Zohran Mamdani, le candidat new-yorkais qui fait rêver La France insoumise
POLITIQUE – Manon Aubry est montée dans un avion direction New York. La députée européenne a tenu à vivre de l’intérieur les derniers jours de campagne du candidat démocrate Zohran Mamdani. Donné en tête dans les sondages, autour de 45 %, il pourrait devenir maire de la ville la plus peuplée des États-Unis à l’issue de l’élection qui a lieu le mardi 4 novembre. Un basculement majeur aux répercussions mondiales.
« Sa candidature est la démonstration que dans un contexte de poussée réactionnaire, avec Trump au pouvoir, on peut l’emporter en assumant une vraie politique de gauche, soutenue par un élan populaire, estime Manon Aubry auprès du HuffPost. Un vent d’espoir soufflera de manière extrêmement puissante sur le monde s’il gagne, ce sera une vraie poche de résistance ». Un socialiste maire du temple de la finance mondiale ? Cruelle ironie pour la ville berceau du capitalisme, qui héberge Wall Street. Lors de sa campagne, Zohran Mamdani s’est échiné à montrer qu’il s’attaquerait aux milliardaires et aux marchés financiers, aidé par deux figures importantes de la gauche du parti démocrate, Bernie Sanders et Alexandria Ocasio-Cortez.
Suffisant pour s’attirer les louanges de La France insoumise ? Clémence Guetté le présente comme « le candidat allié des insoumis à la mairie de New York » et se satisfait que « la gauche de rupture gagne du terrain partout ». Jean-Luc Mélenchon considère qu’en cas de victoire, Zohran Mamdani deviendrait « un élu central dans le monde pour le compte de la gauche radicale » et que cela solderait « la fin de la gauche sociale-libérale et des années Clinton ». Mieux : le triple candidat à l’élection présidentielle française s’identifie de plusieurs manières au candidat démocrate.
Sur son blog, il liste les points communs : Zohran Mamdani a été sous-évalué dans les sondages (« L’industrie sondagière américaine a l’air aussi efficace que la nôtre ») ; il est vu comme étant un « vrai boulet » bien « trop clivant » ; il a subi « une campagne de diffamation » pour son soutien actif à la Palestine notamment ; « il propose d’augmenter les impôts sur les sociétés et ceux des New-Yorkais gagnant plus d’un million de dollars annuels »… « Son ascendance, sa religion, sa formation et son parcours politique lui valent déjà d’être presque aussi maltraité médiatiquement que moi », finit par commenter Jean-Luc Mélenchon.
En juin, le probable futur maire de New York déclarait que « les milliardaires ne devraient pas exister », déclenchant une polémique que connaît bien le fondateur de La France insoumise pour l’avoir lui-même provoquée à plusieurs reprises en expliquant qu’il était « immoral » d’être milliardaire. « Kamala Harris a crashé car elle était dans une forme d’accommodement avec le système libéral. Zohran Mamdani s’adresse à un électorat nouveau, dégoûté par la politique, et c’est ce qui fait sa force », considère Manon Aubry, non sans une arrière-pensée sur le débat qui agite la gauche en France, opposant le PS à LFI.
Forte présence sur les réseaux sociaux
Zohran Mamdani a fait de la lutte contre la vie chère l’un des axes forts de sa campagne. Dans la mégapole américaine, le coût de la vie est exorbitant et ne cesse de croître. Paradoxalement, c’est cette même inflation, autour de 3 %, qui avait permis le retour de Donald Trump à la Maison Blanche, perçu comme un meilleur bouclier que Kamala Harris. Pour convaincre les New-Yorkais, Zohran Mamdani a toutefois dû lisser un peu son image, s’excusant notamment d’avoir qualifié la police de « raciste ».
Sur la forme, il se rapproche aussi de la stratégie déployée par les insoumis de ce côté-ci de l’Atlantique. Fils de la réalisatrice Mira Nair, récompensée à Cannes en 1988 pour son film Salaam Bombay !, Zohran Mamdani maîtrise les codes de la communication et se démultiplie sur TikTok, Instagram, ou YouTube dans des vidéos humoristiques. Un positionnement qui lui permet de séduire largement la Gen Z. Invité à participer à des concerts et des émissions Twitch, Zohran Mamdani a su attirer le gratin des influenceurs new-yorkais. Lesquels se font désormais ses relais sur les réseaux sociaux, où ils multiplient les appels aux votes. Une soirée a même été organisée en boîte de nuit, avec plein d’artistes.
Sans forcer la comparaison, Jean-Luc Mélenchon a lui aussi flairé très tôt l’intérêt des nouvelles technologies et la force de frappe qu’elles peuvent représenter. Il est aujourd’hui l’homme politique français qui compte le plus d’abonnés sur TikTok (2,7 millions), loin devant Gabriel Attal (2,2) et Jordan Bardella (2,2).
Pour autant, « il serait trompeur d’assimiler le Parti démocrate à la gauche française ou européenne. Ce sont deux traditions différentes, deux systèmes de partis différents », souligne le docteur en sciences politiques à l’Université libre de Bruxelles Christophe Sente. Selon lui, « la gauche française cherche régulièrement à identifier des “héros” sur la scène internationale mais c’est la première fois qu’elle le fait sur le terrain de la radicalité aux États-Unis. D’habitude c’était plutôt pour s’arrimer au social-libéralisme ».
Construire des ponts à l’international
S’identifier à un candidat comme Zohran Mamdani permet à La France insoumise de construire des ponts sur la scène internationale, de rappeler qu’elle n’est pas la seule à porter ses propositions… mais aussi de montrer que sa victoire peut faire tache d’huile en France. Toute victoire à l’étranger est bonne à prendre. Il faut voir l’enthousiasme avec lequel les troupes de Jean-Luc Mélenchon ont applaudi l’élection de Lula au Brésil ou celle de Claudia Sheinbaum au Mexique.
Cette fois, une victoire de l’un des leurs dans la plus grande ville des États-Unis serait symbolique à plus d’un titre. D’abord parce que des élections municipales sont prévues dans cinq mois en France, et que des leçons pourront être tirées. Manon Aubry reconnaît d’ailleurs avoir profité de son passage à New York pour « échanger avec les équipes de campagne » et mettre en commun les expériences. Ensuite parce que la carte du monde serait rebattue. Les insoumis ne portent pas dans leur cœur les États-Unis, dont ils n’ont de cesse de critiquer les ingérences et l’impérialisme à l’échelle mondiale, et préfèrent regarder du côté de l’Amérique latine. Mais la victoire de Zohran Mamdani les contraindrait sans doute à revoir leur jugement.



