Sur Écophyto, Fesneau garde l’objectif de réduction des pesticides mais ignore les écolos
ENVIRONNEMENT – La balance a penché du côté des agriculteurs, reçus jeudi par Emmanuel Macron, plutôt que de celui des écolos. Marc Fesneau, le ministre de l’Agriculture a annoncé ce vendredi 3 mai dans les colonnes du Parisien que le plan Écophyto, mis en pause à la faveur de la crise agricole, allait reprendre du galon, grâce à plus de moyens pour trouver des solutions alternatives aux pesticides. Malgré sa remise en route, les craintes des associations environnementales ont été ignorées.
« La France a longtemps été considérée à l’avant-garde des pays portant une ambition de réduction des pesticides. Avec cette nouvelle stratégie elle rejoint les pays qui mettent tout en oeuvre pour que rien ne change, faisant régresser notre pays de 15 ans ! », a réagi sur X François Veillerette, porte-parole de Générations futures, association qui soutient une agriculture durable.
À son lancement en 2008, « Écophyto I » visait à réduire de 50 % en 10 ans le recours aux produits phytosanitaire (herbicides, insecticides, fongicides). En 2015, le plan est revu (Écophyto II) : l’objectif de réduction de moitié est conservé mais remis à 2025. Cette fois-ci, Écophyto III, qui sera dévoilé dans son intégralité lundi 6 mai, vise toujours la réduction de moitié des phytosanitaires, mais l’échéance est fixée à 2030. En d’autres termes, en 16 ans, les plans Écophyto n’ont jamais accouché de résultats satisfaisants.
On « utilise aussi de la chimie pour se soigner »
Le ministre de l’Agriculture se refuse à voir cela comme un échec, il argue au Parisien : « Si l’on prend la consommation des substances les plus dangereuses pour la santé, les CMR1 (cancérigène, mutagène, reprotoxique), elle a baissé de 95 % depuis 2018 », concédant tout de même que « l’objectif de 50 % de réduction, tel qu’il était pensé, n’était pas satisfaisant ».
Pour ne pas enterrer Écophyto, plus que nécessaire au regard des dégâts des pesticides sur la santé humaine, des sols, et de la biodiversité, Marc Fesneau annonce une enveloppe considérable pour financer des « alternatives » et des « solutions ». « 250 millions d’euros par an dont 150 millions sur la recherche et 50 millions d’euros pour financer du matériel, c’est absolument inédit ! », se réjouit-il auprès de nos confrères.
De leur côté, les associations environnementales et les scientifiques craignent que les « alternatives » évoquées par le ministre ne soient en fait des pesticides moins dangereux pour la santé humaine, mais tout aussi néfastes pour la nature.
« Je voudrais savoir au nom de quoi on demanderait à l’agriculture de supprimer des molécules qui ne sont pas à risque », se défend le ministre, comme vous pouvez l’entendre dans la séquence ci-dessous. Et Marc Fesneau d’arguer auprès du Parisien qu’on « utilise aussi de la chimie pour se soigner. »
Nodu abandonné, espoirs des écolos douchés
Ce n’est pas le seul point qui inquiète les écologistes. Marc Fesneau confirme ce vendredi au micro de franceinfo l’abandon du Nodu, l’indicateur français de mesure de l’usage des pesticides, accusé par les agriculteurs de ne pas refléter les efforts déjà consentis par la profession. Il sera remplacé par l’indicateur européen, le HRI1, comme réclamé par le principal syndicat agricole, la FNSEA.
Les associations écologistes voient la relégation du Nodu comme une volonté du gouvernement de camoufler « 15 ans d’échecs ». Le HRI1 est « un très mauvais indicateur », estimait en février dernier Jean Burkard, directeur chez WWF France, car il « suit la dangerosité des substances actives estimée ’a priori’ » et « ne documente pas du tout les effets de cette substance une fois qu’elle est sous forme de pesticide mise dans la nature. »
« La prétendue réduction de 50 % des pesticides est basée sur un indicateur trompeur, le HRI1, qui ne mesure pas la consommation réelle. Le gouvernement choisit de casser le thermomètre plutôt que de réduire la fièvre », a renchéri Générations Futures, dans le thread ci-dessous.
Marc Fesneau leur répond ce vendredi : « ne vaut-il pas mieux réduire en priorité la trajectoire des molécules les plus à risque ? Certaines associations veulent en réalité supprimer tous les produits phytosanitaires. Or, on ne sait pas faire ça. » Et poursuit : « affirmer que les pesticides sont dangereux, c’est une généralité approximative ». Les agriculteurs qui seraient inquiets peuvent donc se rassurer, la fin des pesticides ce n’est donc pas pour demain.
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