Damso est adepte du « jeûne de parole », mais de quoi s’agit-il ?
SILENCE – « Quand je fais des jeûnes de parole, ça me permet de développer une forme de relation avec l’humilité. » Sur le plateau de Quotidien, le rappeur Damso a détaillé une habitude qu’il applique « très souvent », pendant « une ou deux semaines », celle du « jeûne de parole », qui consiste donc à… ne pas parler.
« Quand on se tait, on finit par essayer vraiment d’écouter l’autre. Très souvent, quand les gens parlent entre eux, ils ne taisent pas leur voix intérieure. Et quand on fait ce jeûne de parole, en tout cas quand moi je le fais, j’arrive à taire ma voix intérieure », développe-t-il devant les yeux écarquillés de Yann Barthès.
« Pendant une semaine, vous ne dites rien ? Pas de coup de fil ? », demande le présentateur. « Non, juste une adresse mail sur laquelle on m’écrit entre 15h et 16h, répond Damso. Et s’il n’y a rien d’urgent, il n’y a rien d’urgent. » Et de conclure : « Je conseille à tout le monde d’essayer, parce que ça permet un rapport sain avec soi-même. Moi ça m’a aidé. » Mais quels sont les bienfaits d’un tel jeûne, aussi appelé en anglais « speech fasting » ?
« On se parle beaucoup à soi-même »
Le Guardian y a consacré un article en avril dernier, sous le titre « Le fait de rester silencieux jusqu’à midi nous rendrait-il plus heureux et en meilleure santé ? ». Le sujet part de l’habitude qu’a prise une célèbre chanteuse britannique, Lulu, de ne pas parler jusqu’à midi les jours où elle doit donner un concert. Même en chuchotant. Si l’objectif de l’artiste semble être de préserver sa voix pour améliorer ses performances, le quotidien se penche sur les autres bienfaits du silence.
Comme le souligne Damso, le silence nous aiderait à mieux écouter et même à éprouver de l’empathie pour ceux qui ne sont pas capables de parler, comme les bébés. C’est en tout cas ce que suggère une étude publiée dans Psychology Today en août 2023. Robert N. Kraft, docteur en philosophie et professeur émérite de psychologie cognitive à l’université d’Otterbein, dans l’Ohio, y explique qu’il impose un jour de silence – du lever au coucher – à ses étudiants par semaine.
Ce qui signifie pas de messages type SMS non plus. Les élèves sont simplement autorisés à écrire de brèves notes à l’avance pour avertir les gens de leur silence et pour être polis, comme « Je ne peux pas parler aujourd’hui » ou « Merci ». La première conclusion de l’expérience est le fait que l’on devient très « conscient de la façon dont on se parle à soi-même ».
« Mieux écouter les autres »
« Pendant une journée de silence, nous avons du mal à ne pas commenter notre propre comportement, à ne pas nous guider, à ne pas nous exclamer, à ne pas jurer et à ne pas chanter dans la voiture. Nous prenons également conscience de la quantité de paroles que nous nous adressons à nous-mêmes en général », écrit Robert N. Kraft.
Deuxième observation : notre niveau d’écoute serait de meilleure qualité, en partie parce que nous n’avons pas besoin de réfléchir à ce que nous allons dire. « L’expérience du silence évolue au cours d’une journée, commençant par de la curiosité et de l’amusement, puis se transformant en ennui. Au bout de deux heures environ, le silence devient frustrant, d’autant plus que les amis s’y habituent », souligne le professeur.
Problème : il est compliqué de communiquer avec des enfants et des animaux ou de faire de l’humour, qui passe essentiellement par le langage. L’expérience peut être carrément une torture ou s’avérer reposante, en fonction de la personnalité.
L’attitude de l’entourage est également étudiée. Dans les groupes, les dynamiques peuvent totalement changer, les personnes habituellement silencieuses devenant plus bavardes. « Certaines personnes bavardes ne remarquent pas notre silence et continuent à parler comme si nous n’étions pas présents », note Robert N. Kraft. D’autres peuvent en profiter pour faire des commentaires qu’ils savent susceptibles de nous provoquer.
Avec ses pensées pour seule compagnie
D’autres études citées par le Guardian établissent un lien entre les périodes de silence et une baisse spectaculaire de la tension artérielle, de manière similaire à la méditation. Le silence peut également contribuer à réduire les niveaux de cortisol, l’hormone du stress, et, chez les souris, il a été démontré qu’il favorisait la croissance du cerveau.
Le silence serait capable de nous rendre plus créatifs, plus stables, plus intelligents. Il serait bon pour notre santé et notre cerveau. Dans la plupart des religions, l’usage du silence est courant, que ce soit le silence monastique, le silence contemplatif ou la pratique zen du silence.
Mais la plupart des gens fuient ces moments où ils se retrouvent face à eux-mêmes. « Malgré ces données qui soulignent clairement les effets bénéfiques du silence, beaucoup d’entre nous ne supportent plus d’être assis, immobiles, dans le silence, avec leurs pensées pour seule compagnie », souligne dans Le Monde la chercheuse en psychologie Sylvie Chokron.
Apprivoiser ou même « faire taire » sa « voix intérieure », comme le suggère Damso, n’est pas un exercice facile pour tout le monde. Si notre quotidien ne nous permet pas de n’être joignable par mail qu’une heure par jour, on peut aussi tenter des sessions de méditation, des marches ou des randonnées silencieuses dans la nature. Avec le bruit des oiseaux en bonus.
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