Otan » en est une, parmi d’autres. Le résultat du vote (non contraignant) de cet après-midi pourrait donc être plus serré qu’attendu. Mais est-ce là le plus important ?

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