Renforcer l’Europe face à Trump ? En quoi ça consiste vraiment (et pourquoi c’est compliqué)
POLITIQUE – Un « électrochoc ». Pour Thierry Breton, le retour de Donald Trump à la Maison Blanche doit être l’occasion d’un sursaut. Pour ne pas laisser place à « la sidération », l’ancien commissaire européen remet sur la table l’idée d’une défense commune européenne.
Invité de France Inter ce jeudi 7 novembre, il a assuré qu’en Europe, « on ne s’est pas préparé » à devoir faire face d’un côté à un Donald Trump plus isolationniste que jamais, et de l’autre à un Vladimir Poutine à l’appétit insatiable. « En tant qu’Européens, il va falloir qu’on se pose des questions fondamentales », martèle Thierry Breton.
« En Europe, nos leaders sont aphasiques », déplore aussi le député européen Raphaël Glucksmann dans un entretien à L’Express. Le fondateur de Place Publique, connu de longue date pour ses appels à renforcer la capacité de défense du Vieux Continent, plaide cette fois pour une « relance de l’industrie de l’armement en Europe » et une « mobilisation générale des capacités productives européennes ». Et prend soin de préciser sa pensée : « ce n’est pas du bellicisme que de prendre au sérieux la défense de l’Europe ».
Le principal point d’inquiétude concerne l’OTAN. Pendant sa campagne, Donald Trump a plusieurs fois attaqué l’alliance militaire créée en 1949, qui repose sur un principe de solidarité entre États membres. « Vous n’avez pas payé ? Vous êtes des mauvais payeurs », déclarait le candidat républicain lors d’un meeting en Caroline du Sud le 10 février. « Non, je ne vous protégerai pas. » Des menaces claires contre des pays qu’il accuse de ne pas suffisamment participer à l’effort collectif. Sa demande est la suivante : que chaque pays membre consacre au moins 2 % de son PIB aux dépenses militaires.
« Parapluie américain »
Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, malgré des hausses de budget constatées partout ces dernières années. Donald Trump pourrait-il décider de mettre fin à l’OTAN, comme certains le craignent ? « La quasi-totalité des États membres de l’UE dépendent aujourd’hui uniquement de l’OTAN, donc des États-Unis », pointe Thierry Breton, comme pour rappeler l’extrême vulnérabilité des pays européens, et donc leur dépendance à l’égard de la première puissance mondiale. « Pour la première fois depuis 1945, le parapluie américain sous lequel nous somnolions peut se refermer brutalement », souligne aussi Raphaël Glucksmann.
« L’Europe doit prendre ses responsabilités », acquiesce la présidente de la Commission européenne Ursula Von der Leyen. « Pour notre sécurité et notre défense. » Mais globalement, côté européen, la tendance est à minimiser les effets de l’élection de Donald Trump. Si l’Europe doit augmenter ses capacités de défense, ce n’est pas en raison du retour au pouvoir du candidat républicain, mais plutôt des risques que fait peser, à l’Est, Vladimir Poutine, a expliqué le nouveau commissaire européen à la Défense Andrius Kubilius. Avant de poursuivre : « nous devons de façon urgente renforcer l’état de préparation de l’UE à une éventuelle agression militaire ». « Il faut qu’on augmente notre capacité de production de défense en Europe, c’est absolument majeur », confirme Thierry Breton.
« Changer de braquet »
Reste que le sujet, évoqué depuis des années, est un serpent de mer bien difficile à mettre en place. Depuis ses débuts, l’Union européenne n’a jamais fait d’une défense commune un sujet majeur. Elle s’est au contraire bâtie autour d’enjeux économiques et commerciaux. Mais face à la multiplication des conflits aux quatre coins du globe, les États membres réexaminent leur position. À l’exception notable de l’Allemagne, qui rechigne à augmenter sensiblement son budget militaire : en 2023, il ne s’élevait qu’à 1,57 % de son PIB, loin des 2 % demandés par Donald Trump, et surtout loin des 3,9 % de la Pologne ou des 3,01 % de la Grèce.
Le spécialiste des questions militaires Alexandr Burilkov et l’économiste Guntram Wolff rappellent, dans une tribune au Monde, que « la Russie dépasse désormais l’Europe en matière de défense ». Raphaël Glucksmann estime alors que le risque principal est que « si nous ne changeons pas de braquet, l’UE et nos démocraties peuvent littéralement s’effondrer dans les années qui viennent ». Un scénario catastrophe pas si inéluctable, pour peu que les discussions européennes ne s’enlisent pas une fois de plus.
À voir également sur Le HuffPost :
La lecture de ce contenu est susceptible d’entraîner un dépôt de cookies de la part de l’opérateur tiers qui l’héberge. Compte-tenu des choix que vous avez exprimés en matière de dépôt de cookies, nous avons bloqué l’affichage de ce contenu. Si vous souhaitez y accéder, vous devez accepter la catégorie de cookies “Contenus tiers” en cliquant sur le bouton ci-dessous.