Politique

Ukraine, médias… LFI opère un retour aux fondamentaux (et crispe une partie de la gauche)

POLITIQUE – Une rentrée sur tous les fronts. Des menaces de censure contre François Bayrou aux préparatifs du 10 septembre, les troupes de Jean-Luc Mélenchon sont partout. Fidèles à leur stratégie, elles occupent un maximum de terrain et tentent d’animer le débat public autour de leurs enjeux. Une réussite à bien des égards, puisque le reste de la gauche s’est notamment rallié à leur position sur le soutien au 10 septembre.

Mais en s’offrant un retour aux sources, et en cherchant à se singulariser absolument, les insoumis s’éloignent un peu plus du reste de la gauche. Les « Amfis », qui se sont tenus du 21 au 24 août à Châteauneuf-sur-Isère (Drôme), ont été l’occasion de voir les priorités politiques et stratégies du mouvement, après un mois de pause estivale. Force est de constater qu’elles n’ont pas changé. À commencer par une relation tendue et clivante avec les médias.

En refusant d’accréditer le journaliste du Monde Olivier Pérou, La France insoumise s’est mis à dos une bonne partie de la profession et de la classe politique. Son tort ? Avoir coécrit un livre paru au printemps, La Meute, très critique du fonctionnement interne du mouvement mélenchoniste. « Liberté de la presse. Partout. Tout le temps. Simple. Élémentaire. Vital pour nos démocraties », avait répliqué la secrétaire nationale des Écologistes Marine Tondelier pour défendre le journaliste banni. Trente sociétés des journalistes et de rédacteurs avaient, de leur côté, dénoncé un « coup de semonce pour toute notre profession ».

Si l’état-major insoumis assume la décision au nom d’un présumé manque de déontologie dont aurait fait preuve l’auteur du livre honni, l’épisode illustre la relation contrariée qu’il continue d’entretenir avec la presse. Jean-Luc Mélenchon n’a-t-il pas toujours conspué les médias, accusés d’être « la deuxième peau du système » ? Il répète aussi souvent que « le système médiatique est l’adversaire central de la bataille pour la révolution citoyenne ». Lors d’un discours d’un peu plus de deux heures prononcé le 22 août depuis les « Amfis », l’ancien candidat à l’élection présidentielle a ironiquement salué « les professionnels de l’information ». Ajoutant : « Nous sommes heureux de l’intérêt que soulèvent nos travaux puisqu’il y a ici plus de 70 journalistes français et de presse étrangère, de toutes les variétés d’opinion ».

« Zelensky n’est président de rien »

Autre sujet de crispation à gauche : la guerre en Ukraine. Les députés LFI ont, de nouveau ce week-end, appelé au départ de Volodymyr Zelensky ; Jean-Luc Mélenchon allant même jusqu’à considérer qu’il s’agit d’une condition nécessaire pour parvenir à un cessez-le-feu durable avec la Russie. « Qui va signer l’accord de paix ? Monsieur Zelensky, dites-vous ? Vous plaisantez ? Il n’est président de rien. Depuis le mois de mai dernier, son mandat est arrivé à terme », a-t-il réaffirmé en meeting le 22 août. Le lendemain, invité en duplex du journal de 13 heures de TF1, il a étonné en affirmant : « Je trouve lamentable cette situation d’empires dirigés par deux personnes et en particulier, monsieur Trump ». Laissant de fait entendre que les États-Unis étaient davantage une menace que la Russie.

Dans une note de blog publiée à la veille de la rencontre Trump/Poutine en Alaska, Jean-Luc Mélenchon estimait déjà que l’Ukraine ne « peut plus gagner » la guerre et que « le départ de Zelensky est la condition de l’accord ». Ces propos, alignés sur la propagande du Kremlin, ont provoqué la colère et la réprobation de cadres socialistes, dont le sénateur Rachid Temal. « Poutine en avait rêvé, Mélenchon l’a écrit. Il finira dans la poubelle de l’Histoire », a-t-il fustigé. Chez Jean-Luc Mélenchon, son ancien tropisme russe et ses positions actuelles, notamment sur la question des frontières finissent toujours par revenir en boomerang.

Des chants hostiles au PS

Sur la base de ces positions, les relations avec le reste de la gauche se sont forcément compliquées. Seuls Sandrine Rousseau et Benjamin Lucas, connus pour leur attachement à l’union de la gauche incluant LFI, avaient fait le déplacement dans la Drôme. À l’inverse, à Strasbourg, où les Écologistes tenaient leurs Journées d’été, les Insoumis n’avaient envoyé aucun cadre de premier plan, préférant être représentés par la députée de Seine-Maritime Alma Dufour.

Des piques ont été lancées tout le week-end en direction de leurs ex-partenaires du NFP. Lors d’un discours aux « Amfis », le député LFI Pierre-Yves Cadalen a pris à partie Marine Tondelier, qui ne saurait « pas quoi mettre à la place du capitalisme ». « Pour elle, l’écologie, c’est l’écologie, a-t-il pointé. Et bien non : l’écologie, c’est l’anticapitalisme ! L’écologie, c’est l’écosocialisme ! » Avant de moquer son statut de secrétaire nationale : « Marine Tondelier est une dirigeante politique de haut plan… En tout cas formellement ».

Deux jours plus tard, des chants hostiles au Parti socialiste ont résonné dans la grande salle de Châteauneuf-sur-Isère. « Tout le monde déteste le PS », a-t-on pu entendre dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux. Là encore, c’est un retour aux fondamentaux pour un mouvement qui est né en 2016 dans la contestation au quinquennat de François Hollande et qui, depuis ses débuts, nourrit une haine mêlée à de la rancœur à l’encontre du PS. La signature de deux accords électoraux, en 2022 et en 2024, n’y a rien changé. Et la perspective de la présidentielle 2027 ne devrait pas arranger les choses.