Santé

Face à une « épidémie de suicides à l’hôpital », ces proches portent plainte contre plusieurs ministres

POLITIQUE – Le secteur hospitalier va mal et compte bien le faire savoir. Déposée jeudi dernier devant la Cour de justice de la République (CJR), une plainte de 19 personnes − où l’on retrouve des soignants et des veufs et veuves de soignants issus des quatre coins de la France − cible directement des ministres du gouvernement Bayrou.

Comme révélé ce lundi 14 avril par Le Monde et France Inter, cette plainte vise nommément la ministre de la Santé Catherine Vautrin, celle de l’Enseignement supérieur et de la Recherche Élisabeth Borne et le ministre à l’Accès aux Soins Yannick Neuder. Le but ? Dénoncer les suicides de soignants de l’hôpital public dans un contexte de dégradation des conditions de travail pouvant aller jusqu’au « harcèlement institutionnel », comme l’explique l’avocate des plaignants à l’AFP.

Cette plainte, déposée pour « harcèlement moral, violences mortelles, homicide involontaire et mise en péril de la personne », cherche à susciter un électrochoc dans la classe politique française face à une « épidémie de suicides à l’hôpital public ». D’autant qu’elle est portée par une multitude de profils différents, allant de la profession d’infirmier à celle de professeur des universités-praticien hospitalier (PU-PH) ou de directeur d’hôpital. Et tous les types de services sont concernés, de la pédiatrie à la cardiologie, en passant par la psychiatrie et la gynécologie.

Impunité totale

« L’hôpital connaît une crise majeure depuis de nombreuses années qui semble s’être aggravée depuis environ 2012-2013, par l’application continue de politiques publiques néolibérales qui, malgré de nombreux signaux d’alerte particulièrement inquiétants, dont des suicides, n’ont pas été corrigées, bien au contraire », est-il ainsi écrit en préambule de la plainte, déposée devant la CJR dans un but bien précis. La Cour de justice de la République étant la seule juridiction française habilitée à poursuivre et juger les membres du gouvernement pour des infractions commises dans l’exercice de leurs fonctions.

Invité à réagir à ce dépôt de plainte, l’entourage de Catherine Vautrin n’a pas souhaité faire « de commentaire à ce stade », indique l’AFP, qui n’a pas encore obtenu de réaction de la part de l’ancienne Première ministre Élisabeth Borne.

Cette plainte a pourtant de quoi faire réagir puisqu’elle dénonce des « conditions de travail totalement illégales et mortifères », « des rythmes insoutenables » dans différents corps médicaux, spécialités et régions de France, et « l’impunité organisée à l’encontre des auteurs des faits », comme le souligne Me Christelle Mazza, l’avocate des plaignants. « Les alertes remontées soit par dossier individuellement soit de manière systémique sont totalement ignorées », ajoute-t-elle, alors que le Covid-19 n’a fait qu’accélérer la crise et rapprocher l’hôpital public de l’implosion.

Jurisprudence France Télécom

France Inter raconte pour cela le suicide d’une infirmière du Centre Hospitalier de Béziers, dans l’Hérault. En 2024, elle s’était donné la mort après quinze ans d’expérience et après avoir maintes fois alerté sur sa souffrance au travail ces dernières années. Ce qu’elle avait choisi de mettre une dernière fois en lumière dans une lettre d’adieu. « Elle met en cause la direction, et dit que son suicide doit permettre de protéger les autres infirmières pour qu’elles ne vivent pas ce qu’elle a vécu », témoigne désormais son époux, qui a fait le choix de respecter cette dernière volonté en rejoignant le groupe de plaignants.

S’ils ont tous ont une histoire différente, la conclusion est très souvent similaire. Raison pour laquelle l’avocate de ces victimes collatérales de la dégradation des conditions de travail en milieu hospitalier cherche à s’appuyer sur la jurisprudence France Télécom pour faire condamner des membres du gouvernement. Deux anciens dirigeants du groupe (devenu Orange en 2013) avaient été condamnés pour harcèlement moral institutionnel en septembre 2022 par la cour d’appel de Paris. Un exemple qu’elle souhaite voir appliquer aux ministres. « La jurisprudence France Télécom doit s’imposer aux ministres comme à n’importe quel chef d’entreprise au nom du principe d’égalité devant la loi, en particulier quand il y a de telles atteintes à l’intégrité de la personne ».

« N’importe quel chef d’entreprise qui mettrait en œuvre de telles politiques de restructuration massive et répétée comme dans l’hôpital public avec de telles conséquences sur les conditions de travail serait déjà condamné et l’entreprise fermée », ajoute-t-elle au nom de ses clients, qui jugent l’État responsable de cette situation.

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