Politique

Pourquoi le témoignage de la fille de François Bayrou n’enlève rien au volet politique de Bétharram

POLITIQUE – Soupçonné d’avoir lui aussi entretenu l’omerta autour des violences à Bétharram, François Bayrou fait désormais partie des familles des quelque 200 victimes. Dans un témoignage à Paris Match et dans un livre signé d’Alain Esquerre, Le silence de Bétharram (éd. Michel Lafon), à sortir ce jeudi 24 avril, sa fille Hélène Perlant livre un récit des coups et de l’humiliation subis lors d’un camp d’été organisé par la congrégation de l’établissement.

Depuis assure-t-elle, elle est « restée trente ans dans le silence », et son père n’a pris connaissance des détails que cette semaine. De quoi confirmer le premier argument que François Bayrou martèle depuis des mois : « croyez-vous que nous aurions scolarisé des enfants dans des établissements dont il aurait été soupçonné qu’il s’y passe des choses de cet ordre ? ».

En filigrane, le témoignage d’Hélène Perlant repose aussi la question des responsabilités politiques. Si elle dit s’être tue pour « protéger » son père « très intriqué politiquement, localement », « des coups politiques qu’il se prenait », elle insiste sur le « déni individuel et collectif ». François Bayrou, très ému face à la presse ce mercredi 23 avril, l’a lui-même évoqué dans une prise de parole : « que des dérives de cet ordre aient eu lieu, c’est presque insupportable, en tant que responsable public ».

« J’ai fait tout ce que je devais faire »

Une réaction qui fait écho au système autour de Bétharram dénoncé par Alain Esquerre dans son livre : « À l’époque tous ceux qui défendent la cause des enfants sont rabroués », écrit-il. Et le lanceur d’alerte d’insister quelques pages plus tard sur l’influence majeure de la Congrégation de Bétharram en raison de son hyperproximité avec le Vatican. De François Bayrou, il est persuadé qu’il « ignorait tout du système pédocriminel », des « agressions qui touchent moins les notables que les prolétaires », mais qu’il savait en revanche pour les violences physiques. « Tout le monde savait. Les notables, les prolétaires, les politiques. Les adultes comme les enfants ».

Devant la commission le 14 mai, François Bayrou n’aura d’autre choix que de se montrer particulièrement clair sur l’ampleur des informations dont il disposait et à quel moment, lui qui assurait mi-février, aux côtés des victimes : « J’ai fait tout ce que je devais faire quand j’étais ministre. Et j’ai fait tout ce que je pensais devoir faire quand je ne l’étais plus ». Car outre avoir été ministre de l’Éducation nationale à la fin des années 90, le locataire de Matignon est un pilier local : député, maire, il a aussi siégé pendant 25 ans au conseil général des Pyrénées-Atlantiques et a occupé des fonctions au sein de Bétharram.

François Bayrou impliqué dans la vie de l’établissement

Aux dénégations du Premier Ministre se heurtent encore des contradictions et des témoignages. Comme l’a révélé Libération, François Bayrou est choisi en 1985 par la région Aquitaine pour siéger au sein du Conseil d’administration de Bétharram. La façon dont il a assuré ce mandat demeure floue, mais une gazette expurgée par le quotidien relate sa présence régulière à des événements, y compris aux côtés du père Carricart, accusé de viols. Le même François Bayrou qui disait : « Ma femme connaissait le père Carricart, mais je ne connais pas tous ceux que ma femme connaît. »

L’épouse du Premier ministre a, elle, donné des cours de catéchisme au sein du collège-lycée. Or sous serment devant la commission, l’enseignante Françoise Gullung décrivant des enfants « dans un état de fatigue extrême », a raconté qu’en arrivant un jour dans un couloir, où elle croisait Élisabeth Bayrou, elle a entendu un adulte hurler et donner des coups à un élève. L’enseignante explique que l’épouse du Premier ministre, qui n’a eu aucune réaction, lui avait été présentée quelques semaines auparavant : « C’était l’image de Bétharram, le faire-valoir ».

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« Il m’a simplement dit : “mais on exagère” »

Malgré ses dénégations premières, François Bayrou a finalement reconnu auprès du Monde qu’il y avait bien « des rumeurs de claques ». En réalité, il y a eu des signaux très sérieux. Françoise Gullung explique avoir envoyé un courrier d’alerte directement à François Bayrou, avant de le solliciter en personne en mars 1995 à l’occasion d’une cérémonie : « Il m’a simplement dit : “mais on exagère’’ ».

Deux ans plus tard, le ton a changé et c’est un François Bayrou beaucoup plus inquiet qui vient solliciter le juge Mirande. Auditionné lui aussi sous serment par la commission, le magistrat a instruit cette année-là la première plainte pour viols visant le père Carricart, directeur de l’établissement. Selon le récit qu’il a livré aux députés, le Béarnais est venu le voir chez lui pour le questionner : « Il ne m’a parlé que de son fils, il n’arrivait pas à croire à la réalité de ces faits. Il répétait, je m’en souviens bien : « C’est incroyable, c’est incroyable » ». Après avoir un temps réfuté cet échange, le Premier ministre n’a finalement admis qu’une rencontre fortuite entre voisins.

Le 14 mai, c’est un autre témoignage sous serment qui devrait également focaliser l’attention des députés. L’un des gendarmes qui a auditionné le père Carricart, assure que lorsqu’il l’emmène devant le juge d’instruction, Mirande lui répond : « La présentation est retardée, le procureur général veut voir le dossier. Il y a eu une intervention de Monsieur Bayrou ». Soit potentiellement une intervention directe dans un dossier judiciaire. Si le magistrat ne s’en souvient pas, il a assuré avoir toute confiance dans le gendarme. François Bayrou face à cet élément n’a pas changé de mode de défense : « Les juges et les gendarmes, vous savez, ça se trompe comme les autres ». Comme tout le monde.

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