Politique

Pourquoi les confessions de Bardella dans « Une ambition intime » tombent si mal pour le RN

POLITIQUE – Disons-le d’emblée. Une ambition intime, sur M6, n’est pas un vraiment un rendez-vous redouté des écuries politiques. Le programme présenté par Karine Le Marchand, de retour ce dimanche 1er juin sur M6, participe à la « pipolisation » de la vie politique. Ce cadrage particulier qui met les idées au second plan, au profit de la description souvent tire larmes du parcours forcément singulier de ceux qui aspirent au pouvoir.

C’est donc dans ce format bienveillant que Jordan Bardella, qui n’a connu comme activité professionnelle que la vie politique depuis sa sortie de l’adolescence, est invité à s’ouvrir sur son parcours. Qu’importe que le président du RN n’ait pas encore fêté ses 30 ans ou que son ascension se résume à la trajectoire hors normes d’un apparatchik, c’est bien lui qui était désigné par son parti politique pour entrer à Matignon en cas de victoire aux législatives en juin 2024. Ce qui, de facto, a fait entrer l’eurodéputé dans une autre dimension.

Au point de se retrouver au centre des spéculations depuis la condamnation de la (vraie) patronne du RN, Marine Le Pen, dans l’affaire des assistants parlementaires. Frappée d’une inéligibilité avec exécution provisoire en première instance, la présidente du groupe du RN doit désormais composer avec ce qui était inimaginable dans ce parti si centralisé : l’existence d’une alternative pour la présidentielle. Qui plus est d’une alternative qui ne s’appelle pas Le Pen.

Le plan B crée des tensions

Cela se traduit, mécaniquement, par des tensions en interne. Dans la presse, comme ici dans L’Express, les récits dessinant les contours d’un affrontement larvé entre « marinistes » et « bardellistes » se multiplient. Récemment, c’est la commande d’un sondage présidentiel centré sur l’eurodéputé qui a provoqué la colère de la fille de Jean-Marie Le Pen. Une opposition latente par ailleurs dopée par un début d’émancipation politique de la part de Jordan Bardella, qui assume un positionnement de droite, à rebours de la position traditionnelle du parti d’extrême droite, fier de se présenter devant les électeurs en répétant ce classique : « ni droite, ni gauche. Front national ».

Dès lors, le passage en majesté du président du RN sur le divan de Karine le Marchand a tout pour nourrir les rancœurs, voire les craintes, de ceux qui ne veulent pas entendre parler d’autre chose que d’une candidature de Marine Le Pen en 2027. « Jordan Bardella nous paraissait incontournable pour présenter la relève politique », a d’ailleurs justifié l’animatrice.

Or, c’est justement la tentation de présenter si tôt Jordan Bardella comme le plan de secours en cas d’empêchement de Marine Le Pen qui provoque des crispations en interne. Lesquelles peuvent aussi rejaillir en public. Depuis la Nouvelle-Calédonie, la députée du Pas-de-Calais s’est fendue d’un double recadrage à distance. En revendiquant, d’abord, sa place de candidate pour la prochaine présidentielle et en faisant, ensuite, la leçon à son dauphin sur les dossiers ultramarins.

« Je ne suis pas sûre que Jordan, pour le coup, connaisse très bien les problèmes de la Nouvelle-Calédonie », a-t-elle lâché, affirmant que l’intéressé avait « la stature pour être Premier ministre ». Pas plus. Du moins dans un premier temps. « Si je ne peux pas être candidate, évidemment que Jordan Bardella sera candidat à la présidentielle », a-t-elle réajusté ensuite. Si Jordan Bardella, qui affiche en une de Valeurs actuelles son envie de « jouer un rôle en 2027 », a minimisé la violence du tacle, l’épisode témoigne d’un raidissement entre la cheffe et son bras droit, à l’heure où certains en interne jugent irresponsable d’attendre l’été 2026 (et une éventuelle clémence en appel qui est loin d’être acquise) pour mettre Jordan Bardella sur orbite.

Le RN va-t-il faire la promo de l’émission ?

Pourtant, le pack autour de présidente du groupe RN tient bon. Du moins, pour l’instant. « À l’Assemblée, dans les couloirs, on voit que les marinistes revendiqués ne sont pas bien et qu’ils sont inquiets. Ils se disent que si c’est Bardella, c’est fini pour eux, ils n’en veulent pas », s’amuse auprès du HuffPost un député LR, citant notamment Jean-Philippe Tanguy parmi les « fébriles » qu’il pense déceler. Pendant ce temps, les figures médiatiques du RN assurent publiquement que tout va pour le mieux entre les deux têtes d’affiche. « Cela va très bien », a insisté ce dimanche Sébastien Chenu sur RTL.

Auprès du HuffPost, un mariniste influent assure même qu’il sera devant son poste pour suivre les confessions de Jordan Bardella ce dimanche. « C’est un élément positif pour rapprocher les Français de la vie politique. Je vais donc regarder avec intérêt », promet-il, sans pour autant assurer la promotion de l’événement comme c’était le cas lors du passage de sa championne en 2021. On a, effectivement, connu plus enthousiaste.

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