Politique

Pourquoi l’élection de Yaël Braun-Pivet ne dissipe pas le brouillard autour du gouvernement

POLITIQUE – L’élément de langage avait été transmis à la presse le soir du 7 juillet, après le résultat des élections législatives qui n’ont, en réalité, pas clarifié grand-chose. Emmanuel Macron « attendra la structuration de la nouvelle Assemblée nationale pour prendre les décisions nécessaires ». Comprendre : il choisira son Premier ministre en fonction des rapports de force qui se dessineront au Palais Bourbon, à travers notamment la distribution de postes à responsabilités.

Or, avec la reconduction de Yaël Braun Pivet à la présidence de l’Assemblée nationale, obtenue grâce à un accord avec Laurent Wauquiez et la droite, c’est d’abord le statu quo qui s’impose. Car il paraît bien difficile de convertir l’élection au Perchoir en projet de gouvernement. À première vue, on pourrait se dire que l’alliance de circonstance entre la droite et la Macronie offre au camp présidentiel l’opportunité de continuer comme avant la dissolution. C’est-à-dire gouverner (à droite) en comptant sur l’appui des élus LR dans le cadre d’une majorité relative.

Les comptes ne sont pas bons

Au-delà du risque d’une illisibilité politique liée à la noce avec un parti politique qui n’a pas appelé au barrage républicain au second tour des législatives anticipées, cette possibilité se heurte à deux obstacles. Le premier est comptable. En additionnant les forces du camp présidentiel aux troupes de Laurent Wauquiez à l’Assemblée, on obtient 213 députés. Très loin, donc, d’une majorité absolue, et un contingent inférieur à ce que comptabilisait la Macronie, à elle seule, avant la dissolution : 246 élus.

Autre difficulté, et non des moindres, Les Républicains canal historique ont annoncé qu’ils refusaient toute coalition et représentation au gouvernement. Raison pour laquelle ils se sont inscrits comme appartenant à l’opposition à l’Assemblée nationale. Ainsi, si la reconduction de Yaël Braun-Pivet au Perchoir a été possible sur fond d’accord avec la droite, il s’agissait, surtout, de faire barrage au Nouveau Front populaire, afin de neutraliser le bloc de gauche arrivé en tête aux législatives. « Nous n’allions pas faire élire un communiste à la tête de l’Assemblée nationale », a assumé sur Europe 1 la députée LR Annie Genevard, impliquée dans le deal entre son parti et le camp présidentiel, puisqu’une vice-présidence lui a été promise en échange du retrait du candidat de son camp, Philippe Juvin.

Impasse à gauche

De l’autre côté de l’hémicycle, la gauche continue de revendiquer Matignon et somme Emmanuel Macron de se tourner vers le NFP. « Nous attendons qu’il nous appelle », a déclaré dans la soirée Marine Tondelier, opposant les voix obtenues « sans projet » par Yaël Braun-Pivet au score d’André Chassaigne. « Elle fait 220 voix, mais nous n’avons un projet à 213 voix », a fait valoir la cheffe de file des écologistes. De quoi inciter le chef de l’État à se tourner vers la gauche ? Nous n’y sommes pas encore. Voire pas du tout.

Premièrement, parce que la gauche n’a toujours pas de nom à proposer. Pire, en plus de s’opposer sur le profil idéal, les membres du NFP commencent à s’écharper sur le mode de désignation du candidat au poste. Autre difficulté pour la gauche, l’élection de Yaël Braun-Pivet révèle que le NFP n’a pas réussi à s’élargir considérablement puisqu’André Chassaigne n’a pas fait beaucoup plus que les 193 voix des députés de gauche.

Ce qui place la coalition dans une situation délicate, au point que certains commencent à laisser entendre publiquement qu’ils feraient mieux sans La France insoumise, épouvantail brandi par le camp présidentiel. « Quand on annonce d’emblée qu’on ne cherchera aucun élargissement, que ceux avec lesquels on pourrait s’associer devront se rallier, quand on insulte ses partenaires, ne soyons pas surpris que d’autres s’organisent pour constituer des majorités », déplore ce vendredi 19 juillet la sénatrice socialiste Laurence Rossignol, en référence à la position intransigeante de la formation mélenchoniste (et sur laquelle mise Emmanuel Macron pour percer la gauche).

Dans ce contexte, et alors que l’alliance de gauche aurait vu sa légitimité à revendiquer Matignon renforcée en cas d’élection d’André Chassaigne, difficile d’imaginer le chef de l’État accéder à la demande du NFP de former un gouvernement. Avec la victoire négociée de Yaël Braun-Pivet, Emmanuel Macron voit donc l’hypothèse du statu quo se dessiner devant lui, y compris pour la formation d’un gouvernement qui théoriquement, pourrait demeurer macroniste. Au prix d’une alliance inavouée avec Laurent Wauquiez lui offrant une majorité (très) fragile et à l’issue d’une dissolution qui aura surtout produit une progression historique de l’extrême droite dans l’hémicycle. Le tout, en donnant l’impression de s’accrocher au pouvoir après deux défaites électorales. Le brouillard demeure.

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