Politique

Robert Badinter n’était pas que l’homme de l’abolition de la peine de mort

POLITIQUE – L’homme de l’abolition de la peine de mort… et de bien d’autres lois qui ont façonné la justice de la Ve République. L’ancien Garde des Sceaux Robert Badinter décédé le 9 février à l’âge de 95 ans, a marqué au-delà de sa génération et reçoit, ce mercredi 14 février, un hommage national présidé par Emmanuel Macron au ministère de la Justice. Un lieu symbolique que l’ancien ministre de François Mitterand a marqué de son empreinte.

Nommé ministre de la Justice le 23 juin 1981, Robert Badinter a dirigé la Chancellerie pendant quasiment 5 ans, une longévité quasi inédite à ce poste. Sa réforme la plus célèbre est sans conteste celle abrogeant la peine de mort, promulguée quatre mois à peine après son entrée en fonction. Mais s’il avait fait de cette cause le combat de sa vie, il en a mené de nombreux autres.

Dépénalisation de l’homosexualité

Robert Badinter a « joué un rôle décisif pour la ’dépénalisation de l’homosexualité’ dans notre pays », a salué sur X l’association SOS Homophobie le 9 février. En août 1982, Robert Badinter soutient la loi portée par Raymond Forni pour abroger le « délit d’homosexualité » mis en place sous le régime de Vichy. Ce texte discriminatoire condamnait « les actes contre nature avec un individu mineur du même sexe » avec une peine aggravée par rapport aux relations hétérosexuelles.

« L’Assemblée sait quel type de société, toujours marquée par l’arbitraire, l’intolérance, le fanatisme ou le racisme, a constamment pratiqué la chasse à l’homosexualité. Cette discrimination et cette répression sont incompatibles avec les principes d’un grand pays de liberté comme le nôtre. Il n’est que temps de prendre conscience de tout ce que la France doit aux homosexuels, comme à tous ses autres citoyens dans tant de domaines », déclarait Robert Badinter à l’Assemblée nationale le 20 décembre 1981.

Environ 10 000 condamnations pour homosexualité ont été prononcées entre 1942 et 1982. Quarante et un ans après l’abrogation de ce délit, en novembre 2023, le Sénat poursuivait sur cette voie en votant un texte – avec le soutien du gouvernement – pour reconnaître la responsabilité de l’État dans ces condamnations.

« Double peine » en prison et QPC

Avocat de formation, attaché au respect de la dignité de la vie humaine, Robert Badinter a aussi porté plusieurs réformes pour modifier le système carcéral français. Il est notamment à l’origine, en juin 1983, des Travaux d’Intérêt Généraux (TIG) pour les infractions mineures afin de lutter contre la surpopulation en prison.

Par la suite, il engagera une série de mesures visant à améliorer les conditions de vie des détenus : généralisation des parloirs sans séparation, autorisation de la télévision… « Les prisons françaises ne sont pas l’honneur de notre pays. J’ai eu cette humiliation au Conseil de l’Europe d’apprendre (…) que de tous les pays, nous étions celui qui dépensait le moins par tête de prisonnier », déplorait-il ainsi le 1er avril 1985 sur Antenne 2.

En 2012, sur le plateau de l’émission 28 Minutes d’Arte, Robert Badinter continuait à mettre en garde contre la « double peine » en prison. Un discours presque prémonitoire qui résonne encore alors qu’en 2020 et 2023, la France a été condamnée par la CEDH pour les conditions de détention des détenus.

C’est aussi à Robert Badinter que l’on doit ce qui deviendra la Question prioritaire de constitutionnalité. « Pourquoi ne pas reconnaître au citoyen la possibilité de soulever, dans le cadre d’un procès, une exception d’inconstitutionnalité contre une loi dont le Conseil constitutionnel n’a pas été saisi ? », plaidait ainsi en mars 1989, dans un entretien au Monde, celui qui était alors président de l’institution. Il faudra attendre 2008 et la réforme de la Constitution menée par le président de la République Nicolas Sarkozy pour voir cette idée se concrétiser.

Badinter, figure de la lutte contre l’antisémitisme

Au-delà de ses fonctions politiques, Robert Badinter reste aussi l’une des figures de la lutte contre l’antisémitisme. Le 9 février 1943, son père est déporté dans un camp de concentration de Pologne et n’en reviendra jamais. Cet évènement marque indéniablement l’histoire et les combats de l’ancien ministre. L’histoire retiendra notamment sa colère face à Robert Faurisson lors du procès qui oppose les deux hommes en 2007. Faurisson, déjà condamné pour négationnisme, a intenté une action en justice pour diffamation contre Robert Badinter qui l’a qualifié à la télévision de « faussaire de l’Histoire. »

À la barre, l’avocat, et à l’époque sénateur PS des Hauts-de-Seine, tonne. « Les mots ont un sens, sauf pour ceux qui les utilisent comme vous. Et pour qu’il n’y ait aucune équivoque, que les choses soient claires, pour moi, jusqu’à la fin de mes jours, tant que j’aurai un souffle monsieur Faurisson, vous ne serez jamais, vous et vos pareils que des faussaires de l’histoire », maintient-il.

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