Pourquoi l’extrême droite française s’est si vite emparée de la mort de Charlie Kirk
POLITIQUE – « Nous sommes Charlie. » Non, le député Rassemblement National Thibaut Monnier, proche de Marion Maréchal, ne fait ici pas référence à l’attentat contre Charlie Hebdo mais bel et bien à l’influenceur américain Charlie Kirk, figure du mouvement MAGA et proche de Donald Trump, assassiné sur un campus de l’Utah. Une émotion affichée par une grande partie de l’extrême droite et qui n’est pas dénuée d’opportunisme.
Certains des idéaux et prises de positions de Charlie Kirk font écho à ceux de l’extrême droite française. Outre sa vision traditionaliste de la famille et des rapports entre les hommes et les femmes ou ses déclarations xénophobes, le militant conservateur fait partie de ceux qui ont refusé de reconnaître la défaite de Donald Trump en 2020… Tout comme Marine Le Pen, dans les heures qui avaient suivi l’annonce des résultats.
Ce jeudi 11 septembre, les élus et responsables des partis les plus à droite de l’échiquier politique ont donc immédiatement réagi à l’attaque contre l’influenceur. « Prions pour qu’il survive ! » a par exemple écrit le président de Reconquête Éric Zemmour, avant que la mort soit confirmée par Donald Trump lui-même. Des hommages que l’on retrouve également au Rassemblement national et chez ses alliés, avec tous un point commun : la mention d’une « extrême gauche » déjà jugée responsable de cet assassinat.
« L’extrême gauche woke », coupable toute désignée
Car derrière les messages de soutien classiques après un décès et ce, qu’importe le positionnement politique de la victime, ce meurtre a surtout permis aux conservateurs français d’ériger une nouvelle fois leurs opposants de gauche comme les seuls capables de violence politique, et donc responsables d’un présumé chaos.
« La rhétorique déshumanisante de la gauche et son intolérance alimentent la violence politique. Plus personne ne peut ignorer ce poison qui ronge nos sociétés démocratiques », écrit ainsi sur X Jordan Bardella. Plusieurs députés ont suivi le président du parti lepéniste. « Nous sommes tous désormais les cibles de l’extrême gauche woke, prête à tous les assassinats politiques pour anéantir notre civilisation. Le martyr de Charlie Kirk (…) doit aussi provoquer un électrochoc pour nous Français et Européens ! Soit nous combattons, soit nous disparaîtrons », écrit Thibaut Monnier. « L’extrême gauche tue », abonde Matthias Renault. Un message également relayé par le président UDR Éric Ciotti.
Sur X, Marion Maréchal en a profité pour faire un lien avec les manifestations du 10 septembre. « On l’a encore vu aujourd’hui dans nos rues, y compris avec des agressions physiques : ici comme aux États-Unis, la gauche radicale veut la guerre civile », accuse l’eurodéputée ex-zemmouriste. Et ce, alors même que le mouvement de contestation national est avant tout citoyen, né indépendamment de toute organisation politique et syndicale, même si l’ensemble gauche l’a soutenu.
Allant plus loin dans la récupération, l’eurodéputée Reconquête Sarah Knafo a de son côté réclamé la remise à titre posthume du Prix Sakharov à Charlie Kirk. Pourtant, cette disctinction du Parlement européen honore des personnalités pour leurs actions dans « la défense des droits humains et des droits fondamentaux, en particulier la liberté d’expression, la sauvegarde des droits des minorités, le respect du droit international, le développement de la démocratie et la défense de l’État de droit ». Pas exactement le profil de l’influenceur MAGA, qui avait qualifié la fin de la ségrégation raciale aux États « d’énorme erreur ».
En accusant directement « l’extrême gauche », les responsables français les plus à droite se placent directement dans les pas de Donald Trump. « Depuis des années, la gauche radicale compare des Américains formidables comme Charlie aux nazis et aux pires criminels et meurtriers de masse du monde. Ce genre de rhétorique est directement responsable du terrorisme que nous connaissons aujourd’hui dans notre pays, et cela doit cesser immédiatement », a immédiatement accusé le président américain dans une vidéo publiée sur son réseau Truth Social.
Des propos qui ressemblent très fortement à ceux de président du Rassemblement national et qui ne sont, à ce stade de l’enquête, étayés par rien : les deux suspects interpellés ont été relâchés, aucune revendication n’a été émise et les investigations suivent leurs cours. En outre, ces indignations passent sous silence l’augmentation spectaculaire de la violence politique aux États-Unis depuis l’émergence de Donald Trump dans le débat public. Une violence dont sont aussi victimes des responsables de la gauche, à l’image de l’élue démocrate du Minnesota Melissa Hortman, tuée sur fond de tensions en lien avec l’IVG dans cet État symbolique.
Dans ce déferlement de condamnations et surtout d’accusations, la réaction de Marine Le Pen s’est fait attendre. La triple candidate à l’Élysée a finalement dénoncé sur X « une horreur, dans un monde marqué par une violence contre les politiques de plus en plus décomplexée. » « Mais peut-être le plus atroce et le plus inquiétant est que certains sur des chaînes de télévision françaises justifient ces assassinats politiques. L’ARCOM a sûrement d’autres journalistes de CNEWS à fouetter », a-t-elle écrit, s’en prenant de nouveau au régulateur des médias. Mais la cheffe de file lepéniste, de plus en plus embarrassée par la proximité avec les trumpistes, s’est cependant gardée de toute accusation trop hâtive, contrairement à son poulain Jordan Bardella.



