Politique

Pourquoi le nouveau gouvernement met-il autant de temps à être nommé ?

POLITIQUE – Depuis un an, la France s’est habituée à vivre sans gouvernement. Après la longue période de latence à l’été 2024, en plein Jeux olympiques, le pays est de nouveau plongé dans un épais brouillard. Malgré la nomination à Matignon de Sébastien Lecornu le 9 septembre, soit vingt-quatre heures après la chute de son prédécesseur, tous les ministres sont démissionnaires et aucune date n’est avancée pour la nomination du prochain gouvernement.

Ce qui donne lieu à des scènes ubuesques, comme le 13 septembre à Mâcon (Saône-et-Loire), où le Premier ministre était entouré de ministres de la précédente équipe gouvernementale (Catherine Vautrin, Yannick Neuder…) comme si de rien n’était. Ils ne sont pourtant chargés que de gérer les « affaires courantes ».

Plusieurs raisons expliquent cette nomination tardive. D’abord Sébastien Lecornu s’est lancé dans de laborieuses consultations. Il a convié rue de Varenne l’ensemble des forces politiques représentées au Parlement ; seule La France insoumise a refusé de s’y rendre. Objectif : tenter de faire comme si un nouveau chapitre s’écrivait et que de nouvelles têtes pouvaient venir grossir les rangs gouvernementaux. Or le Parti socialiste et les Écologistes ont fait savoir qu’il ne fallait pas compter sur eux, tout comme le RN et LFI, à qui la proposition n’a de toute façon pas été faite.

Selon les informations distillées ici ou là dans la presse, l’heure n’est pas (encore) au casting. Sébastien Lecornu attend le retour d’Emmanuel Macron de New York, où il participera à l’Assemblée générale de l’ONU du 22 au 25 septembre, pour s’attaquer au chantier du casting. Tout l’enjeu va être de matérialiser les promesses de « rupture », formulées par le Premier ministre lors de la passation de pouvoir le 10 septembre, en puisant dans le même vivier (le socle commun). Ainsi, plusieurs observateurs s’attendent à voir nombre d’anciens ministres reconduits dans leur fonction. Imagine-t-on Bruno Retailleau quitter l’Intérieur, Gérald Darmanin la Justice et Jean-Noël Barrot les Affaires étrangères ? L’hiver dernier, le remplacement de Michel Barnier par François Bayrou n’avait quasiment rien changé aux grands équilibres.

L’échéance de la DPG

Le Premier ministre aimerait toutefois faire entrer de nouveaux talents, parmi lesquels des députés. Se pose alors la question du timing pour annoncer leur nomination. Car les 1er et 2 octobre, l’Assemblée nationale procède au renouvellement de ses postes clés (vice-présidents, questeurs, secrétaires…). Le « bloc central » espère bien grappiller des postes, mais surtout en laisser quelques-uns au RN, alors que la formation d’extrême droite en est aujourd’hui exclue. Sauf que si Sébastien Lecornu décide de nommer son gouvernement avant le 1er octobre, en recrutant à l’Assemblée, alors ce seront autant de voix manquantes pour peser sur la répartition des postes clés. Avec le risque de voir la gauche s’imposer. Car les députés nommés au gouvernement ne sont remplacés par leur suppléant qu’un mois plus tard.

Une information sortie par La Tribune Dimanche le 14 septembre a fait grand bruit en révélant une « règle » fixée à Matignon : « Pas de battus aux élections législatives » dans le nouveau gouvernement. Si cela n’a été ni confirmé ni démenti par l’entourage du Premier ministre, cinq anciens ministres, défaits en 2022 ou en 2024, seraient concernés : Manuel Valls (Outre-mer), Laurent Saint-Martin (Commerce extérieur), Patrick Mignola (Relations avec le Parlement), Patricia Mirallès (Anciens combattants) et Amélie de Montchalin (Comptes publics).

Reste une question : Sébastien Lecornu peut-il prononcer sa déclaration de politique générale (DPG), prévue début octobre, sans doute le 2, sans gouvernement ? Formellement, rien ne l’en interdit puisque la Constitution n’oblige même pas un nouveau Premier ministre à se soumettre à l’exercice de la DPG : il s’agit simplement d’une tradition républicaine. Mais dans les faits, il semble compliqué pour un Premier ministre d’exposer devant les députés son programme de gouvernement… S’il n’a pas de gouvernement en exercice.