Politique

Pourquoi l’exemple espagnol pourrait inspirer les députés français

POLITIQUE – Un peu de Madrid à Paris ? Outre l’Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas ou encore la Suède, l’Espagne fait partie de nos voisins européens régulièrement cités comme exemple dans le cas d’un scénario sans majorité absolue, comme celui sorti des urnes le 7 juillet.

L’actuel Premier ministre Pedro Sánchez gouverne depuis plusieurs années avec une coalition de gauche pourtant minoritaire. Une situation qui, à plus d’un titre, pourrait éclairer le contexte français, alors que le pays est toujours en attente de la nomination d’un Premier ministre et de la formation d’un gouvernement après les élections législatives.

D’abord parce que les Espagnols n’ont pas plus dans leurs habitudes la culture du compromis et des coalitions sans majorité absolue que les Français. La démocratie quadragénaire se retrouve également dans une situation inédite lors des élections législatives de 2019, qui pousse Pedro Sánchez, Premier ministre socialiste depuis 2018, à s’associer avec Unidas Podemos, parti radical de gauche.

« Tout le monde en Espagne en 2019 se disait que cela n’était pas possible, que ça ne tiendrait pas, » explique au HuffPost Carole Viñals. « Pourtant, avec deux gouvernements de coalition, un en 2019 et un en 2023, ça fonctionne depuis quatre ans », rappelle la spécialiste de l’Espagne contemporaine, maîtresse de conférences à l’université de Lille.

« Gouvernement Frankenstein »

La presse sceptique donnait alors le surnom peu flatteur de « gouvernement Frankenstein » à la coalition, photomontage à l’appui. « C’est comme en France, c’est-à-dire qu’entre le parti socialiste et la gauche plus radicale, les rapports sont rarement très bons. À l’époque entre Pablo Iglesias et Pedro Sánchez, les rapports étaient même assez mauvais politiquement parlant », relate l’universitaire.

Des désaccords de fond qui ne sont pas sans rappeler les divergences sur certains sujets entre le PS et LFI, dénoncées par leurs opposants. Ils n’ont pas pour autant empêché l’alliance espagnole d’être prolifique une fois au pouvoir, comme l’explique Carole Viñals : « Ils ont passé 176 lois, c’est énorme, dont beaucoup sont des avancées sociales. » Parmi elles, des mesures emblématiques comme la légalisation de l’euthanasie, la durée égale des congés paternité et maternité ou encore la loi de « mémoire démocratique » qui réhabilite les victimes de la dictature franquiste.

En 2023, Pedro Sánchez tente un coup de poker et convoque des élections anticipées, après la débâcle des socialistes et la progression de l’extrême droite aux municipales et aux régionales. Bien que les conservateurs du Parti Populaire (PP) remportent 136 sièges sur les 350 composant le congrès des députés, c’est bien le parti socialiste de Pedro Sánchez qui dispose de 122 députés qui forme une coalition avec Sumar, son nouvel allié de gauche radicale.

Les alliances plus importantes que le nombre de sièges

« Ce que dit le cas de l’Espagne, c’est que ce qui permet de gouverner, ce n’est pas le nombre de sièges obtenu, mais les alliances et la capacité de négocier avec les autres formations », estime Carole Viñals. Un enseignement qui pourrait faire office d’avertissement au Nouveau Front populaire (NFP), l’union de la gauche arrivée en tête, mais aussi d’encouragements au camp présidentiel Ensemble qui se place en deuxième position en nombre de députés.

Si l’exemple espagnol d’une coalition de gauche minoritaire appelle à faire une comparaison immédiate avec le NFP, ce dernier est actuellement embourbé dans les négociations pour proposer un Premier ministre. L’analogie peut se heurter à une différence de taille, selon Carole Viñals : « La gauche espagnole a une espèce de figure de proue qui est Pedro Sánchez, qui a quand même ses 120 députés, qui est le deuxième plus gros parti. Alors qu’on l’aime ou qu’on ne l’aime pas, on peut quand même se rapprocher de lui. En France à gauche, c’est plus difficile de trouver une personnalité similaire, » suppose-t-elle.

Il n’empêche, la maîtresse de conférences tire un enseignement majeur de l’exemple madrilène : « Ce que le cas de l’Espagne a démontré c’est que, quand c’est nécessaire, qu’il n’y a pas d’autre solution, on finit toujours par faire une alliance, parce qu’il y a l’intérêt général. L’incroyable en 2019 a fini par devenir une réalité en Espagne. » Un chemin que la France pourrait bien, elle aussi, emprunter pour sortir de la crise.

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