Politique

Sur l’islamophobie, Bayrou et Retailleau s’opposent par interviews simultanées

POLITIQUE – C’est l’histoire d’un ministre de l’Intérieur qui dit, au même moment, l’exact inverse de son Premier ministre. Ce dimanche 4 mai dans le JDD, François Bayrou défend le terme « islamophobie », qu’il a à juste titre utilisé pour qualifier l’attaque commise contre Aboubakar Cissé, jeune musulman tué dans une mosquée du Gard. Il en va pour le chef du gouvernement du « courage de dire les choses telles qu’elles sont » pour décrire la situation.

« Refuser un mot parce qu’on ne veut pas regarder la réalité en face, c’est une attitude que j’ai déjà rencontrée dans ma vie politique. Ici, les faits sont clairs : un garçon de 22 ans, assassiné dans une mosquée pendant qu’il priait. Et son agresseur filme sa mort en proférant des insultes contre Allah. Alors je pose la question : si ce n’est pas de la haine dirigée contre l’islam, qu’est-ce que c’est ? Pourquoi refuser les mots justes ? », ajoute le maire de Pau.

« Je vois la détestation des musulmans et de l’Islam, la détestation des Juifs et du judaïsme. Et la détestation des chrétiens. Avec des crimes dans les trois cas », insiste-t-il. Or, au même moment dans La Tribune dimanche, son ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau réfute l’utilisation de ce terme. « Au ministère de l’intérieur, nous n’utilisons jamais ce terme-là », avance-t-il, alors que Bernard Cazeneuve, Brice Hortefeux ou encore Nicolas Sarkozy employaient bien cette qualification du temps de leur passage place Beauvau. À ce sujet, il est par ailleurs intéressant de constater que ses propres services utilisent le terme « islamophobe », comme encore ce 29 avril auprès du Parisien.

Fake news

« Le mot “islamophobie” a été forgé par les Frères musulmans pour interdire toute critique d’une religion. C’est un terme piégé que je n’utilise jamais car en démocratie on peut critiquer, moquer les religions, quand en revanche, on doit protéger les croyants », affirme pourtant le ministre de l’Intérieur, reprenant une fake news circulant depuis des années sur l’origine du terme. Comme l’avait démontré l’AFP Factuel se basant sur les travaux des sociologues Marwan Mohammed et Abdellali Hajjat, rattachés au CNRS, l’expression remonte au début du XXe siècle, même si son utilisation dans le débat public est intervenue au début des années 2000, à la suite des attentats du 11 septembre. Interrogée sur l’emploi du terme à la mi-journée dans le Grand Jury, la ministre déléguée chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations Aurore Bergé a jugé aussi le terme « pas approprié », assumant d’avoir des divergences avec le Premier ministre.

À noter que ce n’est pas le seul sujet qui oppose le Premier ministre à son ministre de l’Intérieur. Dans la semaine, Bruno Retailleau a dit tout le mal qu’il pense de l’instauration de la proportionnelle, sur laquelle se penche François Bayrou (par ailleurs lui-même grand défenseur de ce mode de scrutin). Fin mars, l’opposition entre les deux sur le port du voile dans les compétitions sportives avait donné lieu à des tensions, selon plusieurs indiscrétions de presse. Un dimanche comme un autre au sein de ce « socle commun » adepte de la cacophonie gouvernementale, du droit du sol aux retraites en passant par la fin de vie.

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