Comment se servir de ce baromètre des violences gynécologiques ?
SANTÉ – De la bientraitance à la maltraitance, l’écart est parfois mince. Les violences gynécologiques font désormais l’objet d’un baromètre, à l’image de celui qui existe pour identifier les violences sexistes et sexuelles. À l’initiative de ce nouvel outil, on trouve une victime de violences et une sage-femme.
Leur objectif : guider les patientes, pour qu’elles visualisent ce qui peut être défini comme des violences gynécologiques, mais aussi former les soignants pour qu’ils adaptent leur pratique et soient vigilants à ne pas être maltraitants sans le vouloir. « Le baromètre est là pour que les patientes voient ce qui est acceptable ou non, pour ouvrir la parole », explique Camille Tallet, sage-femme et présidente de l’association Périnée Bien-Aimé.
La structure, qu’elle a cofondée il y a quatre ans, a été contactée par une patiente, qui fait partie des plaignantes ayant dénoncé les abus du gynécologue Émile Daraï, mis en examen pour « violences volontaires » sur plusieurs dizaines de femmes. Elle leur a proposé de mettre en forme et à disposition du grand public le fameux baromètre.
L’association a travaillé sur le contenu et la mise en page de l’outil, en le soumettant notamment à des professionnels de santé. Il est désormais disponible en téléchargement gratuit, sur le site du cabinet « Relyances » et visible sur Instagram.
« J’essaye de dire stop et de partir si… »
Le document, divisé en trois parties, verte orange et rouge, liste des exemples qui permettent de reconnaître ce qui est de l’ordre des violences gynécologiques et de marquer une frontière entre ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas.
Dans la partie verte, la « bientraitance » : on retrouve le fait de se sentir « écoutée sans jugement » et « respectée », de ne pas subir d’examen systématique s’il n’est pas nécessaire, de pouvoir retirer son consentement « à tout moment » et sans « remarques désobligeantes, critiques ou refus », ou bien de pouvoir réaliser soi-même « certains gestes type pose de sonde vaginale ou de speculum » pour plus de confort.
La partie orange, intitulée « J’essaye de dire stop et de partir si… », concerne les comportements qui doivent fortement alerter les patientes. Sont listés des actes comme le fait de ne pas suffisamment informer la patiente, d’éluder ou ne pas répondre à ses questions, de sous-estimer des symptômes ou de laisser entendre qu’ils sont « dans la tête » de la patiente. On retrouve aussi tout ce qui est de l’ordre des remarques sexistes, grossophobes, dévalorisantes ou humiliantes, sur la patiente ou sur son corps.
Dans la partie en rouge, « Je demande de l’aide si… », on retrouve les propos déplacés ou à caractère sexuel, le fait d’imposer la nudité ou un examen auquel on n’a pas clairement consenti, le fait de le poursuivre en cas de douleur ou de le mener par surprise, menace ou chantage, ainsi que les gestes à caractère sexuel et le viol.
« Le degré de violence n’est pas important »
La formulation des différentes propositions n’a pas été facile à trouver, afin de parler à la fois aux patientes et aux professionnels. « Dans la partie orange, il fallait faire en sorte que le soignant ne se sente pas non plus agressé, mais qu’il soit plutôt alerté, dans le sens “attention, ce que tu fais peut être mal vécu par la patiente”, pour que cela ne soit pas contre-productif », explique Camille Tallet.
Exemple : la phrase qui concerne les examens douloureux. « Le risque, c’est que certains soignants se braquent et disent “on ne peut plus rien faire”, souligne la sage-femme. On sait qu’il a des moments où certains gestes peuvent être douloureux. Et ce qu’il faut, c’est reconnaître la douleur de la patiente et l’accompagner, s’arrêter à sa demande. »
Pour elle, la définition des violences gynécologiques est simple et liée directement à la notion de consentement. « Le degré de violence n’est pas important, rappelle-t-elle. Une violence, c’est un non-respect du consentement. Cela veut dire que pour chaque chose que l’on va proposer en tant que soignant, il faut qu’on s’assure que la patiente est OK. Sinon, on s’expose à un risque de violence. »
Un principe qui semble simple, si l’on se fie à un consentement verbalisé clairement et éclairé. Car le consentement tacite, sur lequel peuvent se baser certains soignants, est pour elle une zone à éviter. « On ne peut présumer du consentement. ll faut qu’il soit verbalisé, et cela peut sembler redondant et être pénible de demander 15 000 fois. Mais on fait 15 000 choses et à tout moment, la patiente peut dire non », rappelle-t-elle.
« Tout est possible et on peut dénoncer »
Ce baromètre, à l’attention à la fois des soignants et des patientes, est un outil qui, elle l’espère, devrait faire évoluer les pratiques. « La médecine telle qu’elle est enseignée nous apprend ça : que lorsque l’on est soignant, on est tout-puissant. C’est une médecine descendante. Alors que nos patientes se connaissent bien et qu’il faut les écouter. Il faut que les patients soient co-créateurs du parcours de soins », estime-t-elle.
Elle recommande aux victimes de violences gynécologiques d’être à l’écoute de ce dont elles ont envie de faire et de comment elles se sentent. « Il n’y a pas d’injonction. On peut demander des explications ou confronter le soignant. En théorie, pour les cas les plus graves, il faudrait porter plainte. On peut aussi appeler le conseil de l’Ordre du soignant en question », rappelle-t-elle. Avec les limites que cela peut comporter.
« On a eu beaucoup de retours de patientes victimes de violences gynécologiques que l’Ordre a menacées de diffamation… regrette Camille Tallet. Mais il faut agir, car tout est possible et on peut dénoncer. » Ce baromètre pourrait être élargi à d’autres spécialités médicales. « C’était une volonté de notre part de ne pas le déposer, car ainsi il peut être adapté », suggère-t-elle.
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