Santé

« En dix ans, on a perdu 2 000 officines » : pourquoi les pharmaciens sont en grève

SANTÉ – Il va falloir prendre vos précautions si vous avez besoin de médicaments ce jeudi. À la suite de l’appel à la grève des deux principaux syndicats de pharmaciens, la Fédération des Syndicats Pharmaceutiques de France (FSPF) et l’Union des Syndicats des Pharmaciens d’Officine (USPO), entre 90 % et 95 % des officines sont fermées ce jeudi 30 mai, selon les estimations communiquées au HuffPost par Denis Millet, le secrétaire général de la FSPF.

« Je n’ai jamais vu les pharmaciens remontés comme ça, confie-t-il. Il y a un sentiment de mépris et de non-prise en compte de ce qu’on est. Pendant le Covid-19, on a été présents lorsqu’on nous l’a demandé, et je pense qu’on a bien fait notre travail. Et maintenant qu’on a des besoins, on a l’impression qu’on n’existe plus et que personne ne nous écoute. »

Des fermetures liées aux difficultés économiques

Depuis la fin de la pandémie, les officines rencontrent en effet des difficultés. Si bien que 283 pharmacies ont fermé en 2023, « le plus gros chiffre jamais atteint », selon Denis Millet, qui se base sur un décompte de l’Ordre des pharmaciens. D’après lui, un nouveau phénomène a vu le jour : les officines de village sont de plus en plus nombreuses à disparaître. « C’est inquiétant pour les besoins de la population. On avait des déserts médicaux, alors si on rajoute des déserts pharmaceutiques… En dix ans, on a perdu 2 000 officines », alerte-t-il.

Les principales raisons de ces difficultés sont économiques. « Les pharmaciens voient leur trésorerie qui s’effondre, toutes leurs charges ont augmenté de manière colossale », détaille Denis Millet. Les pharmaciens réclament une hausse de la rémunération de leurs honoraires, qui « n’ont pas été réévalués depuis des années ».

Pénurie de médicaments

Le secrétaire général de la FSPF explique que les économies de l’État sur le prix d’achat des médicaments auprès des laboratoires ont aussi un impact négatif sur leur rémunération, ainsi que sur les pénuries de médicament, l’autre point de crispation de la profession. « L’État doit prendre le sujet à bras-le-corps et revaloriser massivement le prix des médicaments », avance-t-il.

Il cite comme exemple : « En Italie, ils achètent un antibiotique en sortant d’usine à 3,50 euros, contre 76 centimes chez nous. Quand l’industriel n’a pas beaucoup de produit, il ne réfléchit pas très longtemps entre les deux. » Si l’année dernière, c’est le paracétamol qui a été fortement affecté par ces pénuries, cet hiver, ce sont les antibiotiques de base qui ont manqué. L’amoxiciline a été touché, puis d’autres ont suivi en cascade, car les médecins les prescrivaient suite à la pénurie du premier nommé. Denis Millet cité également quelques médicaments manquants, comme les anti-inflammatoires, les antidiabétiques ou encore la cortisone.

Outre le prix des médicaments, d’autres raisons expliquent ces manques. Les laboratoires n’ont pas forcément anticipé la très forte demande mondiale, notamment de l’Inde et la Chine. « On a également subi des fermetures d’usine en Chine à cause du Covid, qui ont du mal à redémarrer », détaille Denis Millet avant de proposer : « On aimerait que l’État prenne des mesures claires et qu’il négocie avec les laboratoires pour qu’ils fabriquent les médicaments en France. »

Des négociations qui traînent

Les pharmaciens négocient avec la Caisse Nationale d’Assurance Maladie (CNAM) depuis fin 2023, mais « rien n’a abouti aujourd’hui », déplore Denis Millet. « Les dernières propositions qu’on a eues étaient très nettement inférieures à nos demandes. Certains pharmaciens disaient même que c’était humiliant et insultant. Je n’avais jamais vu ces mots dans les échanges qu’on a entre nous. »

Les étudiants en pharmacie se sont également joints à la grève. S’ils s’inquiètent de leur avenir professionnel, ils sont aussi en colère suite à une promesse de réforme de leur formation non tenue, qui leur aurait permis de « faire des stages dans les officines rurales, et avec de meilleurs salaires », selon le syndicaliste.

Plusieurs manifestations sont prévues en France, la plus importante à Paris partira à 15 heures de la faculté de la pharmacie pour aller jusqu’à Bercy, devant le ministère de l’Économie et de Finances. Selon RMC, un service minimum sera néanmoins assuré, et les pharmacies de garde doivent normalement être ouvertes.

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