Santé

Continuer à fumer pendant la grossesse pour ne pas « stresser le bébé » ? C’est un mythe

SANTÉ – Continuer à fumer quelques cigarettes pendant la grossesse est-il moins néfaste que le stress engendré par le sevrage ? C’est en tout cas ce que pensent certaines femmes enceintes. Cela pourrait expliquer, du moins en partie, les chiffres du dernier baromètre de Santé Publique France : en 2021, 13 % d’entre elles ont continué à fumer pendant toute leur grossesse. Et parmi les femmes d’enfant de moins de 5 ans qui fumaient lorsqu’elles ont appris qu’elles étaient enceintes, seules 45 % ont stoppé totalement le tabac.

Pourtant, comme l’explique au HuffPost Laurence di Cicco, infirmière addictologue chargée des consultations à la maternité de la Pitié Salpêtrière (Paris), c’est un mythe sans aucun fondement médical. « Je ne sais pas d’où vient cette idée. Évidemment que le stress n’est pas bon quand on est enceinte, que le bébé va le ressentir, mais la cigarette est bien plus dangereuse », affirme Laurence di Cicco.

Il n’est jamais trop tard pour arrêter de fumer

D’où l’intérêt d’arrêter de fumer ou du moins, de diminuer sa consommation et ce, dès que possible. « L’idéal serait d’arrêter de fumer avant même d’être enceinte. Mais c’est toujours bien d’arrêter et ce, à n’importe quel stade de la grossesse. Si une femme est fumeuse au moment où elle apprend qu’elle attend un bébé, il n’est jamais trop tard pour arrêter », souligne l’infirmière addictologue.

Il existe de multiples raisons d’arrêter de fumer, d’autant plus lorsque l’on est enceinte. Des études ont montré que la fumée de cigarette contient plus de 4 000 substances nocives capables de traverser la barrière placentaire. Et cela a des conséquences sur la santé et le développement de l’enfant à naître. « La consommation de tabac augmente le risque de fausse couche. Les bébés dont les mères fumaient pendant leur grossesse présentent aussi un poids plus faible à la naissance. Cela est dû à l’inhalation du monoxyde de carbone, qui altère les échanges d’oxygène entre la mère et le fœtus », détaille Laurence di Cicco.

Elle cite également un risque accru d’hématome rétroplacentaire (un décollement prématuré du placenta de l’utérus) et d’accouchement prématuré. « À la naissance, le bébé dont la mère a fumé sera plus sujet aux affections respiratoires comme l’asthme. Le risque de mort inattendue du nourrisson est aussi plus important. »

Sensibiliser sans culpabiliser

Mais, insiste l’infirmière addictologue, cela ne sert à rien de blâmer les femmes enceintes qui peinent à se sevrer du tabac : « Pour certaines, la grossesse est un super levier de motivation pour arrêter de fumer. Elles vont vraiment s’investir pour la santé de leur bébé. Pour d’autres en revanche, arrêter de fumer est plus difficile malgré la culpabilité qu’elles éprouvent ». Dans ces cas-là, plutôt que de leur reprocher d’avoir fumé, c’est le rôle du professionnel de santé de valoriser les efforts qu’elles font.

« Il faut faire avec les ressources de chaque femme enceinte. Certaines seront capables de stopper totalement leur consommation en l’espace de quelques semaines, d’autres vont avoir besoin de plus temps. Si elles fument trois ou quatre cigarettes de moins par jour, ou qu’elles prennent trois bouffées au lieu de la fumer en entier, c’est déjà ça. »

Laurence di Cicco met aussi en garde les femmes enceintes contre le tabagisme passif, qu’elles soient ou non fumeuses. « Les particules de fumée s’incrustent partout, passent sous les portes. » Mieux vaut donc consommer sa cigarette à l’extérieur et pas « juste à la fenêtre ». « Il est aussi important de sensibiliser l’autre parent pour ne pas exposer le bébé à cette fumée insidieuse, qui s’immisce partout. »

Un accompagnement par des professionnels de santé

Pour arrêter progressivement de fumer, les femmes enceintes peuvent se tourner vers les substituts nicotiniques, comme les patchs, qui sont sans danger pendant la grossesse. Laurence di Cicco y voit un réel avantage : « Même si elles continuent de fumer, elles vont moins tirer sur leur cigarette et donc inhaler moins de monoxyde de carbone. »

Autre option à ne pas négliger selon l’infirmière addictologue : celle de substituer le vapotage à la cigarette. « Même si le vapotage n’est pas indiqué dans le cadre de la grossesse, c’est toujours une réduction des risques. Dans une cigarette électronique, il n’y a ni monoxyde de carbone, ni substance cancérigène, ni goudrons », insiste Laurence di Cicco, qui regrette que certains professionnels de santé diabolisent le vapotage. « Alors qu’elles ne fumaient plus du tout et vapotaient à la place, certaines reprennent le tabac parce que leur médecin leur a fait peur. »

Quelle que soit l’option que les femmes enceintes souhaitent privilégier pour arrêter de fumer, il leur est recommandé d’en parler à leur médecin, leur sage-femme ou à une infirmière afin de mettre en place un arrêt du tabac le plus confortable possible pour elles. Ce sont ces professionnels de santé qui pourront par ailleurs leur prescrire des substituts nicotiniques, pris en charge par l’Assurance-maladie. Elles peuvent aussi appeler le 39 89 pour bénéficier d’un suivi téléphonique avec un ou une tabacologue de Tabac Info Service.

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