Santé

Donner de la mélatonine à son enfant pour l’aider à s’endormir n’est pas une si bonne idée

SOMMEIL – En pharmacie, ils sont aisément mis en avant dans les rayons, à portée de main de toutes et tous. Présentés comme une solution naturelle contre les troubles du sommeil, ces compléments alimentaires à base de mélatonine sous forme de gomme (les fameux « gummies ») ou de spray séduisent de plus en plus les parents en quête de solution rapide face aux nuits agitées de leurs enfants.

Selon une enquête de l’Académie américaine de médecine publiée en 2023, près d’un parent sur deux (46 %) a déjà administré un complément alimentaire à base de mélatonine à son enfant de moins de 13 pour l’aider à s’endormir. 30 % l’ont fait avec leur enfant plus âgé.

Auprès du Parisien, Virginie, explique avoir donné de la mélatonine à son aînée lorsqu’elle est trop stressée pour s’endormir, notamment lorsqu’elle passait le brevet des collèges. « Sinon, parfois, c’est ma petite de 10 ans qui vient m’en demander quand elle est couchée depuis une heure et n’arrive pas à dormir », ajoute la mère de famille.

Des effets sur le long terme encore incertains

Il faut dire que la mélatonine telle qu’on la trouve disponible en libre accès en pharmacie a tout pour plaire. Contrairement aux formes plus fortes, soumises à prescriptions car considérées comme un médicament, ces gummies ou sprays à vaporiser sur la langue présentent un dosage plus faible (moins de 2 mg par jour) de la fameuse « hormone du sommeil » et sont donc classés dans la catégorie des compléments alimentaires.

Mais contrairement à ce que pensent les parents qui les administrent à leurs enfants, cela n’est pas sans risque. En 2023, une étude publiée dans JAMA Pediatrics mettait déjà en garde les parents contre les effets à long terme potentiels sur la santé des enfants. « Nous ne prétendons pas que la mélatonine est nécessairement nocive pour les enfants. Mais des recherches plus approfondies sont nécessaires avant de pouvoir affirmer avec certitude qu’elle est sans danger », expliquait ainsi dans un communiqué Lauren Hartstein, chercheuse à l’Université du Colorado et autrice principale de l’étude.

Et les doutes ne concernent pas que ce qui se passe aux États-Unis. En France, dès 2018, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) avait émis un avis dans lequel elle alertait sur les risques liés à la consommation de compléments alimentaires contenant de la mélatonine sur certaines populations, dont les enfants et les adolescents, et sur l’apparition d’effets indésirables. Parmi ceux-ci, des maux de tête, des vertiges, des tremblements, des nausées, des vomissements ou encore des douleurs abdominales.

D’autant que les risques d’interactions médicamenteuses sont aussi réels, comme le rappelait en 2022 le site Vidal, qui estimait que « l’usage (et la délivrance) de produits contenant de la mélatonine devrait s’accompagner d’une mise en garde concernant non seulement les risques d’interactions médicamenteuses, mais également la nécessité de conserver ces produits hors de portée des enfants ».

Des conséquences sur le sommeil à l’âge adulte

Autant de signaux qui alertent aujourd’hui les professionnels de santé. Sondés par le journaliste Le Parisien, des pharmaciens refusent ainsi tout simplement de délivrer de la mélatonine si cette dernière est destinée à un enfant. « On ne donne jamais de mélatonine pour les enfants sauf sur ordonnance. Tous les compléments alimentaires en rayon sont déconseillés aux moins de 12 ans », explique ainsi Ymen, qui travaille dans une officine du IVe arrondissement de Paris.

Interrogée par Santé Magazine en 2023, la pédopsychiatre Christine Barois appelle les parents à faire preuve de prudence avant de donner un gummies à la mélatonine à votre enfant. « Comme pour tout produit chez les enfants, il faut faire très attention. » Le neurologue et spécialiste du sommeil Marc Rey est lui plus direct. « Dire à un enfant qu’il a besoin d’un médicament pour dormir, c’est faire le lit de l’insomnie adulte », lâche-t-il au Parisien.

Tous plaident pour privilégier des solutions d’aide au sommeil non médicamenteuses, comme l’arrêt des écrans au moins deux heures avant le coucher, la mise en place d’un rituel du soir avec une histoire ou une chanson et, si besoin, une diminution de la durée des siestes. « Le sommeil, c’est quelque chose qui s’apprend, exactement comme un enfant apprend à parler », assure Marc Rey.

Enfin, si les troubles du sommeil de l’enfant persistent, consulter un médecin peut aussi s’avérer utile pour déceler d’autres problèmes sous-jacents comme de l’anxiété, un reflux gastro-œsophagien, une apnée du sommeil ou de l’asthme nocturne.