Politique

Que vaut l’argument de « stabilité institutionnelle » évoqué par Macron pour refuser le NFP à Matignon

POLITIQUE – Au nom de la Constitution. Le président de la République est sorti du silence, lundi 26 août, après un premier tour de concertations à l’Élysée. Résultat : Il n’est pas possible, selon lui, de nommer Lucie Castets, la candidate du Nouveau Front populaire, à Matignon et de nouvelles discussions s’imposent avec les partis.

Pour se justifier, un mois et demi après le résultat des élections législatives, Emmanuel Macron explique que « la stabilité institutionnelle de notre pays » – dont il est le « garant », dans son rôle « d’arbitre » – « impose de ne pas retenir cette option ». « L’alliance regroupant le plus de députés, le NFP, serait immédiatement censurée », insiste le palais présidentiel dans son communiqué lundi soir.

Autant d’arguments qui ulcèrent les partis de gauche. Pour le socialiste Olivier Faure, le chef de l’État cherche avant tout à être « garant de sa propre stabilité » en gardant la main sur Matignon pour perdre le moins de pouvoir possible. « Un vrai problème démocratique », selon lui et les différents dirigeants du Nouveau Front populaire. Mais qu’en est-il vraiment ?

Que dit la Constitution ?

En dépit de la colère qui s’exprime à gauche, le discours d’Emmanuel Macron ne sort pas foncièrement des clous constitutionnels. « Il n’y a rien de choquant dans l’argumentaire déployé par le président », analyse en ce sens le professeur de droit public Bertrand-Léo Combrade au HuffPost, puisqu’il « se fonde tout simplement sur la Constitution et sur son article 5. »

Celui-ci dispose que le locataire de l’Élysée « assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’État. » « Le fonctionnement des pouvoirs publics, c’est la stabilité politique et institutionnelle que le président mentionne dans son communiqué », décrypte notre spécialiste du droit constitutionnel. Or « cette position est sensée », estime-t-il, puisque si Emmanuel Macron nommait Lucie Castets, celle-ci serait « très vraisemblablement renversée. » Voilà pour la Constitution, rien que la Constitution.

En revanche, l’argument de la « stabilité institutionnelle », brandi pour justifier le blocage du NFP, et son corollaire, l’absence de nouveau Premier ministre, n’en demeure pas moins problématique. Notamment parce qu’Emmanuel Macron est à l’origine même de l’instabilité qu’il explique aujourd’hui vouloir éviter, comme ne manquent pas de lui rappeler ses opposants.

« L’objet de la dissolution, c’est de mettre fin à une crise », rappelle également Bertrand-Léo Combrade, en citant l’exemple de mai 68. « Concrètement, les Français étaient appelés à résoudre la crise politique, la chienlit selon de Gaulle. Là, c’est l’inverse. Il n’y a pas de crise, le président dissout et provoque un risque d’instabilité politique », explique l’universitaire, avant d’ajouter : « il est donc assez paradoxal aujourd’hui de se poser en arbitre qui cherche une solution pérenne. »

« L’arbitre veut aussi être le capitaine de l’équipe majoritaire »

D’autant qu’Emmanuel Macron ne se cantonne pas à ce seul rôle, au-dessus de la mêlée. Un autre écueil du discours présentiel dans le contexte actuel. « Dans ce communiqué, Emmanuel Macron se présente comme un arbitre, ce que prévoit la Constitution. Mais dans le même temps cet arbitre veut être le capitaine de l’équipe majoritaire qui a pour but de gouverner et de faire passer ses réformes, après avoir fait campagne pour elle », juge encore Bertrand-Léo Combrade au HuffPost.

Une volonté de jouer sur « deux tableaux », certes commune à tous les prédécesseurs d’Emmanuel Macron, mais qui, dans le contexte actuel, n’est pas propice à dénouer la situation politique à l’Assemblée. Ce positionnement est au mieux « paradoxal ». Voire, pire « anormal », de la part de quelqu’un qui prône la « stabilité institutionnelle. »

Enfin cet argument apparaît discutable et risqué, sur le plan politique. Car en écartant le Nouveau Front populaire, la coalition arrivée en tête à la sortie des urnes (mais loin de compter sur une majorité absolue), Emmanuel Macron n’a pas d’autre solution solide à proposer. L’alliance avec la droite qu’il lorgne depuis le 7 juillet (et dont l’effectif serait tout aussi fragile que celui du NFP) se fait toujours attendre, tandis que le NFP refuse de se disloquer malgré ses coups de boutoirs.

Résultat : l’alternative à l’alliance des partis de gauche et ses 193 députés n’émerge toujours pas. Cette offre censée être plus « stable », viendra peut-être de la deuxième salve de négociations à l’Élysée. En attendant, Gabriel Attal continue de battre chaque jour le record de longévité d’un Premier ministre démissionnaire. Une certaine forme de stabilité.

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