Politique

Vous ne comprenez plus rien aux débats sur les budgets ? On vous résume le casse-tête

POLITIQUE – La séquence budgétaire qui s’est ouverte au Parlement sur fond de crise politique à l’automne a depuis pris depuis les allures d’un labyrinthe dans lequel il est bien difficile de s’y retrouver. Sauf à être député, huissier, ou ministre. À cela, plusieurs explications principales : la complexité des deux textes (budget de l’État et budget de la Sécurité sociale) éminemment politiques et leurs milliers d’amendements tout d’abord, mais aussi les délais très contraints du temps parlementaire, alors que les stratégies calendaires se multiplient.

Un travail de fourmi auquel s’ajoute le fait que le gouvernement a renoncé à utiliser le 49-3 et qu’en raison justement de la chute de François Bayrou et de la démission du gouvernement Lecornu I, les textes budgétaires ont été déposés tardivement. Tentative d’explications pour comprendre ce qu’il s’est passé ces dernières semaines et comment s’annonce la suite.

Sans rentrer dans le détail, depuis la fin du mois d’octobre, l’Assemblée nationale a alterné, en séance publique, entre l’examen du PLF et l’examen du PLFSS, mais aussi entre les différents volets des textes (recettes, dépenses).

C’est dans ce cadre que plusieurs mesures phares ont été adoptées ou rejetées après des discussions souvent enflammées. Cette semaine, dans le budget de la Sécurité sociale (PLFSS) qualifé de « musée des horreurs » par la gauche, les députés ont par exemple refusé de supprimer l’abattement de 10 % pour les retraités, mais ils ont voté la suspension de la réforme des retraites. C’est aussi via le PLFSS, qu’ils ont adopté l’affichage obligatoire du Nutri-Score et refusé la taxe du gouvernement sur les tickets-resto.

Dans les semaines précédentes, sur le budget de l’État (PLF), les élus avaient refusé la taxe Zucman introduite par un amendement socialiste, mais adopté une taxe sur les multinationales, et refusé le gel du barème de l’impôt. Le tout parfois dans des attelages bigarrés, alors que la rupture LFI-PS n’a jamais été autant consommée.

Le maniement tactique du calendrier

Outre les débats, un nouveau point d’étape a été marqué le week-end dernier par l’adoption du volet recette du PLFSS. Grace notamment aux voix des socialistes. Car sans vote sur les recettes, impossible pour les députés de se pencher ensuite sur les dépenses. Or, c’est dans cette partie que se trouvait justement la suspension de la réforme des retraites.

Dans la foulée, les socialistes ont refusé dimanche soir de prolonger les débats sur le PLFSS, contrairement aux insoumis. Une décision tactique qui a permis aux roses de voir la suspension de la réforme des retraites n’arriver que ce mercredi en fin de journée dans l’hémicycle. Surtout, grâce à un double mouvement du gouvernement, le PS s’est évité juste après un vote sur le volet dépenses. Ce qui aurait pu risquer de les faire basculer dans la coalition gouvernementale.

Car oui, par tradition et cohérence politique, un parti soutenant un budget est considéré comme soutien de l’exécutif. Et comme le PS avait voté la partie recettes pour arriver à l’examen des dépenses, un vote positif sur cette dernière partie l’aurait donc conduit à soutenir l’ensemble de la copie. Hors de question, donc.

Ainsi, l’exécutif a actionné mercredi en fin de séance l’article 47-1 de la Constitution qui renvoie directement, et donc sans vote, au Sénat le volet dépenses de la Sécurité sociale. Puis, jeudi soir, alors que l’hémicycle venait de retrouver le PLF, il a suspendu les débats prévus ce week-end du 15 et 16 novembre, les reportant à lundi. Motif invoqué ? La fatigue des élus. Il faut dire que les journées sont longues et peuvent donner lieu à des boulettes, comme celle des députés RN sur les PME, comme Le HuffPost l’expliquait ici. Ou la suppression par erreur d’une taxe qui rapporte à l’Etat 5 milliards d’euros…

Cette décision de l’exécutif, néanmoins plébiscitée par plusieurs groupes, a de quoi resserrer encore un peu plus le calendrier, alors que des centaines d’amendements sont encore en souffrance. Or ce n’est qu’une fois qu’ils ont tous été étudiés que les députés peuvent voter les volets et les textes.

Vous suivez toujours ?

Concernant le PLF, les députés n’auront donc que la journée du lundi 17 novembre pour éventuellement voter la partie recettes – impossible en l’état -, et jusqu’au 23 novembre ensuite pour la partie dépenses. À cette date, le texte passera alors dans les mains du Sénat. D’ailleurs, de la fin du mois jusqu’à la mi-décembre, c’est essentiellement à la chambre haute que se joueront les débats parlementaires.

Et là aussi, les sénateurs devront y aller au pas de charge en alternant entre les textes et les volets. Comme le gouvernement s’y est engagé, ils se pencheront non pas sur la version initiale, mais bien sur les copies des budgets issues de l’Assemblée.

Le PLFSS doit être voté au Sénat, au plus tard, le 25 novembre pour pouvoir faire l’objet éventuellement dès le lendemain d’une commission mixte paritaire (CMP) et finalement être définitivement adopté par le Parlement le 12 décembre. Quant au PLF, les votes sur la partie recettes et dépenses sont respectivement prévus au Sénat le 2 et et 12 décembre. Avec ensuite une CMP dès le 13, et une adoption définitive le 23 décembre dernier délai.

Pardon, freinons un peu pour ceux qui ne sont familiers du jargon parlementaire. Une commission mixte paritaire est un outil de conciliation convoqué à huis clos quand les deux chambres sont en désaccord sur un texte. La CMP réunit à chaque fois sept députés et sept sénateurs. Objectif : accoucher d’un compromis qui doit ensuite être validés par le Sénat et l’Assemblée nationale. Ce qui devrait arriver sur le budget, et sur celui de la Sécu.

Ainsi, ces deux commissions mixtes paritaires seront des moments clés, car le Sénat et l’Assemblée sont bien parties pour proposer deux copies très différentes. Nul doute que la suspension de la réforme des retraites sera un morceau de choix au menu, puisque la droite sénatoriale, majoritaire à la chambre haute, a déjà promis de la restaurer.