Politique

Pourquoi le vote du Sénat sur le Ceta est piégeux pour l’exécutif (même sans contrainte)

POLITIQUE – Entre campagne européenne et crise agricole, l’examen ce jeudi 21 mars au Sénat du traité de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada baptisé Ceta donne des sueurs froides au gouvernement, avec un possible rejet qui mettrait en péril la ratification de cet accord décrié. Mais plus que des conséquences concrètes, le risque se trouve surtout sur le plan politique.

« Un coup de tonnerre politique » : voilà comment le groupe communiste présente le débat qui attend la chambre haute à partir de 10 h 30 ce jeudi, avec l’hypothèse d’une alliance gauche-droite de circonstance pour rejeter ce traité appliqué provisoirement depuis 2017, mais jamais complètement ratifié par la France.

Les sénateurs communistes ont rivalisé d’ingéniosité pour en arriver là. Fait rarissime au Parlement, ils ont inscrit dans leur temps parlementaire réservé non pas une de leurs propositions de loi, mais un projet de loi du gouvernement autorisant ce dernier à ratifier ce fameux « Comprehensive Economic and Trade Agreement », le Ceta donc.

Voté en 2019 à l’Assemblée… et puis plus rien

Le Ceta supprime notamment les droits de douane sur 98 % des produits échangés entre l’Union européenne et le Canada. Il est fortement critiqué, notamment par les éleveurs français qui épinglent des importations de viande à des coûts de revient bien inférieurs aux leurs et produite avec des méthodes moins strictes que celles auxquelles ils sont soumis.

Signé en 2016, adopté en 2017 à l’échelle européenne, le Ceta a été validé de justesse à l’Assemblée nationale en 2019, suscitant un nombre d’abstentions record pour l’époque dans les rangs macronistes. Dans la foulée, le gouvernement n’a jamais saisi le Sénat, une étape pourtant nécessaire dans le processus.

« Depuis 2019, le gouvernement poursuit son déni de démocratie en refusant de l’inscrire ici parce qu’il sait très bien qu’il pourrait se dégager une majorité contre le texte », s’indigne le communiste Fabien Gay. Les écologistes, les socialistes et une grande partie de la droite sénatoriale, premier groupe à la Chambre haute, sont en effet opposés à ce traité. « Il y a encore eu un mépris du Sénat et du Parlement et ça, on n’a pas oublié », pointe d’ailleurs le chef de file des Républicains, Bruno Retailleau.

Le gouvernement peut certes compter sur soutien du groupe de l’Union centriste d’Hervé Marseille (UDI), mais il reconnaît que cette mobilisation risque de ne pas suffire. « On est un peu court » en termes de voix, glissait mardi une source ministérielle, sans s’avancer sur la stratégie que le gouvernement adoptera en cas de rejet.

Le risque d’envoyer un « signal ravageur » pour la France dans l’UE

Un refus sénatorial entraînerait un nouvel examen à l’Assemblée nationale, avec là aussi un sérieux risque de rejet. Si un Parlement national acte la non-ratification du traité, cela remet en cause son application provisoire à l’échelle de toute l’Europe… à condition néanmoins que le gouvernement français notifie à Bruxelles la décision de son Parlement, ce qu’il n’est pas tenu de faire. Sans notification, l’accord continue à s’appliquer.

Alors pourquoi ces inquiétudes au sommet de l’État ? L’enjeu est avant tout politique, dans un contexte d’élections européennes. A fortiori avec la crise agricole qui traverse l’Europe et alors que la question des traités de libre-échange s’est imposée. La France avance prudemment et soutient certains accords (avec le Chili par exemple), mais s’oppose à celui du Mercosur. Un rejet du Parlement ne ferait que compliquer cette progression de funambule : « Ça deviendrait compliqué d’être audible, expliquait lundi un conseiller gouvernemental au site Politico. À Bruxelles, ils se diront que les Français sont de toute façon contre tous les traités, même quand il est bon. »

Le ministre délégué au Commerce extérieur, Franck Riester craint de la même manière d’envoyer « un signal ravageur à nos partenaires européens » et dénonce « l’instrumentalisation » des oppositions en pleine crise agricole. Plusieurs syndicats et associations ont appelé à un rassemblement aux abords du Sénat jeudi matin pour s’opposer au Ceta, auquel La France insoumise a annoncé participer.

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