Barnier annonce le remboursement des kits de détection de soumission chimique, mais de quoi parle-t-on ?
SANTÉ – En plein procès Mazan, l’annonce ne coûtait pas grand-chose politiquement. Et elle reste d’ailleurs surtout symbolique. Le Premier ministre Michel Barnier a promis ce lundi 25 novembre, journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, le remboursement, à titre expérimental, et uniquement dans certains départements, de kits de détection de soumission chimique. Une chose est certaine, il ne sera pas question de vente libre, puisque la personne devra avoir une ordonnance d’un médecin pour y avoir accès.
Si le calendrier et les territoires concernés n’ont pas été précisés cette mesure n’est, en revanche, pas nouvelle. Elle était même réclamée depuis plusieurs semaines par la députée Modem Sandrine Josso, elle-même victime de soumission chimique. Dans une récente interview au HuffPost elle expliquait y voir la meilleure arme contre « les prédateurs ».
Après l’annonce de Michel Barnier, ce sont donc les pharmacies qui vont se retrouver en première ligne. Plusieurs professionnels contactés par Le HuffPost ce lundi ont expliqué ne pas avoir encore été informés par leur ministère de la nouvelle démarche. Mais Philippe Besset, président de la Fédération des Syndicats Pharmaceutiques de France, se félicite sans attendre : « C’était une mesure sur laquelle on s’était positionné et qu’on appelait de nos vœux », réagit-il. Un maillage idéal vantait aussi Sandrine Josso, puisque « les pharmacies, il y en a toujours une de garde, sept jours sur sept ».
Différents kits de détection des drogues
En matière de procédure ou d’acte de dépistage, rappelle Philippe Besset, il y a plusieurs moyens d’associer les pharmaciens. Avec les tests rapides d’orientation diagnostique (TROD) popularisé pendant le Covid et qu’on fait directement en officine. Cela implique un suivi puisque le pharmacien fait le prélèvement et rend lui-même les analyses. Existent aussi des autotests où le patient réalise lui-même le prélèvement chez lui après avoir acheté un « kit ».
Dans le cadre de la détection de soumission chimique, explique toujours Philippe Besset, il s’agira a priori d’un processus proche du kit de détection du cancer colorectal, avec prélèvement urinaire : « Dans ce cadre-là nous fournissons un kit de prélèvement complet, les flacons, le mode d’emploi qu’on explique, ainsi qu’une enveloppe qui permet d’envoyer le prélèvement à un laboratoire qui effectuera ensuite les analyses et les tests, et fournira le résultat ».
Au HuffPost, Sandrine Josso estimait que ce kit en question devrait aussi s’accompagner d’« une liste de gestes à adopter, de numéros et de conseils » : « Par exemple, si une victime a été soumise chimiquement et violée, il faut qu’elle garde ses vêtements. Pas dans un sac plastique, parce que cela détruit l’ADN, mais dans un sac en papier. Il ne faut pas qu’elle se lave », énumérait la députée.
S’il n’y – a priori – pas de changement majeur en matière de « méthode de détection », le remboursement est, lui, primordial. Comme le rappelait le Conseil national de l’ordre des médecins avant les annonces de Michel Barnier, le seul moyen pour un ou une patiente de se faire rembourser ce type d’analyse en laboratoire est de porter plainte. Ou à défaut de débourser une somme qui peut attendre 1 000 euros.
D’autres moyens de détections de médicaments ou de drogues
D’autant, pointait l’Ordre, que ce coût avait tendance à empêcher un dépistage rapide. Or dans le cadre d’une suspicion de soumission chimique le temps est précieux. Auprès du HuffPost, Pierre-Olivier Variot président de L’Union de syndicats de pharmaciens d’officine, rappelle qu’il y a des différences notables en matière de traçabilité selon les moyens de détections et les produits incriminés. Hormis le prélèvement urinaire analysé en laboratoire, il existe par exemple des bandelettes urinaires ou salivaires qui permettent de déceler différentes substances, tout comme les prises de sang.
Au cœur de cette question de temps, « la demi-vie d’un médicament », soit le temps après l’administration d’un médicament pour que sa concentration diminue de moitié. Dans le cas des viols de Mazan, Dominique Pelicot administrait à sa femme de puissants anxiolytiques. « Avec ces produits-là, la demi-vie peut être de 5 à 6 heures et aller jusqu’à 150 heures. Par exemple, le Lysanxia, un benzodiazépine, a une demi-vie longue qui peut aller jusqu’à 150 heures », rappelle le pharmacien.
Dans le cas de Sandrine Josso, le sénateur Joël Guerriau est accusé d’avoir versé dans son verre, et sans le lui dire, des produits de type ecstasy. Comme le précise Drogues Info service, cette substance reste présente dans la salive jusqu’à 12 heures, dans les urines jusqu’à 72 heures, et dans le sang jusqu’à 8 heures. D’après un rapport policier datant de juillet et dont l’AFP a eu connaissance, l’élue présentait 388 nanogrammes d’ecstasy par millilitres dans le sang en sortant de chez le sénateur – une dose bien supérieure à une dose considérée habituellement comme « récréative ». On comprend mieux l’importance d’agir dans les premières heures après l’administration présumée.
Si la science est capable de parler, encore faut-il que le médecin parle la même langue. Derrière ces kits, dont l’accès se trouve désormais facilité dans certains départements, la question de la formation des médecins, seuls habilités à les prescrire reste essentielle. « On l’a constaté avec Madame Pelicot : elle a subi une longue errance diagnostique, parce que les médecins généralistes et les médecins en général, même les spécialistes, ne sont pas formés à la soumission chimique. Donc ils n’investiguent pas dans ce domaine », constatait Sandrine Josso. Ça, Michel Barnier n’en a pas parlé.
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